Bon plan argent
Aysha van de Paer: «Investir est à la portée de toutes»
FEMINA Comment s’y prendre pour donner davantage envie aux femmes d’investir?
Aysha van de Paer De par l’éducation que l’on a, il est difficile pour les femmes d’oser, de se lancer. Lorsqu’on est petite fille, on nous répète souvent qu’il faut faire attention, ne pas tomber, ne pas se faire mal, etc. Avec un petit garçon, on aura au contraire tendance à lui dire de foncer, de prendre de la place, de la vitesse. Les femmes sont bien plus prudentes. Pour aller au-delà de cette peur, il faut apprendre. Lorsque l’on ne connaît pas un domaine, ce dernier peut effectivement être effrayant. Mais dès qu’on est informé-e et qu’on s’y met, on découvre que cela est à la portée de toutes. Avec la formation que j’ai mise en place, je leur apprends à investir, je les guide sur les premiers pas et les aspects pratiques: où est-ce que l’on ouvre un compte, comment est-ce que l’on crée un portefeuille, de quelle manière réaliser une transaction, quelle monnaie utiliser, l’impact de l’investissement sur les impôts, etc.
Le domaine de la finance est largement dominé par des hommes. Est-ce également le cas dans celui plus spécifique de l’investissement?
Traditionnellement, les conseillers financiers dans les banques, les traders sont principalement des hommes. Il y a de plus en plus de femmes qui gagnent bien leur vie, qui ont de l’argent. Mais l’industrie financière n’est pas orientée ni équipée pour les servir.
Pourtant, les fonds gérés par les femmes ont une meilleure rentabilité…
Oui, tout à fait. Plusieurs études corroborent ces résultats: les femmes qui investissent pour elles-mêmes ont une meilleure performance. La raison? Elles s’orientent sur le long terme et se tiennent davantage à leur stratégie, elles ne cherchent en général pas à faire du trading risqué, à avoir des bénéfices hyper rapidement. Cette perspective à long terme fait partie des principes clés qui favorisent les performances en investissement. Souvent, les hommes ont tendance à vouloir prendre plus de risques, à tenter de réaliser des coups en bourse. On peut avoir de la chance de temps en temps, mais c’est loin d’être toujours le cas…
Investir, est-ce à la portée de tout le monde?
Complètement. De nos jours, il y a des outils qui permettent d’investir très facilement, à des coûts tout à fait abordables. De plus, il n’y a pas besoin d’avoir beaucoup d’argent de côté, ce n’est pas quelque chose qui est réservé aux riches. Il n’est pas nécessaire d’économiser avant de se lancer, au contraire: il est vivement préférable de commencer immédiatement et d’investir progressivement. Cela fait bien moins peur et l’argent travaille ainsi plus longtemps. En Suisse, si l’on investit dans un troisième pilier, on peut commencer avec 1 franc seulement. Seule restriction? Être soumis à l’AVS. En-dehors de cette option, il faut compter environ 2’500 francs pour se lancer.
Pourquoi est-il préférable d’investir plutôt que d’avoir un compte épargne?
Il faut avoir un compte épargne pour avoir une réserve en cas de problème: si l’on perd son travail, que l’on doit faire face à un gros dommage, etc. Mais au-delà de ce montant de sécurité, il faut absolument investir l’argent. Car lorsqu’on le garde sur un compte épargne, on perd de l’argent à cause de l’inflation. Le Covid a encore aggravé ce phénomène. On ne s’en rend pas compte, car le chiffre sur notre compte ne bouge pas, mais l’argent perd beaucoup de valeur.
Faudrait-il des cours d’investissement à l’école?
C’est une nécessité, oui. Ces concepts pratiques ne sont absolument pas enseignés, alors que l’argent, la sécurité financière, sont des sujets qui touchent tout le monde. J’ai fait des études, j’ai eu beaucoup de cours de finance et de comptabilité. Mais tout était très abstrait, on ne m’a jamais parlé de l’impact de l’inflation sur l’épargne individuelle, par exemple.
Si on décide de se lancer, pourquoi vaut-il mieux éviter les banquiers et les courtiers en assurance?
