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Un éléphant dans le lobby. On croirait le titre d’une pièce de Beckett, mais non: en 1992, le Badrutt’s Palace a bel et bien invité un pachyderme dans son hall d’entrée – à Saint-Moritz! – pour satisfaire l’un de ses hôtes qui souhaitait «surprendre sa femme». Quatre ans plus tôt, l’hôtel faisait patauger des otaries dans sa piscine lors d’une «pool party» mémorable. La saison dernière, il installait des canons à neige devant chaque fenêtre du rez-de-chaussée parce que de jeunes mariés rêvaient d’un mariage en blanc. Un palace, c’est ça: faire son maximum pour exaucer, voire devancer, les désirs de sa clientèle.

A peine débarqué de l’une des trois Rolls-Royce que compte l’établissement, on est frappé par le caractère solennel qui règne dans les parties communes. Depuis cent ans, le grand hall n’a pas changé d’un coussin de velours brodé. D’innombrables statues et peintures religieuses ornent ses murs et ses imposantes colonnes de bois. «La famille Badrutt voulait que ses hôtes se sentent choyés et en sécurité, comme dans un monastère», explique Anna Kristina Nücken, responsable des relations publiques. Les quatre générations de Badrutt collectionnaient les ouvrages rares qu’ils mettaient à la disposition de leurs clients. Les archives de l’hôtel en sont pleines; on y a même retrouvé huit incunables, livres datant d’avant l’invention de l’imprimerie! Ailleurs, exposée dans la bibliothèque depuis la création du palace, une madone Sixtine rappelle étrangement celle de Raphaël, à Dresde. Outil de marketing avant la lettre, elle attire toujours de nombreux curieux.

Mais pour pouvoir admirer ces richesses, la route est longue. Depuis Neuchâtel, le trajet en train dure 5 h 30. Certes, le site est divin, le viaduc à couper le souffle, les dialectes grisons savoureux. Mais pourquoi diable avoir planté un hôtel dans un endroit si reculé? «Il fallait être complètement fou pour faire venir des gens à Saint-Moritz, sourit Evelyne Lüthi-Graf, directrice des archives hôtelières suisses. En Engadine, l’été dure six semaines et, en hiver, les températures descendent jusqu’à moins trente. Ici, c’est marche ou crève! Mais les Grisons ont un véritable esprit de pionnier, ils avaient confiance en leurs atouts: un paysage merveilleux, un hiver rigoureux mais sec, un soleil qui brille toute l’année.» En 1850, Johannes Badrutt, entrepreneur possédant un commerce de fer, se lance ainsi dans l’hôtellerie et achète une petite pension dans le village. En 1884, son fils Caspar acquiert l’hôtel Beau Rivage voisin. Il le rénove entièrement, l’agrandit énormément: le Badrutt’s Palace Hotel ouvre ses portes en 1896.

Pari tenu!

Les premiers clients sont Anglais. La tradition orale affirme que Johannes Badrutt fait un pari avec eux en 1864. Alors que les sujets de Sa Majesté s’apprêtent à repartir pour Londres à la fin de l’été, il leur assure qu’en hiver Saint-Moritz est tout aussi merveilleux et que le soleil brille de décembre à février. S’il se trompe, les Anglais seront ses hôtes... Pari tenu: la saison 1864 sera magnifique. Les vacances d’hiver viennent de naître. Très vite, l’établissement met en place de nombreuses activités pour divertir ses hôtes: court de tennis intérieur, patin à glace sur le lac, bains électriques, golf, cours de yoga dès les années 1930... Hans Badrutt puis son fils Andrea donnent à l’hôtel son aura internationale et se chargent d’y faire venir la jet-set. Marlene Dietrich, Winston Churchill, Alfred Hitchcock, Charlie Chaplin, Brigitte Bardot ou, aujourd’hui, un Hugh Grant sont quelques-uns des prestigieux pensionnaires dont le palace peut s’enorgueillir.

Si les célébrités se sentent comme chez elles à Saint-Moritz, c’est beaucoup grâce à Helen Badrutt, l’épouse de Hans. Lorsque son mari décède en 1953, elle prend les rênes de l’hôtel. «Elle lui a donné sa classe internationale, explique Evelyne Lüthi-Graf. Helen est très à cheval sur l’étiquette. Auparavant, elle travaillait dans un magasin de textile. Elle a gardé un goût prononcé pour la mode et les belles toilettes.» Helen organisera de somptueuses soirées, qui contribueront à asseoir la renommée du palace et à faire de la petite station des Grisons ce qu’elle est aujourd’hui. Car loin d’être un simple lieu de résidence, l’hôtel est un théâtre où chacun joue son rôle. Voir et être vu, telle est encore la maxime de l’établissement. Et celle des beautiful people qui le fréquentent.

Badrutt’s Palace en chiffres

  • 1,5 million de fr. investis chaque année dans la décoration du 31 décembre.
  • 370 fr. Nuit la moins chère.
  • 20 230 fr. Nuit la plus chère (suite Hans Badrutt).
  • 520 employés (en hiver).
  • 57 kilos de caviar et 25 kilos de truffes consommés durant la saison hivernale.

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Elle y a posé ses valises…

En 1962, Greta Garbo séjourne au Badrutt’s Palace Hotel. L’actrice suédoise est en vacances. Coquine, elle n’hésite pas à tenter de mettre le grappin sur un autre résident. Ni flatté ni galant homme, celui-ci ira se plaindre d’avoir été «harcelé» par la Divine auprès du journal local. Lequel fera ses choux gras de cette affaire de cœur… à sens unique.

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