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Jusqu’à l’âge de 20 ans, j’ignorais totalement que l’homosexualité existait. Je connaissais le «panier A» – les hétérosexuels – mais ne soupçonnais pas l’existence d’un «panier B». Dans mon Valais natal, il n’y avait pas d’homosexuels! On n’en parlait ni à l’école ni dans les médias. Pour moi, il n’y avait qu’un schéma familial, très traditionnel: papa qui travaille, maman qui s’occupe des tâches ménagères et des enfants. Et l’image de ces femmes «soumises» à leur mari ne me plaisait pas…

Lorsque les robes et les jupes de ma grande sœur arrivaient dans ma penderie, c’était le calvaire. Moi, j’aimais les pantalons, surtout ceux à carreaux. Je me disais que j’étais née au mauvais endroit au mauvais moment. Je me voyais aux Etats-Unis, au temps des cow-boys, défendant mon terrain. Je n’ai jamais voulu être un homme, non. Mais je ressentais un mal-être dans mon corps. Je ne me reconnaissais pas dans l’image des femmes autour de moi. Le maquillage, les fringues, les garçons ne m’intéressaient pas. Je n’étais pas comme les autres, mais qu’étais-je alors?

Ado, je n’étais pas bien dans ma peau

Je me souviens comme si c’était hier de la première fois que je suis allée seule chez le médecin, alors adolescente. Très sérieusement, je lui ai demandé d’arrêter mes règles et de m’enlever «tout ce qui servait à faire des enfants». Je n’en avais pas besoin. Je ne voulais ni me marier, ni fonder une famille. Le docteur a voulu me rediriger vers un psy. Avec le recul, je peine à croire qu’il n’ait pas soupçonné mon homosexualité.

Oui, j’ai eu des histoires avec des hommes. Pour faire comme tout le monde. Sans trouver cela transcendant. Mes amies me parlaient de papillons qu’elles avaient dans le ventre en croisant tel ou tel bellâtre. Moi, rien. J’ai grandi en n’étant pas bien dans ma peau, sans savoir pourquoi. Pour oublier mon mal-être, je me suis plongée dans le travail… et ma passion pour Michael Jackson. Mon coup de cœur pour lui remonte à mes 10 ans. Ma sœur avait accroché un poster de lui au mur de notre chambre. Fascinée par cette image, je lui avais demandé s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme. Jamais auparavant je n’avais vu un garçon si efféminé! Vers 20 ans, j’ai même réussi à me faire engager dans un restaurant genevois dans lequel je savais que le chanteur avait ses habitudes. J’ai ensuite enchaîné avec des postes qui m’ont fait énormément voyager. Une vie amoureuse stable était inconciliable avec la vie que je menais. Cela m’arrangeait. Bien sûr, en changeant d’horizon, j’avais pris conscience de l’existence du «panier B» mais j’étais loin d’admettre que j’en faisais partie. J’ai continué ainsi, la tête dans le guidon, pendant une dizaine d’années.

Coup de foudre postal

De retour en Suisse dans les années 2000, j’ai eu un coup de foudre pour une employée de guichet à la poste. En la voyant, j’ai eu des papillons dans le ventre et le cœur qui s’emballe. Enfin, je ressentais cela moi aussi. Je me suis inventé un tas de raisons pour aller la voir à son travail, et je rusais pour me retrouver, comme par hasard, à son guichet à elle. Je n’ai jamais déclaré ma flamme à «la postière». Ce sentiment amoureux qui me percutait de plein fouet pour la première fois, je devais avant tout l’assimiler, l’accepter.


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Mon corps, mon inconscient, mon âme m’envoyaient des signes depuis longtemps, mais je me cachais cette réalité. Vers l’âge de 14 ans, je me rappelle avoir acheté un album de K.D. Lang. Je l’ai écouté, j’ai feuilleté la pochette. Et la nuit venue, j’ai fait un rêve étrange. J’étais dans une pièce vide, et la chanteuse tournait autour de moi en me regardant avec insistance. Il y avait une attirance entre nous mais ce n’est pas allé plus loin. J’étais perturbée par le message subliminal que je percevais derrière ce rêve. J’ai alors jeté l’album à la poubelle. J’ai su beaucoup plus tard que cette chanteuse est lesbienne.

Les lesbiennes aussi chantent faux

A 35 ans, j’ai finalement arrêté d’être dans le déni. Oui, je suis homosexuelle. Je suis allée pour la première fois dans un bar lesbien, lors d’un séjour aux Etats-Unis. Tétanisée, je n’ai parlé à personne. J’observais. Les femmes présentes étaient comme les autres, en fait. Au karaoké, elles chantaient mal, comme souvent dans n’importe quel bar. Je devais me rassurer. En revenant de ce voyage, j’ai quitté mon emploi et pris un appartement à Lausanne. Sur internet, j’ai découvert l’association de femmes homosexuelles Lilith et suis allée à une soirée qu’elle organisait. La présidente de l’époque m’a gentiment accueillie. Elle devait sentir que j’étais morte de peur. Le contact avec le comité et certains membres de Lilith établi, je me suis ensuite rendue régulièrement au siège de l’association pour parler de mon parcours et échanger avec d’autres femmes. Enfin, je n’étais plus seule et je constatais que les lesbiennes vivaient tout à fait normalement. Lilith m’a également soutenue lors de mon coming-out. Je me suis d’abord confiée à ma meilleure amie, ma sœur et ma mère. Je leur ai parlé de Valérie*, que je fréquentais depuis peu. Toutes ont très bien réagi. Mais la réaction qui m’importait le plus était celle de ma grand-maman, une femme forte que j’admirais beaucoup. Je me disais que si elle acceptait mon homosexualité, le reste de la famille en ferait de même. Lorsqu’elle a appris la nouvelle à son tour, elle a affirmé que tout ce qui lui importait était que je sois heureuse. Je ne pouvais pas rêver mieux.

Le chemin a été long, mais je suis désormais épanouie, en paix avec moi-même. Cela fait sept ans que je vis une belle histoire avec Valérie. Quant à l’association, je ne l’ai jamais quittée et j’en assure la présidence depuis quatre ans. Nous organisons des événements et militons sur le terrain pour faire évoluer les mentalités. Notre permanence d’accueil et d’écoute me tient particulièrement à cœur, car j’ai pu avancer grâce à ce soutien. J’aurais aimé que, plus tôt dans ma vie, quelqu’un me prenne par la main et me dise «tu n’es pas seule, ne t’inquiète pas». Aujourd’hui, je veux être cette personne qui tend la main à d’autres femmes.

*Prénom d’emprunt

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