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Les couleurs ont envahi l’univers de la mode
Le rouge
Sa symbolique Evoque, côté pile, le luxe, le pouvoir, et l’amour dans ce qu’il a de plus pur. Côté face, fait déferler les notions de violence, de fureur, d’interdit et, bien sûr, de dépravation.
Son histoire Seule couleur véritable chez les Romains, elle était réservée à l’empereur, à certains prêtres et aux chefs d’armée. On tirait la teinture du murex, un coquillage méditerranéen. La raréfaction des gisements oblige les hommes du Moyen Age à recourir aux œufs de cochenille (kermès), voire à une plante, la garance, de moindre qualité. Du rouge, les seigneurs en raffolent, de même que les cardinaux. Pour les femmes, il est, en matière de vêtement, le numéro un des beaux atours. A partir du XIIIe siècle, le pape aussi l’adopte. Mais la Réforme va tout compliquer. Trop associée à la richesse et surtout à Rome, la teinte est bannie par les protestants. Elle persiste plusieurs siècles sur l’habit des religieux catholiques. Jusqu’au XIXe, les mariées et les bourreaux, également, sont en rouge. Pendant ce temps, l’aristocratie s’en éloigne. Le ton est trop popu. Il sent la misère. Ou l’immoralité, comme ces pièces de tissu rouge que les prostituées sont obligées de porter. Avec les années 60 pourtant, il revient à la mode, insufflant un esprit subversif.
Sa modernité Les semelles rouges sont la signature des escarpins Christian Louboutin. Un tel succès qu’Yves Saint Laurent a repris le concept…
Son emblème Le bustier (Marilyn, ci-contre, dans la version maillot bustier). Quoi de plus redoutable en lingerie?
Le noir
Sa symbolique Oscille entre les extrêmes. Couleur de la fertilité chez les anciens égyptiens, couleur des origines, mais aussi de la mort, de la destruction, de l’effacement, en Occident.
Son histoire Peu présent dans la vie quotidienne jusqu’au XIVe siècle, le noir est l’apanage des moines et des proches pleurant un défunt. Les petits budgets font appel à des teintures provenant du charbon ou du noir de fumée, les bourses conséquentes préfèrent la noix de galle, excroissance poussant sur le chêne. Sous la double impulsion des exigences d’austérité de la Réforme et des lois somptuaires régissant l’Europe à la fin du Moyen Age, il est soudain en vogue chez les princes et les grands bourgeois. Bientôt exclu des couleurs depuis la découverte du spectre de la lumière par Newton, le noir perd de sa superbe au XVIIIe et survit sur les uniformes des fonctions d’autorité ou encore sur les habits des ouvriers. Pour les romantiques, il exprime la mélancolie, les tourments de l’âme. La mode le récupère au début du XXe siècle, en fait le signe suprême de l’élégance. Proust, dans ses romans, admire le chic des dames en noir. L’élitisme retrouvé de cette couleur se cristallise à la perfection dans le smoking et le tailleur. L’après-guerre la consacre parure des intellectuels. A la fois sexy et cérébral, le noir s’impose définitivement sur les podiums à partir des années 80 grâce aux créateurs japonais.
Sa modernité Il règne en maître dans les collections de Viktor & Rolf, et surtout, parmi les silhouettes grunge de Hedi Slimane, qui signe les costumes de scène noir pétrole des Daft Punk.
Son emblème La robe charbon, initiée par Coco Chanel en 1926. Les plastiques de Marilyn Monroe et d’Audrey Hepburn l’ont sublimée.
Le jaune
Sa symbolique Couleur du pouvoir et de la sagesse en Asie, elle est perçue plutôt négativement en Occident, synonyme de mensonge, de traîtrise et de marginalité.
Son histoire Sous l’Empire romain, les femmes s’habillaient fréquemment de jaune à l’occasion de fêtes et de cérémonies. Mais sa signification se péjore durant la période médiévale, qui le réserve aux fous ou encore aux exclus, dont les Juifs. Judas est souvent dépeint portant une toge de cette couleur. Idem pour les Musulmans. La teinture, obtenue à partir de végétaux parmi lesquels la gaude ou le safran, est pourtant stable et facile à fabriquer. Au XIXe siècle, être représenté en habits jaunes n’est guère plus valorisant, à l’instar du mari trompé dans les théâtres de boulevard. Ce sont finalement le sport et l’art qui lui redonnent un nouveau souffle au siècle suivant. Le fameux maillot du Tour de France y contribue. Reconnue comme une couleur primaire, elle acquiert presque une noblesse auprès des designers de mode. Les excentriques années 70 constituent son terrain de jeu préféré.
Sa modernité Depuis 2011, le jaune revient en force sur les podiums grâce à des marques comme Max Mara et Paul & Joe (collection printemps-été 2013, ci-dessus). Le magazine Elle l’a proclamé couleur du printemps 2013.
Son emblème Le ciré. Pour affronter le gris des embruns.
Le vert
Sa symbolique S’est paré avec des colorants qui, longtemps, furent difficiles à fixer, d’une signification héritée des caprices de sa teinture: instabilité, hasard, changement. Véhicule enfin des valeurs positives lorsqu’il est pris comme bannière des écologistes.