C’est souvent notre premier réflexe, mais ce n’est pas la bonne chose à faire selon moi. Malheureusement, la manière dont le système bancaire traditionnel opère n’est pas un gage de succès pour celle qui souhaite investir. Les banques ont beaucoup de bureaux, de guichets, de personnel, elles font du marketing coûteux, etc. Pour financer tout cela, elles prennent des commissions et des frais très élevés. Le portefeuille ne peut pas grandir, car les rendements qui sont faits servent en grande partie à payer les frais bancaires. Ces rendements ne sont pas réinvestis pour générer à nouveau de l’argent, ce qui est pourtant à la base de toute stratégie sur le long terme.
De plus, les conseillers sont là pour vendre leurs propres produits, ils ne connaissent pas forcément toutes les options disponibles sur le marché. La plupart d’entre eux ont été formés par la banque ou l’assurance, mais ils n’ont pas de connaissances globales sur les investissements dans leur ensemble. Ce n’est pas de la mauvaise foi, mais c’est comme ça que le système fonctionne. Et quand on ne connaît pas, on fait confiance aux institutions établies. Ça me révolte, car les femmes sont les grandes perdantes de ce système, étant donné qu’elles doivent investir davantage que les hommes. Elles ont des salaires moins élevés, réduisent leur temps de travail pour s’occuper de leurs enfants ou de leurs parents, s’adaptent à la carrière de leur mari, etc. Elles gagnent donc moins, sont moins promues et, pourtant, vivent plus longtemps. A la retraite, elles ont donc besoin de plus d’argent. Se rendre dans une banque ne va pas les aider à faire grandir leur portefeuille, à faire fructifier leur biens.
Investir permet de combler les inégalités entre les femmes et les hommes?
Oui, quand on le fait correctement, suffisamment et assez tôt. Plus vite on commence, plus c’est facile. La courbe n’est pas linéaire, mais exponentielle. Sur la durée, quand on investit de bonnes manières, avec un portefeuille diversifié et à moindre coûts, on peut facilement arriver à des montants conséquents, capables de remplacer ou au moins complémenter une retraite.
Faut-il s’intéresser au cours de la bourse, suivre les marchés financiers pour investir correctement?
Absolument pas, au contraire. C’est effectivement un mythe que l’on a, on a l’image du trader qui surveille, s’informe, fait constamment des transactions, mais ça n’est pas comme cela que ça fonctionne. C’est encore comme ça que beaucoup d’hommes investissent et perdent de l’argent... Mais de nombreuses études prouvent que ce n’est pas la meilleure manière d’investir. La méthode à suivre est beaucoup plus facile: il faut avoir un portefeuille diversifié, investi sur le long terme à moindre frais, auquel on ajoute régulièrement de l’argent. Il y a plusieurs plateformes qui permettent de faire cela automatiquement, avec un virement permanent qui part tous les mois depuis le compte salaire. Il n’y a rien besoin de faire! Ça parait paradoxal, mais moins on touche à ses investissements, mieux se portent ces derniers sur la durée. Une grande partie des gens qui perdent de l’argent en bourse sont des personnes qui paniquent.
Investir nous permet de partir à la retraite à l’âge qui nous conviendra. Car ne nous leurrons pas: le système de pensions est une bombe à retardement, les personnes qui ont moins de 55 ans auront des difficultés en se reposant uniquement sur l’AVS et la LPP. Si on investit pendant plusieurs années par soi-même, on aura une deuxième caisse de retraite. Cela peut aussi permettre de changer de travail, de travailler moins, etc. Cela permet d’avoir la liberté de faire des choix dans sa vie, sans être dépendants des systèmes, des lois.
Auriez-vous un conseil pratique pour celles qui souhaiteraient se lancer?
Sauter le pas le plus vite possible. L’idéal pour débuter est de trouver un Robo-Advisor (ndlr: plateforme en ligne gérant de manière automatisée les actifs) qui permet d’investir à bas coût dans un portefeuille diversifié, de manière automatique. Le mieux est de se lancer immédiatement, et de s’informer davantage ensuite, sinon on trouve toujours une bonne excuse pour ne pas s’y mettre!
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