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Lâcher la bride aux enfants, une manière de les rendre autonomes?

Lâcher la bride aux enfants, une manière de les rendre autonomes?
© Getty

Lenore Skenazy est une journaliste, mère de famille, à New York. Dans un de ses articles, elle a raconté avoir laissé son fils de 9 ans prendre le métro tout seul. La réaction de l’Amérique puritaine ne s’est pas fait attendre: elle a dès lors reçu le titre de «plus mauvaise maman d’Amérique». De cette histoire, elle a tiré un livre devenu best-seller: «Free Range Kids: giving our children the freedom we had without going nuts with worry» (élever ses gamins en plein air: accorder à nos enfants la liberté que nous avons eue, sans se prendre la tête avec des angoisses).
Son credo? Il faut faire preuve de bon sens. Et faire confiance, partir du principe que les gens en général sont gentils, plutôt que dangereux. «Cela ne m’empêche pas de m’inquiéter pour mes enfants. Je me soucie de leur sécurité (en particulier lorsqu’il s’agit de traverser la rue), de leur humeur, de leurs devoirs, et de tout le reste. Mais j’essaie simplement de faire en sorte que mes inquiétudes ne m’empêchent pas de les laisser sortir», dit-elle.

C'était mieux avant?

Souvenez-vous: quand on était petits, on jouait dehors tous les mercredis après-midi après l’école, dont on était rentré à pied, on faisait du roller sans casque, on s’infiltrait dans le jardin de la voisine pour une chasse au trésor fictive et on allait à la boulangerie pour acheter des bonbons avec notre maigre (mais ô combien précieux) argent de poche. Aujourd’hui, les enfants ne prennent pas le bus seuls, ne vont d’ailleurs pas non plus au terrain de sport par leurs propres moyens, et ne traînent pas dans le quartier pendant des heures pour jouer avec leurs copains. Si c’est le cas, c’est forcément que leurs parents ne s’occupent pas d’eux, sont indignes de leur rôle de protecteurs et les laissent livrés à eux-mêmes. Nous confions notre progéniture à un baby-sitter à l’âge où, à l’époque, nous gardions nos petits voisins.


© Getty

Les risques sont pourtant moins élevés qu’auparavant: il y a un revêtement amortissant sur le sol des places de jeux, chaque adulte (voire enfant) est équipé d’un téléphone portable, les taux d’homicide n’ont jamais été aussi faibles et les rarissimes affaires de kidnapping sont, selon les statistiques officielles, quasiment toujours le fait de proches de l’enfant.

«Tout cet environnement fait comprendre aux parents que s’il se passe quelque chose, c’est leur faute, poursuit Lenore Skenazy. Aujourd’hui, aimer ses enfants, c’est annihiler tous les risques qu’ils pourraient encourir. Mais si vous confinez vos petits à la maison après l’école par crainte de ce qui pourrait leur arriver dans la rue, vous risquez de les conduire au surpoids ou à la dépression, parce que leur seule distraction sera l’ordinateur (et les jeux parfois très violents), ou le grignotage».

Réseaux sociaux et jeux vidéo

Spécialiste de la psychologie du développement, l’Américain Peter Gray souligne dans son livre «Free to Learn» (éd. Basic Books, non traduit), que «socialement, le jeu sans supervision d’adulte forme au contrôle des émotions, aux négociations avec les autres, à la médiation. C’est aussi ainsi que se constitue la confiance en soi. Les réseaux sociaux se sont développés, d’après lui, parce que c’est la seule façon qu’ont les enfants et les adolescents de communiquer sans leurs parents. Avec les jeux vidéo, ils peuvent s’immerger dans des univers dont les adultes de leur entourage sont absents, prendre des risques en ligne».
En confinant les jeunes dans des cadres supervisés par des adultes, on les prive du temps et des occasions dont ils ont besoin pour se prendre en charge. On ne leur fait plus confiance, et ils se mettent à penser que c’est avec raison. D’où leurs coups de blues de plus en plus fréquents et précoces.

Directeur d’école dans la banlieue de Belfort, Sylvain Obholtz constate sur son blog, instit90 (lien) qu’il en va de même pour ce qui concerne les disputes: «si les adultes interviennent systématiquement en médiateurs, ils privent les enfants d’un apprentissage nécessaire. Tous les gosses connaissent les règles, savent qu’il ne faut ni se battre, ni insulter, ni même se laisser emporter par sa colère, mais où ces savoirs formels peuvent-ils être confrontés à l’action, si ce n’est dans la cour de récréation? Comment peuvent-ils apprendre à se relever s’ils n’ont plus jamais l’occasion de tomber?»

On nous conseille en permanence de mettre nos petits à l’abri du monde. Lenore Skenazy préconise une approche opposée: «je pense que nous devons mettre nos enfants à l’épreuve du monde, pour qu’ils puissent se débrouiller seuls».


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