Son histoire Si, dès les origines, l’Islam l’assimile à la luxuriance des oasis et en fait sa couleur sacrée, l’Occident médiéval n’y voit d’abord aucune évocation du végétal. Pendant plusieurs siècles, les habits verts passent pour excentriques, sauf en Allemagne. Seuls les évêques osent l’arborer sur leur coiffe liturgique. L’avènement du romantisme va réhabiliter cette teinte, en particulier grâce à Goethe. Le poète voit en elle une couleur apaisante, appelant à communier avec la Nature. Pourtant, par superstition, les artistes le bannissent des scènes. Selon la légende, Molière serait mort en pleine représentation dans un costume vert. N’étant que le résultat d’un mélange, ce ton est de plus snobé par les puristes au début du XXe siècle et ne refait surface que dans les années 60. Deux décennies plus tard, la mode lui permet de devenir populaire. Calvin Klein proclame le vert chartreuse couleur neutre! Et le ton émeraude vient d’être sacré teinte 2013.
Sa modernité A l’image de Mila Kunis ou d’Angelina Jolie, les people osent à nouveau s’aventurer en robe verte sur les tapis rouges.
Son emblème Le sweat Kenzo avec sa tête de tigre brodée. Toutes les it girls se l’arrachent!
Le blanc
Sa symbolique Constante depuis l’Antiquité et presque universelle. Qu’on se trouve en Europe, en Asie ou en Afrique, le blanc estampille pêle-mêle la pureté, l’innocence, le divin.
Son histoire Au cours de l’Antiquité et du Moyen Age, le lin n’avait pas un aspect immaculé comme aujourd’hui, et trahissait des dominantes verdâtres ou bleutées. Au XVIe siècle, le pape Pie V opte pour le blanc. Un choix qui marquera la garde-robe de tous les souverains pontifes à venir. A la même époque, la Réforme, avide de sobriété, en fera l’unique teinte claire acceptable. Les vêtements au contact du corps furent souvent blancs (culotte, soutien-gorge). C’est également la couleur qu’arborent les enfants royaux jusqu’à 7 ans, les personnes endeuillées ou encore les religieuses novices. L’aristocratie française des Lumières sera obsessionnelle, poudrant les perruques et enduisant les visages de crèmes pâles. Cependant, c’est à partir de la fin du XVIIIe siècle que les mariées se rendent à l’église en robe blanche, la notion de virginité étant devenue cruciale au regard du futur mari…
Sa modernité La maison Courrèges lui voue un culte depuis des décennies.
Son emblème La robe de mariée. Synonyme de rêve de princesse, elle fait partie du folklore occidental.
Le bleu
Sa symbolique Couleur de la sagesse transcendante chez les bouddhistes tibétains, le bleu acquiert aussi une dimension spirituelle en Occident.
Son histoire Grecs et Romains ont fait comme si le bleu n’existait pas. En être vêtu était dégradant, notamment parce qu’il passait pour la couleur des Barbares. Ces derniers s’enduisaient en effet le corps de cette teinte avant les batailles. Elle sombre presque dans l’oubli par la suite, refaisant une apparition brutale au XIIe siècle. On voit alors dans la lumière bleue la manifestation de la présence divine. Le monarque français lui adjoint des gènes royaux et s’en drape. Les protestants chérissent ce ton pour sa symbolique non violente. Jusqu’aux Lumières, le bleu, qui habille fréquemment la Vierge, est même perçu comme une des couleurs les plus chaudes. Mais l’arrivée en masse de l’indigo américain, puis du bleu de Prusse, va rendre la teinture trop courante pour séduire les élites. Ce sont les romantiques qui se la réapproprient au XIXe siècle, mode lancée avec la publication du roman Werther de Goethe. Le bleu appelle la rêverie. L’introspection. Ce processus de démocratisation culmine avec l’invention du jean puis du blazer bleu marine. Grâce à eux, cette couleur devient consensuelle, mais demeure méprisée en Inde, étant celle de la caste des intouchables.
Sa modernité Vernis à ongle, eye-liner et mascara d’un bleu saturé font un carton depuis les premiers beaux jours de 2013.
Son emblème Le jean. On fête d’ailleurs les 140 ans du Levi’s 501 cette année.
Et les autres?
Considérées comme des «demi-couleurs», ces teintes, plus récentes dans l’histoire de la mode, ont aujourd’hui leur mot à dire dans les dressings.
Le rose
Autrefois nommé incarnat et apparenté à un rouge clair, il n’est reconnu comme couleur à part entière qu’au sortir du Moyen Age. On l’associe rapidement à la féminité, mais également, de façon péjorative, à l’homosexualité masculine. Heureusement depuis les récentes campagnes de la griffe Eden Park, qui mettent en scène des rugbymans célèbres, les choses ont changé: engoncer des bêtes de virilité dans un polo rose aura sans nul doute contribué à rendre cette teinte attrayante pour n’importe quel bellâtre.…
Le violet
Il est nommé subniger, c’est-à-dire «sous-noir», durant la période médiévale, et est alors réservé à certains vêtements ecclésiastiques dans certaines liturgies catholiques. Bref, il ne court pas les rues. Cette couleur va émerger par la suite au sein de l’aristocratie. Mais difficile de faire abstraction de sa symbolique longtemps négative, comme le prouvent les dessins animés Disney. De la sorcière tentatrice de Blanche-Neige à la maîtresse de Cendrillon, toutes les femmes despotiques ou maléfiques sont habillées de violet.
Le gris
Depuis la parution de l’œuvre littéraire de la Britannique Erika Leonard, alias E.L. James, auteure du sulfureux roman Fifty Shades of Grey, les nuances de gris vestimentaires semblent bizarrement passionner la blogosphère de la mode. Avec, du reste, des résultats beaucoup plus sages.
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