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Mettre le mâle à l’aise avec ses poils
On connaît la rengaine: «Cela risque de faire un petit peu mal.» Avant même que l’esthéticienne ait arraché la première bande de cire tiède, on sait déjà qu’elle manie à merveille l’euphémisme. Car non, l’épilation n’est pas – au début tout du moins – une partie de plaisir. Dans les instituts, il ne représente en moyenne pas plus de 20%de la clientèle, mais il se montre toujours plus audacieux. Soins du visage, peeling chimique, épilation du dos voire du bikini: l’homme est en passe de devenir une femme comme les autres. Dernier trend en date, qui devrait recevoir les faveurs des businessmen laissant parfois tomber le veston: l’injection de Botox dans les aisselles, couplée à une épilation au laser.
Plus d’odeurs ni d’auréoles disgracieuses à l’heure de présenter le bilan sur le beamer. C’est en tout cas ce que promet le docteur. Après ça, qui oserait encore dire que l’épilation est réservée aux hommes «qui bossent dans le milieu artistique», comme certains le pensent encore? Mais gare à ne pas trop en faire: le métrosexuel de 2011 a renoncé à l’épilation intégrale, allant même jusqu’à conserver sciemment quelques poils sur le torse, histoire de montrer que l’on assume sa part de virilité. «La «touffe», c’est fini, du poil oui, mais discipliné. Le phénomène de la barbe de trois jours, façon négligé chic, est emblématique de cette tendance», relève Alexandra Charles, esthéticienne au centre Io dans le quartier du Flon, à Lausanne.
L’odeur de la cire
Autrefois (il y a de cela une éternité, quand l’épilation au laser n’était encore qu’une chimère),monsieur ne connaissait pas les esthéticiennes, ni l’odeur de la cire chaude. Sauf si madame (ou maman) s’y adonnait à domicile. Puis certains représentants du sexe fort ont poussé la porte de l’un de ces instituts. D’abord pour tester un «soin du visage régénérant spécial hommes», ensuite, poussés par leur douce moitié, ils sont parfois allés plus loin. Aujourd’hui, la palette à disposition des hommes est quasi aussi large que celle des femmes. Et le profil de ceux qui osent la cire s’est démocratisé. «Disons que notre client type a plus de 30 ans, genre cadre sup’, et qu’il vient surtout au printemps, avant de devoir se mettre en costume de bain à la plage ou à la piscine», résume Alexandra Charles. Autrefois considéré comme «un extraterrestre», un homme qui s’épile, c’est aujourd’hui quelque chose de quasi banal.
Mais ce n’est pas pour autant une raison pour crier sur les toits qu’on prend soin de ses poils. «C’est une constante chez les soins masculins! Ils veulent être soignés, sans que cela saute aux yeux. Il y a une certaine gêne à avoir l’air «efféminé». Qu’il soit homo ou hétéro, il n’a pas envie que les autres sachent ce qu’il fait, il y a encore une grosse pression sociale négative», note le Dr Roland Ney, responsable de la Clinique Matignon de Vevey.
Afin de mettre le mâle à l’aise, mais aussi conscient de la manne que représente cette clientèle encore un peu timide, le groupe Matignon (cinq cliniques en Suisse romande et une à Zurich) a organisé, le mois dernier, sa première soirée Men only. Un événement destiné à devenir mensuel. «Ces messieurs ont une espèce de gêne de se retrouver au milieu de dames, d’où ce moment particulier. On veut en faire un rendez-vous décontracté, un peu comme le pub en Angleterre après le travail», sourit-il.
Botox et champagne
Pour cette grande première, une petite dizaine de messieurs ont osé faire le pas sur la Riviera. Entre les cacahuètes et les flûtes de champagne, la plupart d’entre eux n’en avaient que pour le Botox ou l’épilation au laser. Comme Carlo, jeune homme athlétique pratiquant le football, mais aussi le vélo et la natation. «Je m’épile à la cire les jambes et le torse depuis trois ans environ. Je le fais pour le sport, parce que c’est plus hygiénique, mais aussi parce que c’est plus agréable sans poils quand on te fait un massage.» Les jambes, c’est deux fois par an, le torse tous les deux ou trois mois. Là où ça fait le plus mal? «Au niveau du bas du ventre, c’est terrible!»D’où, en partie, son intérêt pour le laser.
