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«J’ai couru sans arrêt pendant 7 ans»

«J’ai couru sans arrêt pendant 7 ans»

«Tous les matins, à la même heure plus ou moins, je monte à pied sur le chemin du travail et tous les matins je croise les mêmes parents au même endroit en train de faire la même course, ce contre-la-montre qu’on ne gagne jamais...»

© Ludovic Andral

Il y a la mère qui court en tirant deux filles, une à elle et une d’emprunt. Le père qui glisse à vélo sur le trottoir, un pied au sol, les deux mains sur les freins, la tête à 180 degrés pour vérifier que son fils à trottinette, le casque de guingois sur le bonnet recouvrant à moitié les yeux, se dépêche sans toutefois se faire écraser.

Et un couple, junior à la main et sa petite sœur dans la poussette. Des fois, le père tire le fils devant le convoi féminin, d’autres fois la mère dévale la pente toutes roues vibrantes et les garçons suivent comme ils peuvent.

Enfin il y a les grands, seuls et plus rapides, comme ce préado en veste de ski multicolore et boots noires, qui sprinte comme un dératé, blouson ouvert et mèche blonde au vent même quand il fait – 5.

Sprint matinal

Tous les matins, à la même heure plus ou moins, je monte à pied sur le chemin du travail et tous les matins je croise les mêmes parents au même endroit en train de faire la même course, ce contre-la-montre qu’on ne gagne jamais, mais qui permet le plus souvent d’éviter de justesse la remarque cinglante dans le carnet des élèves des grandes classes et le regard désapprobateur des maîtresses des petites.

Apparemment, tous les autres, ceux que je ne vois jamais sur le chemin de l’école, réussissent à être à l’heure. Le genre de réflexion perfide que lancent les gens qui ne connaissent pas ce drame quotidien du lever des enfants – comment expliques-tu que ce soient toujours les mêmes qui n’y arrivent pas, mmm?

La fessée: faut-il l'interdire?

En les voyant essayer et échouer jour après jour, je me souviens que moi aussi j’ai été du troupeau des joggers malgré eux, courant de la maison à l’école, de l’école au travail, du travail au supermarché, retour à l’école, de nouveau une course-poursuite pour attraper le bus et arriver à l’heure au cours de natation ou de violon, vite les devoirs, la douche, le lit.

Je crois que j’ai couru sans arrêt pendant sept ans. En étant à l’heure, mais constamment de justesse. Maintenant je suis spectatrice, un peu comme Bernard Hinault qui regarderait à la télé le Tour et les vélos monter le Ventoux. Quelque part entre la compassion et le soulagement.


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