
Elles portent des tenues colorées, des jupes bouffantes, des perles et des bracelets en dentelle qui auraient pu rendre Marie-Antoinette verte de jalousie. On les appelle les fashion lolitas, on parle aussi en français de mode lolita. Une sous-culture qui trouve ses influences à travers la mode rococo, l’habillement victorien et les animés japonais, et qui se décline en divers courants: gothic, country, classic et sweet. Mais ne vous y méprenez pas: la mode lolita n’a absolument rien à voir avec la nymphette décrite dans le texte de Vladimir Nabokov, et c’est encore moins un déguisement pour enterrement de vie de jeune fille. Composée majoritairement par des femmes, cette mode s’adresse aussi aux garçons qu’on appelle alors brolita. Inclusif, créatif et positif, le phénomène continue à faire des adeptes dans le monde entier.
Princesses, mais rebelles
Le phénomène naît au Japon dans les années 1960. Le contexte est alors au machisme, les femmes doivent se marier et faire des enfants. Mais c’est aussi l’époque de l’émancipation, portée au Japon par une poignée de jeunes femmes artistes et rebelles qui révolutionnent le shôjo manga (bande dessinée pour jeunes filles) en y introduisant des héroïnes hors-normes.
«Sous leur impulsion, les shôjo manga se peuplent de créatures androgynes, de guerrières travesties ou de princesses cruelles qui dominent les hommes en surjouant la poupée et qui détournent l’esthétique fancy au service de l'émancipation», explique Agnès Giard, anthropologue et auteure du livre L’imaginaire érotique au Japon (Glénat, 2006).
Le phénomène s’amplifie en 1992 avec Mana, leader du groupe Malice Mizer, porte-étendard du mouvement Visual Kei, un style musical japonais qui combine maquillage et vêtements élaborés. Il ose les tenues androgynes, porte des robes et joue les poupées muettes. Dès lors, plusieurs marques se lancent dans la mode lolita, tandis que des milliers de jeunes femmes imitent les looks et le comportement de Mana, dans les rues de Harajuku comme d’ailleurs.
Joëlle, 39 ans, Renens

«C’est une mode tout à fait féministe. On met des vêtements qui nous plaisent et nous font plaisir et on se contrefiche du regard des autres.»
© Christiane NillTon style avant la mode lolita ?
J’étais ce qu’on peut appeler une no style. Je m’habillais avec des choses confortables sans jamais prêter attention aux modes et tendances. Je ne me reconnaissais pas dans la mode mainstream qui semblait vouloir donner une connotation sexy à tout ce qui est féminin.
Est-ce que cela te prend beaucoup de temps pour t’habiller?
Si on compte le temps pour chercher les pièces que je veux mettre ensemble dans la coordination du jour, choisir les accessoires, m’habiller et me maquiller, disons entre 1 heure 30 et 3 heures selon l’occasion. Mais je peux aussi faire une coordi très casual en 10 minutes pour aller juste faire des courses, par exemple.
Où trouves-tu, achètes-tu tes vêtements et bijoux?
La plupart de mes robes de marques japonaises ont été achetées de seconde main. Tout s’achète sur internet, parce que hors du Japon, les boutiques physiques de mode lolita se comptent sur les doigts de la main.
Une histoire de vêtement ou de bijou dans les photos?
Les wrist cuffs: ces bracelets en dentelle, souvent présents dans les coordinations lolita. Un de mes éléments préférés. J’en possède des dizaines de toutes les couleurs.
Lea, 29 ans, Fribourg

