soins & bien-être
Soins: des cosmétiques pour les ados
Cuticules, base, top coat… à l’évocation de ces mots, Valentine, 11 ans, les mains délicatement posées sur le petit coussin situé entre elle et la jeune femme en train de lui appliquer un superbe rose corail sur les ongles, ne bronche pas d’un sourcil. Nullement surprise par ce vocabulaire de pro qu’elle maîtrise parfaitement.
Si, il y a quelques années encore, le must pour une (petite) fille de son âge était de s’étaler le vernis rouge pétard de maman, de préférence excessivement généreusement et dans son dos, l’heure est désormais au «nail art» réalisé, comme son nom l’indique, dans les règles de l’art. Abreuvées de tutoriels mis en ligne par des pros d’internet de leur âge, surinformées par les articles rédigés sur le sujet dans la presse magazine qui leur est dédiée et celle qu’elle pique à leur mère, les tweens (préados) et les teens (ados) sont devenues de vraies «beauty addicts». La preuve: un produit cosmétique sur six consommés à travers le monde le serait par un enfant. Et, selon un chiffre étonnant avancé par la marque Shiseido, qui vient d’ouvrir ses premiers salons de beauté pour kids à Tokyo, les 9 ans et moins représentent 9,5% de la consommation globale de maquillage et de soins pour la peau.
Fondatrice et propriétaire de l’enseigne The Nail Bar, née en 2010 à Lausanne, Florence Stumpe voit sa clientèle rajeunir de mois en mois: «Dès l’ouverture, nous avons proposé une formule «Princess» pour les ados. Au début, elles accompagnaient leur maman, mais de plus en plus ce sont les mamans qui les accompagnent.»
Bons cadeaux, formules anniversaires… Tout est bon pour venir se faire limer les ongles, poser du vernis, choisir sa couleur avec soin et contempler, admirative, ses «mains de grande». «Cela reste des petits plaisirs exceptionnels. Parfois, des mères ont promis un soin des ongles à leur fille pour les motiver à arrêter de se les ronger», explique Florence. Attentive, celle qui est aussi mère de famille observe quelques précautions: «En dessous de 12 ans, on ne touche pas les cuticules. Et en dessous de 5 ans, on utilise un vernis à l’eau.»
Bienvenus au spa
Se chouchouter les mains, se prélasser en peignoir entre copines dans les brumes chaudes… Les centres de bien-être aussi ouvrent désormais leurs portes et leurs cartes de soins aux plus jeunes. Chez Tempête de Calme à Servion, on consacre ainsi un, voire deux mercredis par mois aux enfants et ados entre 5 et 17 ans. «Rien ne sert de courir», «Eau mon bateau» ou «Sous le soleil la plage»: tels sont les poétiques appellations des formules déclinées dans la carte de soins, comprenant bain, massage et goûter. Carole Waizenegger, directrice du spa situé dans la campagne vaudoise, doit parfois refuser du monde: «Nous avons créé ces offres à la demande des mamans qui souhaitaient venir avec leurs enfants passer un moment de détente. Mais nous nous sommes rendu compte qu’il était préférable, pour la tranquillité de chacun, de leur réserver un moment spécifique. Les enfants, en majorité des filles, adorent que l’on s’occupe d’elles, qu’on leur consacre du temps. Elles viennent pour leur anniversaire avec des amies. Puis les invitées reviennent...»
Côté établissement de luxe, on propose également de chouchouter les petites princesses. Le Chalet Royalp & Spa de Villars-sur-Ollon ouvre son splendide espace aux enfants pour des massages et autres enveloppements au chocolat. Estelle Gomes, spa manager, a créé ce programme il y a deux ans, pour répondre, notamment, aux demandes de la clientèle étrangère: «Les enfants sont de plus en plus avertis, ils maîtrisent les codes et le langage du spa autant qu’ils savent utiliser leur iPhone ou leur tablette.»
Pour le soin du visage, joliment intitulé «La belle au bois des Alpes», Estelle Gomes a sélectionné une gamme spécialement réservée aux enfants. TooFruit, marque française créée pour les peaux entre 6 et 12 ans, a été élaborée par Katell Perrot, qui a longtemps travaillé au sein de grands groupes de cosmétiques comme L’Oréal. Cette maman, soucieuse d’aider ses enfants à s’occuper correctement de leur peau avant que surviennent les problèmes de l’adolescence, a misé sur la sécurité. Sans oublier le plaisir. Formulés à base de fruits et exempts de tout ce qui pourrait attenter à leur santé – comme les huiles essentielles, perturbateurs endocriniens, silicone, parabènes et autres colorants et allergènes – les produits ont été conçus en collaboration avec un laboratoire universitaire français. Car s’il y a un leitmotiv dans ces gammes de produits pensés pour les plus jeunes, c’est bien l’absence totale de risques pour nos enfants et leur si mignon et doux petit grain de peau. Il convient pour les marques de rassurer les mamans, qui restent (encore!) celles qui décident, ou pas, de l’acte d’achat. Car ces dernières seraient bien plus regardantes sur les compositions des produits qu’elles achètent à leur descendance que sur celles des soins qu’elles utilisent elles-mêmes.
Des soins spécifiques
S’agit-il d’un simple argument marketing, destiné à capter les quelque trois milliards d’euros que représenterait le marché mondial des cosmétiques pour enfants? Ou la peau des plus jeunes nécessite-t-elle vraiment des formules adaptées? Selon la première étude exploratoire menée sur la peau des 6-12 ans par le professeur Philippe Humbert, chef du service dermatologie à l’hôpital universitaire de Besançon, cette tranche d’âge montre un indice lipidique dix fois plus bas que celui des adultes, et une hydratation de 28% inférieure. Très sec, très déshydraté, l’épiderme des juniors gagnerait donc à être chouchouté par des produits spécifiques. Histoire, également, d’apprendre les bons gestes avant l’arrivée de l’adolescence et de ses changements hormonaux. Une éducation à l’hygiène et au soin à laquelle croit dur comme fer Marie-Pierre Schmitz, fondatrice de Benta Berry, la ligne de soins branchée spéciale peaux jeunes (dès 15 ans), basée sur le rituel nettoyage-gommage-hydratation. Pour cette femme d’affaires, qui s’est entourée des meilleurs afin de lancer sa marque, nul besoin, dans la plupart des cas, de se ruer sur la pharmacie si l’on veut lutter contre les affres du mot le plus tabou chez les ados, l’acné: «J’ai eu l’idée de ces produits quand mon fils adolescent, qui avait des problèmes de peau, était à deux doigts de se faire prescrire un célèbre médicament contre l’acné. J’ai trouvé que la solution était en inadéquation totale par rapport au problème. En faisant des recherches, je me suis rendu compte que la plupart des manifestations de la peau avaient des causes exogènes qu’une bonne hygiène faisait considérablement diminuer.»
Des formules à base de fruits élaborées avec une université parisienne, une absence d’ingrédients dangereux, associées à un packaging design et à un mode de distribution adapté à cette clientèle férue d’internet et de réseaux sociaux… Benta Berry vise juste, sans jamais prononcer les termes d’acné ou de peau grasse, selon le credo positiviste de Marie-Pierre Schmitz.
Nouvelles marques, programmes ciblés dans les spas, ouverture récente, à Paris, d’un «concept store» dédié aux produits de soins pour enfants… les «kids» sont plus chouchoutés que jamais. Et en plus, ils sentent bon!
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