Une visite qui lui aura notamment permis d’apprendre que le laser n’est pas si indolore que ça. «C’est tout de même une brûlure! On applique une crème anesthésiante, et du froid juste après pour calmer la douleur», précise Tamara, esthéticienne à la clinique, tandis que sa collègue Sylviane ajoute: «En plus, vous les hommes êtes plus douillets que nous, c’est bien connu!» Le gros bémol du laser est et devrait rester le même: son prix, très élevé. «Et même si les professionnels parlent d’épilation définitive, il faudrait plutôt employer l’adjectif «progressif», précise Eni Yarden, esthéticienne au Masculin Center de Lausanne. Particulièrement pour le poil masculin, de nombreuses séances sont nécessaires pour le brûler jusqu’à sa racine. Et les repousses ne sont jamais exclues.
Chez les femmes, elles peuvent survenir à l’occasion d’une grossesse ou de la ménopause, chez l’homme elle peut survenir par exemple à la quarantaine (d’où la pousse de poils sur les oreilles voire le nez à cet âge-là…),mais pas seulement. Alors autant réfléchir à deux fois avant de dépenser plusieurs centaines de francs dans l’opération. «J’ai des clients qui viennent se faire épiler chez moi depuis l’ouverture du centre, il y a dix ans. Je peux vous dire que pour certains, ils n’ont presque plus de poils, la cire est quand même très efficace», assure Eni Yarden. L’experte arrache ainsi régulièrement les poils pectoraux de ces messieurs. «Surtout chez les jeunes, ils n’aiment pas du tout ces poils-là, ils sont donc très motivés. Un homme de 40 ans le fera plutôt avant les vacances, ou pour faire plaisir à sa copine ou son épouse.»
La tondeuse, cette amie
Reste que dans l’univers impitoyable du poil masculin, il existe désormais certaines règles tacites auxquelles l’homme moderne doit désormais se plier. La première d’entre elles: les poils du dos et des épaules ne sont pas les meilleurs amis de l’homme. «Disons que ce sont les poils socialement les moins tolérés, explique Joe, responsable du site commeuncamion.com, l’un des premiers sites francophones de mode et de beauté entièrement dédiés à l’homme (lire l’interview ci-dessous). L’épilation des aisselles est plus une épilation de confort, pour les sportifs ou en été.
Sinon, à moins d’avoir une implantation des poils vraiment anarchique, je ne vois pas l’intérêt d’épiler son torse. Le poil au torse, c’est tellement masculin!» Camille, à sa façon à elle, abonde dans le même sens: «Un homme sans poils, c’est comme une fille sans seins ou sans hanches, je ne trouve pas ça hypersexy.»Qu’on se le dise, le footballeur Cristiano Ronaldo est out (Son actu? Sifflé sur le terrain, il estime que les spectateurs sont jaloux de sa beauté, c’est pour dire…),Hugh Jackman et sa fière toison est plus in que jamais. Raison de plus de garder quelques poils: certains professionnels reconnaissent que pour un homme «bien fourni» au niveau de la toison pectorale, l’épilation à la cire fait (très) mal. Il vaut alors peut-être mieux se tourner vers une tondeuse pour le corps, et élaguer quand le besoin s’en fait sentir.
A la manière de Sébastien. «Je me tonds l’abdomen depuis que des infirmières du CHUV m’ont rasé le ventre avant une opération de l’appendicite…Et quand je fais de la musculation, on voit mieux le résultat!»Dans les rayons des magasins, la palette des crèmes dépilatoires, des tondeuses et rasoirs spécialement conçus pour monsieur s’est d’ailleurs considérablement élargie.
La poitrine au Bic
Dernier avatar: l’épilateur électrique Babyliss formen. Noir, forcément. Simon, après avoir utilisé le rasoir BIC durant plusieurs années, a lui fait les frais d’une tondeuse high-tech. «J’ai commencé à me raser le torse il y a cinq ans environ, mais seulement les pectoraux, en gardant la «partie centrale», parce que je ne suis pas fan du torse totalement glabre. Par la suite, j’ai commencé àme raser les testicules, ça les met en valeur, un peu comme une clairière au milieu d’une forêt, où l’on peut s’amuser en toute sécurité…» S’il préfère témoigner avec un pseudonyme, il assure en parler facilement avec ses amis, hommes comme femmes. «Parce que pour moi, prendre soin de ses poils ne signifie pas un manque de virilité!»
