témoignages
«Un mari footballeur, ça déménage!»
Je n’ai jamais été une «vraie» femme de footballeur
Celle qui va aux matches en jupe et talons hauts… Je préfère avoir chaud avec ma polaire plutôt que d’être belle à côté de «ma» star. Je sais aussi – et j’aime – être élégante lors des soirées avec les sponsors. Mais le paraître n’a jamais été mon truc. Dans les discussions, j’ai envie de connaître la personne, vraiment.
Aux séances photos de mon mari, j’y vais parce que la photo m’intéresse, pour pouvoir poser des questions. Les gens du milieu du foot n’ont pas l’habitude de ça. J’ai dû apprendre à me mettre en retrait, parfois.
J’ai rencontré Fred dans le train, on avait 19 ans
J’ignorais qu’il était joueur de foot. Lorsque je l’ai su, ça m’a dérangée, au début. En Allemagne, quand j’ai cherché du travail plus tard, je ne disais pas que j’étais là parce que mon conjoint était footballeur. Evidemment, ma vie a pris une autre dimension grâce à son métier. Mais je voulais séparer les deux choses, garder mon autonomie.
Il est d’abord parti seul jouer à Berlin tandis que je restais en Suisse. Je voulais acquérir de l’expérience dans ma profession d’enseignante, avant de le rejoindre. Je ne pouvais le voir que le week-end. Et c’est un homme public que je retrouvais alors. Il y avait les préparations d’avant-match, puis les interviews, les discussions avec les sponsors, les séances d’autographes. Je devais le voir au milieu de tout ça…
Nous n’avions presque pas de moments à nous
Une fois, je l’ai même suivi jusque dans la cabine de tests antidoping, pour que nous soyons ensemble un moment avant que je reparte prendre mon avion. Souvent, c’était une personne du staff qui m’amenait à l’aéroport, lui ne pouvant pas se libérer. Bien sûr, je me suis souvent interrogée si cela valait la peine de prendre l’avion pour passer mon temps à l’attendre. Mais se parler sur Skype était pire.
A Berlin, au moins, on pouvait se toucher, il me présentait à tout le monde. Lorsque les groupies réclamaient des photos avec lui, il leur disait: «Donne la caméra à ma copine.» Tout était clair entre nous sur ce point.
Après un an, on ne pouvait plus continuer comme ça
Nous avons décidé que j’allais déménager à Berlin. Je m’y projetais déjà. Et voilà que trois semaines avant mon départ, Fred a changé de club et signé à Nuremberg. Une ville qui m’était totalement inconnue. Arrivée sur place, j’ai vu que toutes les démarches administratives étaient réglées pour lui par le club. Rien pour moi! J’étais l’étrangère.
Je suis allée m’inscrire à la commune et j’ai fait la queue pendant des heures au bureau de l’emploi. Je n’étais encore que la copine d’un footballeur, pas sa femme. Cela fait une énorme différence dans ce milieu. Nous nous sommes mariés la saison suivante, juste avec nos proches, sans média.
Je me suis enrichie à chaque étape
A Nuremberg, c’est professionnellement que j’ai acquis de l’expérience. J’ai trouvé du travail auprès d’enfants à problèmes. Ils avaient en eux une violence que jamais je n’ai connue en Suisse. J’ai ensuite rejoint une crèche. Et j’ai eu envie d’avoir des petits à moi… Fred aussi. Je suis tombée enceinte peu après. J’étais à plus de six mois de grossesse, quand mon mari a dû chercher un nouveau club. Je me souviens qu’on se trouvait dans un hôtel à Munich et que je ne savais toujours pas où j’allais accoucher.
C’était une période difficile. Je me sentais responsable pour deux. Je me suis alors raisonnée. Les bébés naissent partout. Fred a signé dans un club de la banlieue de Munich. Notre fils est né moins de trois mois plus tard. On avait programmé l’accouchement le lendemain d’un match pour qu’il soit présent.
Le foot d’abord… Cela ne me gênait pas
Cette saison-là, j’ai appris à être maman. Les clubs en Allemagne sont bien plus ouverts aux familles qu’en Suisse. On a des loges VIP avec des garderies, il y a des soirées avec conjoints et enfants. On existe! Quand plus tard mon mari a joué en Suisse, j’ai côtoyé des clubs de Super League dont je n’ai rencontré ni l’entraîneur ni le président…
Après Munich, nous sommes rentrés en Suisse. C’était la fête avec les amis et la famille. J’ai repris mon travail d’enseignante en Argovie. Étonnamment, je me sentais moins libre parce qu’il y avait davantage d’attentes de la part de l’entourage. En Allemagne, lorsque tu es joueur de foot, on va t’offrir un kebab. En Suisse, on te demande de payer la tournée! Et il y a aussi les articles dans les journaux que les proches lisent…
Cela suscite des questions pas toujours agréables
Pour Fred, ça a été une période particulière, parce qu’il était vu comme le junior du club alors qu’il avait bien plus d’expérience. Deux ans plus tard, je suis retombée enceinte. Mon mari m’a annoncé qu’il avait reçu une proposition en Suisse romande. Au début, je n’étais pas enchantée. Mais lui voulait retrouver les racines vaudoises de son père et désirait que les enfants sachent le français. Ça m’a convaincue. En plus, j’apprendrais moi aussi la langue.
Mon plus gros problème a été d’accoucher dans un univers francophone. Je ne savais même pas comment on disait allaiter! En deux ans et demi, nous avons bien appris le français. Et en août, on s’est offert une maison à Suhr (AG) près de chez mes parents. On s’était toujours dit que le jour où les enfants iraient à l’école, on arrêterait de bouger. Mon mari fait les trajets jusqu’à Neuchâtel…
Le foot a sa place chez nous, mais ça ne remplit pas toute notre existence
On en parle évidemment, des réactions qu’il suscite, des pressions, des interviews... Je prends son métier et ce qui va avec comme une chance pour moi et nos enfants. Cela nous a ouvert l’esprit, nous a confrontés aux langues, à des cultures différentes. C’est aussi dans ma personnalité d’aimer le changement.
Certains m’ont dit que c’était trop lourd pour des enfants. Notre fils qui a 6 ans n’a jamais pensé que son père était «plus» que son père. Pour lui, c’est juste normal de le voir à la télévision.
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