Environnement et durabilité
Pourquoi les villes devraient miser (encore plus) sur la végétalisation
De Seattle à Paris en passant par Bâle, Berlin, Milan ou Lausanne, un constat s’impose: le vert est tendance. Un vœu pieux? Du tout. De fait, comme le note Joëlle Salomon Cavin, entre friches et zones piétonnisées rendues «au vivant», tours et toits végétalisés, parcs, arborisation massive, plantages, jardins publics ou communautaires, écoquartiers ou balcons et terrasses fleuris, les villes sont de plus en plus perçues et vécues comme lieux de nature. Maître d’enseignement à l’Institut de géographie et durabilité de l’UNIL, elle précise: «Pendant longtemps, entre bitume et béton, la ville était avant tout considérée comme un milieu minéral, avec des lieux spécifiques, les bien nommés «espaces verts».
Toute plantation était extrêmement contrôlée – on n’aurait jamais vu de fleurs sauvages pousser aux pieds des arbres comme on en voit aujourd’hui à Paris ou à Lausanne!»
Un virage à 180° qui s’explique logiquement: la nature est devenue une solution urbaine pour atténuer les effets du changement climatique «et pour rendre la vie des gens meilleure, aussi», souligne l’écologue urbaine et chercheuse en sciences de la vie à l’Université de Zurich Nathalie Baumann qui, comme ses collègues spécialistes en environnement et durabilité, ne voit que des avantages à la ré-ensauvagisation des zones urbaines. Parmi lesquels…
Le retour de la biodiversité
Qui dit îlots de verdure dit biodiversité – végétale et animale. «On apprécie peut-être moyennement les araignées ou les moustiques mais… il faut surtout voir ça comme une chance de repenser notre rapport à la nature, au non-humain», explique Johann Recordon, du Centre de compétences en durabilité de l’UNIL. Il reprend: «Je pense notamment aux enfants qui vont pouvoir grandir en ayant accès à cela au quotidien et non pas juste une fois de temps en temps à l’occasion d’une balade en forêt ou à la campagne!» Et puis, plus d’insectes impliquent plus d’oiseaux: va-t-on se plaindre?
Dans cette perspective, de plus en plus de façades se retrouvent ainsi naturalisées (entendez: ornées de plantes grimpantes plantées dans le sol), tandis que des toits plats sont végétalisés. À ce propos… Non sans avoir rappelé que les Vikings en avaient déjà, Nathalie Baumann indique que Bâle les a rendus obligatoires: les propriétaires d’un toit plat de plus de 10 m2 se doivent de le végétaliser. Ce qui fait de la cité rhénane une championne dans le domaine puisque avec quelque 4000 toitures vertes, elle a le plus haut quota de ce type de faîtes au monde!
De même, si l’on a la chance d’avoir un jardin, tant pis pour le 100% gazon wimbledonien, mieux vaut laisser des espaces sauvages et ne pas faire la chasse aux mauvaises herbes dans ses carreaux potagers. Entretenus sans produits phytosanitaires agressifs et selon les principes de la permaculture, cela va sans dire!
La gestion de l’eau
Les spécialistes insistent en chœur: le retour du végétal en ville est importantissime en termes de gestion de l’eau. Pourquoi? On sait qu’avec le dérèglement climatique, les précipitations seront plus intenses. Ce qui signifie que de grandes quantités de pluie arriveront d’un coup. Dans la nature, la majeure partie de ces pluies s’infiltre dans le sol. Or, cet écoulement ne se fait pas dans la terre nue (les gouttes rebondissent puis ravinent sans pénétrer véritablement) ou est détourné par les revêtements imperméables tels que le bitume: «Si elles ne peuvent être absorbées, ces eaux provoqueront des inondations comme on en a déjà vu ces dernières années!» note Nelly Niwa. En clair, plus il y aura de potagers urbains, de plantages, de cours végétalisées et de zones débitumisée agissant comme des éponges, moins on risquera des catastrophes. Le message est donc limpide: publics ou privés, vive les espaces verts!
L’effet fraîcheur
Là encore, note Joëlle Salomon Cavin, de très nombreuses villes ont compris qu’il faut se préparer à une hausse des températures urbaines. Pour en limiter les effets, on peut notamment compter sur la verdure et la «couverture arborée» – raison pour laquelle, à l’instar de Lausanne, des Plans Canopée pour développer au maximum les plantations d’arbres sont élaborés.
Par ailleurs, en repensant les zones urbaines sans trafic, en les réinventant en mode quartiers fonctionnant en villages, on peut s’offrir des aménagements de toutes sortes – comme le font déjà certains écoquartiers: jardins, plantages, espaces verts et potagers communautaires, friches, fontaines et points d’eau, allées d’arbres – «des mélanges d’essences sélectionnées selon leur résistance aux conditions à venir», indique Nathalie Baumann. Elle ajoute: «Bref, il s’agit de mettre en place des infrastructures vertes et bleues qui seront des îlots de fraîcheur et d’ombre!» Et de sociabilité, aussi, puisque ces lieux de vie et d’activité sont également voués à la rencontre et au partage. Un avenir qui sourit, pour autant qu’on s’en donne collectivement la possibilité…
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