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J’ai fait la connaissance de Merlin en avril 2005

Je suis non-voyante depuis plusieurs années, mais j’ai beaucoup hésité avant de prendre un chien guide. Ce qui m’a convaincue, c’est de penser qu’il allait faciliter mes déplacements. Le quartier de Genève dans lequel je vis est très animé et, à l’époque, j’allais chaque jour à l’université pour terminer un master en biologie. Par ailleurs, mes amis non-voyants qui avaient un chien guide étaient très heureux avec leur animal. J’ai donc entamé les démarches auprès de la Fondation école romande pour chiens guides d’aveugles de Brenles (VD).

Je m’y suis rendue pour voir deux chiens susceptibles de me convenir. On m’a présenté un labrador et un border-collie nommé Merlin. Ce dernier m’a tout de suite fait craquer. Calme et câlin, il m’inspirait confiance. Pour le tester, je suis partie en promenade avec lui, accompagnée d’un moniteur. Je l’ai encore vu une deuxième fois, et là je me suis décidée. Je l’ai pris. C’est ainsi que Merlin a débarqué dans ma vie avec un moniteur, un apprenti et tout son équipement, harnais compris.

C’était le début d’une nouvelle aventure!

Mes proches étaient un peu inquiets à l’idée que je gère seule un chien, mais il a suffi d’une seule rencontre avec Merlin pour les convaincre. Comme tous les chiens guides, il a été soigneusement choisi et éduqué. Pour faire l’affaire, les chiots doivent avoir un comportement adéquat, être curieux et gentils. Une fois sélectionnés, ils vivent un peu plus d’une année dans une famille d’accueil pour s’habituer à tout, aux bruits, aux voitures, aux enfants… Ils passent ensuite des tests physiques, notamment oculaires, puis enchaînent sur neuf mois de cours dans une école qui se conclut par des examens finaux devant un expert de l’assurance-invalidité qui prend en charge le coût des chiens guides.

Heureusement car à l’achat, ils coûteraient plusieurs dizaines de milliers de francs! Merlin est un chien très spécial puisqu’il est, à ma connaissance, le seul border-collie qui exerce ce «métier» en Suisse romande. Tous les autres sont des labradors.

Les deux premières semaines avec mon chien ont été très intenses

Aidés par un moniteur et un apprenti, nous avons dû nous habituer l’un à l’autre, nous entraînant à toutes les situations, du soir au matin. L’adaptation a été progressive. La première semaine, Merlin a appris à m’obéir et à avoir un comportement adéquat dans mon appartement et mon quartier.

La deuxième semaine, il a compris comment me guider, et moi, comment le suivre. N’ayant plus la canne blanche qui m’aidait à me déplacer, j’ai dû trouver de nouveaux points de repère. Quant à Merlin, il a fait les mêmes trajets des dizaines de fois. Comme il ne savait pas repérer les poteaux de signalisation lumineuse qui permettent de traverser la route, le moniteur a dû étaler du Parfait sur toutes les bornes pour lui donner envie de s’en approcher. Nous avons bien ri! Après quinze jours de ce traitement de choc, Merlin et moi étions prêts à commencer une vie ensemble.

Mon chien a compris que je ne vois pas

Il a donc développé avec moi une manière de communiquer bien particulière. Il me donne des petits coups de museau sur le genou quand il veut attirer mon attention. Quand il a faim, il me demande de le suivre et s’assied devant sa gamelle. S’il n’a plus rien à boire, il traîne son écuelle partout dans la cuisine pour faire un maximum de bruit! Il a aussi des côtés coquins. Comme il sait que le canapé lui est interdit, il se lève en pleine nuit pour s’y installer discrètement et revient dans son panier cinq minutes avant que je me lève!

Merlin est aussi un vrai chien de berger, fasciné par les animaux. Je l’ai remarqué lorsque nous sommes partis faire un semestre d’échange universitaire à San Diego, aux Etats-Unis. Au milieu du campus coulait une rivière pleine de poissons rouges. Je n’avais qu’à prononcer le mot «poisson» pour qu’il file ventre à terre les contempler!

Dans l’avion, Merlin a eu droit à un baptême de l’air dans les règles de l’art. Il a pu regarder par le hublot, et tous les passagers se proposaient pour le promener dans le couloir… Aux Etats-Unis, un chien d’assistance doit pouvoir accompagner son maître partout. C’est la loi. Une bonne loi. En Suisse, il faut encore se battre pour faire comprendre aux chauffeurs de taxi qu’on ne peut pas monter dans la voiture sans son animal!

Depuis que j’ai Merlin, le regard que l’on porte surmoi est différent

Plus positif. La plupart des gens aiment les animaux et admirent ce que mon chien sait faire: éviter les obstacles, repérer les passages piétons, les portes, les escaliers, les bancs, indiquer les bords de trottoir… Quand j’utilisais une canne, je sais que je suscitais parfois de la pitié. Tout ça, c’est fini. Les personnes que je rencontre sont curieuses et me posent des questions, ce qui facilite le contact. Mais attention, on peut parler au maître, mais pas à l’animal! Lorsqu’un chien guide porte un harnais, c’est qu’il travaille, et il ne doit alors pas être déconcentré. Cela peut s’avérer dangereux pour la personne qu’il guide! A la maison, en revanche, c’est un chien comme tous les autres, je ne lui demande rien. Il a bien droit à un peu de repos!

Merlin est toujours content de me voir

Il m’apporte bien plus que je ne pouvais l’imaginer, à tel point que si je dois m’en séparer quelques heures, je ressens un véritable vide. Lorsqu’il m’arrive de sortir sans lui, les premières minutes, je me transforme en danger public: je marche beaucoup trop vite! Avec lui, j’ai redécouvert le plaisir des promenades, j’arrive à marcher en ville sans crainte… Je lui dois énormément. Sans lui, je n’aurais pas pu mener de front mon deuxième master, en bio-informatique à Genève, et mon travail à Retina Suisse à Lausanne.

A 12 ans, comme tous les chiens guides, Merlin prendra sa retraite. C’est dans six ans. A ce moment-là, je souhaite continuer d’en prendre soin, avec l’aide de mon entourage si nécessaire. Après tout ce qu’il aura fait pour moi, mon chien aura bien le droit à une retraite paisible!»

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