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Sabrina Teggar photographie pour ne pas oublier. La jeune femme, née en 1981 à Genève d’un père algérien et d’une mère suisse, a photographié l’Algérie actuelle pour mieux se souvenir et comprendre l’Algérie du passé. Le pays de ses grands-parents paternels et celui de son enfance, où elle avait l’habitude d’y passer des vacances jusqu’à l’âge de neuf ans. « Je n’ai pas de souvenirs concrets, mais je me souviens surtout d’atmosphères et d’odeurs.» De goûts aussi. Le goût des olives, des épices et des limonades sucrées que vendait son grand-père qui tenait alors une petite épicerie.

Quand on lui demande si elle est suisse ou algérienne, Sabrina devient hésitante. Binationale, elle se considère comme suisse mais ne voit finalement pas la différence. « J’adore le gratin dauphinois avec un bon rôti ! » s’amuse-t-elle. Mais elle ne renie pas pour autant ses origines algériennes dont elle est très fière. Le visage baigné par un rayon de soleil, –elle adore ça- elle raconte qu’elle a hérité de ses origines le sens de l’hospitalité et le plaisir de faire à manger pour beaucoup de monde. « Et mon physique ! » ajoute Sabrina. Sous ses lunettes de soleil, on devine de grands yeux bruns. Ses cheveux noirs et sa peau matte lui ont longtemps posé problème, surtout à l’adolescence. « J’ai beaucoup souffert de ma différence » confie-t-elle.

Aujourd’hui, son physique est celui d’une sportive. Elle pratique le vélo, la natation et aime l’équitation. « Mes ancêtres algériens étaient des vendeurs de chevaux et des cavaliers, cela vient peut-être de là » avance-t-elle. Les origines de Sabrina ne sont jamais très loin…

C’est d’ailleurs pour mieux les connaître qu’elle a entamé son projet photographique. Depuis l’âge de neuf ans, à cause de la situation politique du pays, elle n’était plus retournée en Algérie. Puis vient la « crise de la trentaine » comme elle la nomme. « Mes parents avaient divorcé, je vivais une période difficile, j’avais besoin de me rapprocher de mon père et de son histoire. »

Sabrina retourne alors en Algérie après vingt-et-un ans d’absence. Elle y confronte ses souvenirs d’enfance, souvenirs troubles et décousus, à l’Algérie actuelle. Elle tente grâce au médium photographique de tisser un lien tangible entre passé et présent. « J’avais besoin de photographier pour ne pas oublier et pour mieux comprendre » explique-t-elle. De cet équilibre précaire entre souvenir et réalité résultent de magnifiques images et un travail intime et sensible. Cette démarche, elle le fait aussi dans un souci de transmission. Célibataire et sans enfant « mais j’ai eu un chat ! » plaisante-t-elle, elle imagine pouvoir léguer cet héritage photographique à ses futurs enfants.

Le ton devient plus grave lorsque Sabrina évoque son retour en Algérie et explique à quel point elle est heureuse de vivre en Suisse. « La situation de la femme est encore trop difficile là-bas, je ne me sentais pas à ma place. » C’est sans doute pour cela que la jeune femme a mis tant de temps à y retourner. Elle parle aussi de la peur d’une religion trop présente, elle qui croit en quelque chose mais qui n’a pas de religion.

Celle qui regrette de ne pas parler algérien voulait tout d’abord devenir vétérinaire. Mais très vite, la vocation artistique apparaît et la photographie s’impose comme une évidence. Après un parcours scolaire difficile, elle trouve une place d’apprentissage de vendeuse spécialisée en photographie à Genève. Elle choisit cette voie parce qu’elle est fascinée par la façon dont la photographie fige un instant.

Fonceuse, Sabrina l’est certainement. Elle a fait le choix de s’y consacrer entièrement. « Je veux y mettre toute mon énergie ! ». La jeune photographe, membre de l’agence Phovea, travaille actuellement à la galerie de Jörg Brockmann à Carouge et à la librairie de la Galerie Focale à Nyon. Toutes deux ont décidé d’exposer son travail. Des expositions facilitées par ses contacts professionnels? La photographe, sûre d’elle, s’en défend : « Si ces galeries exposent mon travail c’est avant tout parce qu’elles l’ont apprécié, et non parce que j’y travaille! ».

Secrète et sensible, voilà comment la décrit Jörg Brockmann. Le photographe ajoute qu’elle est une fille qui parle peu. Un sourire aux lèvres, Sabrina glisse qu’elle aime les gens, qu’elle aime les écouter et entendre ce qu’ils ont à dire. Elle aime aussi sortir et danser et ajoute dans un éclat de rire : « même si maintenant je sors beaucoup moins car la photo me prend tout mon temps ! »

Avec un grand-père maternel professeur et conservateur, on comprend que la quête du souvenir est peut-être une histoire de famille. Et pour parler de sa vie, Sabrina s’imagine une armoire : « Mes tiroirs étaient remplis de choses que j’ignorais, je voulais qu’ils soient remplis d’une histoire que je connaisse. On a tous des petits tiroirs secrets avec des choses du passé qu’on veut conserver.»

Mnémosyne et Boîte de Pandore, à découvrir jusqu’au 16 juin à la galerie Focale à Nyon. www.focale.ch ou www.sabrinateggar.com

Sabrina Teggar
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