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Le mimosa de la Côte d'Azur, ingrédient secret des parfumeurs
«Le mimosa reste un pilier des parfumeurs, il peut devenir l'ingrédient secret d'un parfum», souligne Sébastien Plan, parfumeur matières premières à Grasse (sud-est de la France) chez Robertet, producteur international de compositions vendues aux maisons de parfums. L'odeur capiteuse du mimosa, tombée en désuétude depuis son âge d'or des années 50 à 70, s'utilise aujourd'hui en dose infime, explique-t-il. L'heure est aux senteurs «plus subtiles, qui font bon, propre et lisse», résume cet expert.
«Le mimosa a une facette fleurie, fraîche, un peu poudrée, presque miellée, qui se mêle à l'odeur verte du branchage», analyse Sébastien Plan, qui privilégie l'odorante variété sauvage.
«L'absolu» de mimosa - le concentré utilisé par les créateurs - est produit chaque année en fonction de la demande. Une quarantaine de tonnes de récolte permettent à Robertet de produire 1% (400 kg) de «concrète», une pâte issue du 1er extrait, dont un quart seulement deviendra de «l'absolu».
Jean-Pierre Roux, patron de la maison de parfumerie grassoise Galimard, a choisi de rendre hommage à cette «image du terroir» en déclinant le mimosa dans une eau de cologne rafraîchissante, populaire auprès des visiteurs durant la floraison des mimosas.
Le parfumeur de Galimard Caroline de Boutiny reconnaît que sa création au mimosa plaît davantage aux personnes âgées qu'aux jeunes. Si le puissant absolu de mimosa est désormais «peu utilisé dans les parfums modernes», il peut «donner de la lourdeur à une composition, avec ses notes miellées et poudrées», entrant par exemple dans des eaux de toilette signées Kenzo et Guerlain, note-t-elle.
Le produit se révèle onéreux pour les parfumeurs, qui disposent aussi de produits de synthèse proches du mimosa naturel. L'usine Robertet achète d'ailleurs du mimosa d'Inde, moins cher, qui arrive directement à Grasse sous forme de «concrète». Le mimosa sauvage des environs doit être transformé en revanche le jour de sa cueillette, car les fleurs se fanent rapidement.
Comme du velours
L'arbre, arrivé d'Australie au milieu du 19e siècle pour décorer les jardins, a notamment formé une luxuriante forêt dorée sur son fief historique du massif du Tanneron, où la récolte annuelle vient de s'achever, à une quinzaine de kilomètres de Grasse.
«Le gros de la floraison a commencé à la mi-février et s'est achevé très vite», regrette Gilbert Vial, un mimosiste de 85 ans qui n'a jamais quitté le hameau de Tanneron. Le massif était exceptionnellement jaune durant cet hiver doux, les producteurs ayant eu trop peu de temps pour tailler. Pour que la saison soit plus longue, ils cultivent la variété du mirandole qui fleurit en décembre-janvier, puis le rustica et le gaulois, plus tardifs (février-mars).
«Le mimosa c'est comme du velours», décrit Gilbert, en avouant ne plus sentir son odeur qui plane pourtant avec insistance dans la boutique familiale. Le monde secret de la parfumerie est loin de ses préoccupations: ici on vend depuis trois générations des bouquets. Son fils de 60 ans sera le dernier de la lignée à tailler les six hectares familiaux de terrains pentus. «Avant le gel de 1956, une trentaine de familles exploitaient le mimosa à Tanneron. Aujourd'hui nous sommes trois ou quatre», constate Gilbert Vial.
«Pour les expéditions lointaines, c'est fini. Avant, six wagons de train partaient cinq jours par semaine de Cannes vers l'Angleterre. Il n'y avait alors pas d'autres fleurs en hiver. Aujourd'hui, des fleurs arrivent des quatre coins du globe, les moyens de transport ont changé». Cette évolution s'applique d'ailleurs à l'ensemble de la production locale de fleurs, concurrencée par des productions moins chères venues de pays exotiques.
Au 17e siècle, les tanneurs installés à Grasse depuis le Moyen-Age s'étaient mis à parfumer le cuir - notamment les gants - d'huiles florales odorantes, entraînant l'apparition des champs de roses de mai ou de jasmin pays, encore miraculeusement cultivés pour les formules à succès de grandes maison, comme le N°5 de Chanel.