«C’est un passe-temps comme la lecture ou le dessin. J’aime me perdre dans ce monde magique de temps en temps pour me ressourcer de ma vie professionnelle et quotidienne.»
© Christiane NillComment as-tu découvert la mode lolita?
Je m’intéresse à la culture populaire japonaise comme le manga, l’anime, la musique et la mode depuis mon adolescence. Une de mes amies qui partage cet intérêt m’avait montré le style en 2008, mais ce n’est qu’en 2012 que je l’ai essayé pour la première fois. Je suis tombée amoureuse de cette mode lolita, et j’ai commencé à constituer ma propre garde-robe.
Parle-nous de ta tenue actuelle…
Je porte une robe appelée Fleur Antoinette de la marque japonaise Mary Magdalene, un sac et des chaussettes Angelic Pretty, une coiffe Kaneko et des bijoux de Vivienne Westwood. Cette tenue peut être attribuée au sous-style appelé classic lolita; celui que je préfère.
Quelles sont tes sources d’inspiration?
Ma plus grande inspiration est les autres collègues lolita. Je suis mes lolitas préférées sur Instagram pour m’inspirer de leurs derniers posts.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite porter la mode lolita?
La vie est trop courte pour porter des vêtements ennuyeux! Si vous aimez la mode lolita, allez-y, c’est pour tout le monde. Peu importe votre âge ou votre sexe ou à quoi ressemble votre corps.
Valentine, 20 ans, La Tour-de-Peilz

«Dans ma famille, les gens ont un style plutôt classique, sauf ma marraine qui est fan de vêtements et de mode, qui m’a d’ailleurs énormément inspirée, je pense tenir cette passion d’elle.»
Quel était ton style auparavant?
Jusqu’à mes 16 ans, mon look était très classique: jeans et T-shirt, mais j’aimais déjà beaucoup les bijoux et les accessoires.
Est-ce que la mode lolita a changé ta vie?
Oui, ça a changé ma vie d’une certaine manière. J’ai rencontré de magnifiques personnes, appris des choses incroyables, et j’ai pu apprendre plein de choses sur ce style si atypique à plein de personnes en Suisse! Je me sens tellement plus moi-même qu’effectivement il a changé ma vie sur plusieurs aspects.
Quelles sont tes sources d’inspiration?
Lady Gaga et Melanie Martinez sont mes deux plus grandes sources d’inspiration.
Parle-nous de ta tenue actuelle...
C’est une robe de la marque Angelic Pretty, nommé JSK red blue ice-cream parlor, sur le thème de la crème glacée et des serveuses des années 60 dans les diners. Les imprimés sont des glaces et tout ce qui est en lien avec elles. Toute ma tenue tourne autour des couleurs blanc-rouge et bleues principalement, avec des accessoires assortis à la thématique.
Où trouves-tu, achètes-tu tes vêtements et accessoires?
Dollskill, Angelic Pretty, plein de marques indépendantes différentes, pour moi elles sont extrêmement importantes. En ayant une moi-même, je veux à tout prix soutenir les petits créateurs.
Maryanne, 25 ans, Renens

«C’est un style joyeux et élégant. Il m’a donné beaucoup de confiance en moi. Je trouve que ça fonctionne pour tous les âges, tous les sexes et toutes les morphologies.»
Comment et quand as-tu découvert la mode lolita?
A l’âge de 15 ans, j’avais un style punk, qui s’est gentiment transformé en look gothique. J’ai découvert la lolita quand j’avais 16-17 ans. Les robes et leurs formes m’intéressaient. La dentelle a remplacé les piques et le noir pur a pris le dessus sur le tartan.
A quelles occasions portes-tu la mode Lolita?
Pour sortir avec mes amies, faire des photos (seule ou en groupe) et pour les conventions. La tenue complète est longue à réaliser, donc je ne la porte pas pour rester à la maison, et au travail il y a un dresscode. Je ne peux pas porter du lolita fashion tous les jours!
Parle-nous de ta tenue actuelle…
Je porte une robe nommée The Cross de la marque Infanta, avec des manchettes d’Angelic Pretty, une blouse noire de Bodyline, des chaussettes noir-blanc qui ont également des croix, ainsi qu’une couronne qui rappelle celle d’un clerc. Tous les éléments de la coord (tenue complète) ont un thème autour de la religion et tournent autour des couleurs noire, blanche et dorée.
Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite porter la mode lolita?
Il faut simplement s’amuser! Cependant, il y a quelques règles au niveau de la silhouette et je recommande de les lire.
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