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Année 1996. Kurt Cobain est mort depuis deux ans, la jeunesse hésite entre le post-grunge et la culture electro des raves et de l’ecstasy. Lucía Etxebarria a 30 ans et publie son premier livre, une biographie des amours entre le chanteur de Nirvana justement et sa compagne Courtney Love. Née à Valence mais d’origine basque comme le suggère son patronyme, elle a collectionné les petits jobs dans la bouillonnante Madrid avant de trouver du travail comme journaliste. Son expérience et les problèmes des jeunes de cette génération qu’on appelle X lui inspirent un roman au titre vendeur: Amour, Prozac et autres curiosités.

La chronique sociétale est à la mode en littérature. Chacun y ajoute sa touche. Outre Atlantique, Candace Bushnell alimente sa rubrique Sex & the City dans les colonnes du New York Observer depuis 1994. Elle les compile dans un livre qui devient une série télévisée en 1998 où les amours de quatre célibataires new-yorkaises se vivent perchées sur des Manolo Blahnik, un Cosmopolitan à la main. Les héroïnes de Lucía Etxebarria sont plus «Vieux-Continent», nourries de l’humour british de Helen Fielding et du verbe cru de Virginie Despentes: Baise-moi est sorti en 1994, Le Journal de Bridget Jones en 1996. Les trois sœurs neurasthéniques d’«Amour, Prozac…» ressemblent aussi par certains traits à leur auteur, féministe et rebelle. Lucía Etxebarria assume ses prises de positions militantes qui font d’elle une paria dans son pays. Accusée de plagiat, elle a ensuite été critiquée pour certains de ses livres réunissant des lieux communs sur les relations homme-femme (son essai Je ne souffrirai plus par amour). Aux dernières nouvelles, l’Espagnole a annoncé avec fracas renoncer au métier de romancière en représailles aux nombreux téléchargements illégaux de son dernier roman. Ses fans se sont dits déçus de constater que pour elle, l’écriture n’était pas une passion mais une source de profit.

L’histoire

Ana, Rosa et Cristina sont trois sœurs que tout oppose dans le Madrid de l’après-Movida. Traumatisées par un père qui s’est fait la malle et une mère dénuée de toute fibre maternelle, elles ont grandi tant bien que mal et pris leurs distances à l’âge adulte. Mais le pétage de plombs de l’aînée va les réunir et les confronter à leurs propres névroses.

Cristina, la plus jeune, serveuse dans une boîte de nuit malgré ses diplômes, accro aux relations destructrices et aux coups d’un soir sous amphètes. Rosa, trentenaire et célibataire, ingénieur en informatique, familière des marques de luxe et du Prozac, qui vit «avec un disque dur à la place du cerveau et un modem à la place du cœur» selon la description de sa cadette. Et Ana la bourgeoise, épouse et mère modèle qui carbure aux tranquillisants jusqu’à finir en cure de désintox. Le récit s’opère à trois voix et les chapitres s’égrainent au fil de l’alphabet, de A comme Atypique à Z comme Zénith en passant par D comme Désir, F comme Frustrée, ou J comme Junkie.

Ce qu’il en reste

Sorti au bon moment, Amour… a fait un carton dans les librairies de toute l’Europe. La crise que traverse actuellement le monde a peut-être fait oublier que les années précédant l’an 2000 furent également très tourmentées. Chômage des jeunes, explosion de la cellule familiale et pertes de repères étaient déjà des phénomènes préoccupants. En traitant le malaise de cette génération avec humour et sans tabou, Lucia frappe juste et ouvre une brèche. Elle prépare la littérature grand public à une forme d’érotisme réservée auparavant à certaines collections clairement estampillées. «Amour, Prozac et…» commence par «C’était la première fois que je baisais depuis un mois», avec en prologue un descriptif très imagé des différents types de sexe masculin. Une écriture explicite qui fait que, quelques années après, plus personne ne s’offusque d’un livre comme Zones Humides de l’Allemande Charlotte Roche (plus d’un million d’exemplaires vendus).

La phrase

La vie devrait être comme une éphéméride. Tous les jours, on devrait pouvoir en arracher une page pour en commencer une autre en blanc. Mais la vie est comme une couche géologique. Tout s’accumule, tout compte. Toute chose a une influence. Et l’averse d’aujourd’hui peut annoncer le tremblement de terre de demain.

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