Boulanger ou banquier, charpentier ou avocat, jeune et vieux, ils sont toujours davantage à penser la même chose. «Au début, on m’a pris pour une rigolote, certains pensaient que des hommes qui s’épilaient, ce n’était qu’une mode qui allait passer, mais c’est clair que ça ne va pas s’arrêter là!» s’enthousiasme Eni Yarden, l’esthéticienne. Avant de se diriger vers le prochain torse à épiler.
Prochaine soiréeMen only dans les cliniques Matignon le 26 octobre 2011.
Où faire quoi?
Les aissellesOui, les poils favorisent l’apparition d’odeurs. Donc oui, on entretient un minimum, surtout si les poils dépassent quand on a les bras en bas…A coups de rasoir ou de tondeuse, c’est largement suffisant.
Le torseTout est question de goût…et de génération. «Les jeunes n’aiment pas du tout les poils ici, c’est quelque chose d’assez nouveau», note Eni Yarden, esthéticienne au Masculin Center. Résultat: ils sont prêts à souffrir à coups de bandes de cire. Mais un passage de tondeuse suffit à éclaircir la zone et la rendre tout ce qu’il y a de plus présentable.
Les parties intimesLes partisans de l’épilation (cire ou laser) des parties génitales sont peu nombreux. «J’ai dû avoir trois cas ces dix dernières années, estime le Dr Roland Ney, de la Clinique Matignon. Même si ce n’est pas très douloureux, contrairement à ce que l’on pourrait craindre.» Par ailleurs, de nombreux instituts refusent de pratiquer ce genre d’épilation. La solution: passer la zone pubienne à la tondeuse, en gardant un peu de longueur tout de même.
Le visageLes sourcils. Si on souffre du syndrome du monosourcil, on arrache. Le plus souvent, des brucelles suffisent pour y mettre un peu d’ordre. «Mais il faut faire attention de ne pas trop enlever, des sourcils tout fins chez un garçon, ce n’est pas joli», prévient Tamara, esthéticienne à la Clinique Matignon. Poils aux oreilles, voire sur le nez? Direction l’institut! Une barbe qui monte trop haut sur le visage ou descend trop bas dans le cou peut être corrigée grâce au laser.
Dos et épaulesLes professionnels sont unanimes: on enlève! Et on évite le rasoir ou la tondeuse, qui rendront le poil plus dru. On passe donc par la case cire tiède ou chaude. Ou, si on est peu poilu, on emprunte carrément l’épilateur électrique de sa femme ou d’une amie et on se fait aider.
Les jambesSur les plages branchées de l’Italie, les poils des hommes ont quasi disparu, mais ce n’est pas une raison pour emboîter le pas de ces mâles-là. A moins d’être un nageur professionnel, histoire d’améliorer son aérodynamisme. Si l’on souffre d’une pilosité vraiment trop abondante, un petit coup de tondeuse équipée d’un sabot et le tour est joué.
Le poil a aussi ses adeptes
On le disait démodé, reliques de nos vies passées d’hommes des cavernes, voué à disparaître en vertu des règles de l’évolution génétique. Et pourtant, le poil est de retour. Et pas seulement chez ces messieurs. En Suisse, 27%des Suisses interrogés pensent ainsi qu’un homme ne devrait «sûrement pas» s’épiler le torse, 20%pensent qu’il ne devrait «plutôt pas». Ils ne sont que 6%à dire «oui, sûrement» et 13%à émettre un «plutôt oui» (sondage réalisé en juillet 2011 par le site internet cooperation-online.ch). Et cela va bien plus loin: des mouvements s’organisent pour prendre la défense du poil sous toutes ses formes.
Certains le font avec une certaine dose d’humour, comme le Paris moustache club, qui «aime les filles qui aiment les hommes qui aiment les poils et qui n´ont pas peur des filles qui portent la moustache».Mais il y en a certains qui se la jouent militantisme révolutionnaire: au sein du Mouvement international pour une écologie libidinale, le MIEL, on ne rigole pas. On prône la résistance en invitant femmes (et hommes) à ne pas s’épiler de l’été (et à montrer ses poils), on accuse les esthéticiennes de pratiquer un «travail immoral», et l’on assène des slogans comme «Voilée en Afghanistan, épilée en Europe».