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Je ne suis ni chercheuse en biologie ni physicienne, je ne vais pas inventer un vaccin qui va sauver des gens, mais je n’ai pas envie que ma vie soit dénuée de sens pour autant. Je veux apporter mon grain de sable à l’édifice, laisser une empreinte, transmettre des valeurs. Pour cela, il faut travailler sur soi-même, se poser des questions sur l’humain en général, sur le monde. Qu’est-ce que je veux faire de ma vie, au-delà de choisir un mari, un métier? Voilà pourquoi je suis entrée en maçonnerie. Pour me donner un espace de réflexion existentiel.

C’est en cherchant un livre dans la bibliothèque de mon grand-père que j’ai découvert la franc-maçonnerie. Je devais avoir 15 ans. Je suis tombée sur un carnet avec un œil et un triangle, un journal intriguant qui parlait de loges et de choses du genre. Je me suis dit: «Mince, mon grand-père fait partie d’une secte!» J’étais un peu paniquée parce qu’on parlait beaucoup à l’époque du drame de l’Ordre du temple solaire. Je n’ai pas osé aborder le sujet avec mon grand-père, mais j’en ai par contre discuté avec ma grand-mère qui m’a expliqué que la franc-maçonnerie n’était pas une secte. J’ai également glané quelques informations dans des bouquins, mais je n’ai pas poussé plus loin mes recherches. Je suis restée craintive et dubitative sur la question. J’avais du mal à croire que ce n’était pas une secte.

Et puis quelques années plus tard, vers mes 18 ans, mon grand-père m’a brièvement parlé du sujet. Il m’a demandé ce que je savais sur la franc-maçonnerie. Je lui ai répondu que je trouvais ça intrigant mais un peu bizarre. Il a mentionné quelques francs-maçons célèbres, comme Hugo Pratt, m’expliquant qu’on pouvait trouver une foule de symboles maçonniques dans ses BD. Ou encore Jacques Brel et sa chanson «La Quête». Ce jour-là, j’ai surtout appris qu’il y avait des femmes francs-maçonnes, alors que je croyais que c’était une fraternité exclusivement réservée aux hommes. Il m’a dit que, si j’en avais envie, je pourrais un jour faire la démarche pour y rentrer. Les choses se sont arrêtées là et on n’en a plus jamais vraiment reparlé.

Un engagement symbolique et moral

Ce n’est que dix ans plus tard, à l’occasion de conversations passionnées avec François, mon ami de l’époque, que le sujet est revenu dans ma vie. Il m’a confié qu’il était franc-maçon. Il avait l’impression que les sujets abordés en maçonnerie, la manière de s’interroger sur le monde, l’envie de progresser, me plairaient. Je lui ai dit qu’au fond, je n’y connaissais toujours pas grand-chose, que c’était un univers tentant pour un esprit curieux comme le mien, mais que ça avait l’air compliqué. Surtout, j’imaginais que c’était un groupe réservé à des personnes extraordinaires. Je ne me sentais pas forcément à la hauteur... Il m’a alors dit connaître une loge qui pourrait me correspondre. Et m’a proposé de parler de moi à la responsable, que l’on appelle la «vénérable».

Il est beaucoup plus dur d’entrer en maçonnerie que d’en sortir. Pour en sortir, il suffit d’écrire une lettre, c’est tout. Pour y adhérer, en revanche, il y a plusieurs étapes à franchir: la première consiste, là encore, à rédiger une lettre. On y explique qui on est et pourquoi on aimerait faire partie de cette corporation. On parle beaucoup du réseau de la franc-maçonnerie, et du fait qu’il peut aider à développer une carrière. C’est effectivement le cas, pour une part, puisque c’est un groupe de personnes. Mais c’est surtout un engagement symbolique et moral. On n’y va pas en touriste, juste pour développer des contacts. Pour ça, mieux vaut s’inscrire sur LinkedIn, c’est moins fatigant!

Une fois ma lettre envoyée, il y a eu pas mal d’attente... Puis le parcours initiatique a débuté. Je ne peux pas en parler car il est conçu pour créer un effet de surprise. J’avais encore quelques inquiétudes, mais tout ce que je pouvais lire sur la franc-maçonnerie me correspondait vraiment. Et je faisais confiance à François, je savais qu’il n’essayait pas de m’embrigader dans quelque chose de louche. C’est d’ailleurs ça le plus surprenant: je suis quelqu’un qui a du mal à faire confiance, à aller vers les autres, mais avec mes frères et sœurs maçons, j’ai toujours senti une telle bienveillance que je n’ai jamais eu peur.

Quand j’ai enfin été admise, j’étais très fière. Selon moi, tout le monde devrait s’accorder du temps pour réfléchir sur soi, sa responsabilité d’homme dans le monde, ce qu’il apporte à l’humanité. Chacun devrait se battre pour des valeurs comme la justice et la tolérance. C’est peut-être une utopie mais, même si on n’y arrive pas, il faut au moins essayer. Se dire qu’on peut réussir à créer l’impossible reste un moteur. N’est-ce pas ce qu’ont fait les inventeurs de l’avion?

L’inaccessible étoile

La franc-maçonnerie n’est pas une organisation secrète, mais discrète, parce que mal vue, dénigrée, surtout en Europe. Si l’on souhaite se renseigner, on peut trouver toutes les informations sur Internet. Au début, je parlais très ouvertement de mon appartenance à la fraternité, mais ça s’est souvent retourné contre moi, les gens me jugeaient mal. Maintenant, six ans après mon admission, je n’en parle qu’aux personnes de confiance. Mais je souffre du secret, parce qu’à mes yeux, c’est quelque chose de fondamentalement bien. Il y a un vrai travail qui est effectué et qui fait progresser.

Le fait de me rendre aux réunions régulièrement est porteur. Je suis encore au début de mon parcours, donc je ne parle pas, je suis là pour écouter. A chaque séance, des réflexions politiques, philosophiques, sociétales et symboliques sont abordées. C’est passionnant. J’ai l’impression d’avoir pris mes responsabilités, d’avoir développé un côté militant sans m’enfermer dans une idéologie ou un parti. C’est un engagement dans l’ouverture.

«Tenter, sans force et sans armure, d’atteindre l’inaccessible étoile», comme le chante Jacques Brel, rêver l’impossible: voilà mon objectif! Une petite fenêtre d’ouverture, de tolérance, de justice, que j’ai envie de transmettre à ma fille. Une minuscule contribution peut-être, mais après tout, ne dit-on pas que l’on peut voir le monde dans un seul grain de sable?

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