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Quand j’ai rencontré T., le père de mon enfant, il y a quatre ans, je n’avais pas de désir de maternité. Sortant d’une histoire amoureuse, je traversais une période difficile. Lui-même se remettait douloureusement de son divorce, pleurant son fils qu’il ne voyait quasiment plus. Nous passions notre temps à discuter, loin du regard des autres. C’était une relation un peu clandestine… déjà compliquée. Nous étions deux âmes en peine qui nous apportions du réconfort, sans projet d’avenir.

Nous aurions pu continuer ainsi encore un moment. Tout a basculé le jour où je suis partie en vacances chez des connaissances en Amérique du Sud. Sur place, j’ai commencé à me sentir mal, comme grippée. Alors que je pensais à un virus, mon amie m’a suggéré de faire un test de grossesse. Il s’est avéré positif. Le choc! C’était impossible! Durant les six mois de notre «relation», nous avions eu très peu de rapports sexuels, T. et moi, qui plus est protégés. Tout se bousculait dans ma tête. S’il y avait quelque chose de magique dans cette nouvelle, j’étais lucide et craignais la réaction de mon conjoint. Je suis rentrée d’urgence en Suisse pour lui parler. Je ne pensais pas encore garder l’enfant.

La réaction de mon compagnon a été terrible. Il s’est mis dans une colère noire: «Je ne te laisse pas le choix, tu vas avorter. Comment peux-tu me faire ça?» J’étais ébranlée, ne le reconnaissant plus. J’ai pleuré toute la nuit. J’avais déjà vécu un avortement à 20 ans et avais mis beaucoup de temps à m’en remettre, alors que c’était ma décision, à l’époque. Repasser par là m’attristait. Mais il était exclu que je garde l’enfant dans ces conditions. Le lendemain, je me suis rendue chez ma gynécologue pour le premier contrôle de grossesse et pour fixer en même temps l’IVG. A ma grande surprise, j’étais enceinte de presque trois mois. Lors de l’échographie, j’ai pu voir les petits pieds et mains de mon enfant, entendre son cœur battre. Le temps s’est arrêté. J’étais bouleversée. J’ai su à cet instant que j’allais me battre pour le garder et l’assumer toute seule.

Porter la vie rend fort

Quand T. a appris ma décision, il est devenu fou de rage: «Sache que je vais tout faire pour que tu perdes ce bébé. Et s’il doit naître, je mettrai tout en œuvre pour que ta vie et celle de l’enfant soient gâchées.» Les insultes et les menaces quotidiennes ont duré jusqu’à mes six mois de grossesse. Je vivais dans la terreur de le croiser en ville ou qu’il débarque chez moi. Petit à petit, le vide s’est fait autour de moi. Il était allé raconter partout que je l’avais «violé», fait un bébé dans le dos. Dans mon entourage, ce sont les femmes qui ont été les plus virulentes. Ma meilleure amie m’a traitée d’égoïste, disant que j’allais rendre cet enfant malheureux, car j’étais trop immature et donc incapable de l’élever – alors que j’avais 30 ans, un appartement et un bon travail! A la fin, je n’osais plus sortir. C’était trop dur.

Pendant toute cette période, j’ai beaucoup douté. Mais porter une vie en soi rend plus fort. J’ai changé de numéro de téléphone, déménagé et j’ai même signalé que j’étais victime de harcèlement à la police pour que, s’il m’arrivait quelque chose, on sache où chercher. J’ai également consulté une pédopsychiatre: en tant que mère célibataire, je voulais donner le meilleur à mon enfant et ne pas lui transmettre toutes mes angoisses et mes peurs. Au bout de trois mois, T. a cessé de me contacter. Il s’est «volatilisé». Mais le combat n’était de loin pas terminé. J’ai dû faire face à l’animosité des services sociaux. Etre mère célibataire, c’est être continuellement en butte aux critiques de la société. Ça m’a révoltée plus d’une fois. Comme si l’homme n’avait aucune responsabilité… Mais j’ai tenu bon. Et n’ai jamais révélé le nom du père. J’ai continué à vivre recluse, n’ayant des contacts qu’avec ma famille et quelques rares connaissances qui m’avaient soutenue depuis le début. C’est à cette période que j’ai retrouvé mon meilleur ami que j’avais perdu de vue. Il avait évité de me voir, croyant tout ce que les gens racontaient à mon sujet. Et puis, un jour, il est passé chez moi. Nous avons discuté et il m’a ensuite rendu régulièrement visite, en toute amitié.

Sans l’aide de personne

J’ai accouché seule, mais ça a été un moment magnifique. Comme tout ce qui a suivi. Contrairement à ce qu’on m’avait prédit au vu de ma grossesse épouvantable, mon fils s’est avéré être un enfant facile, ne pleurant jamais. Un vrai cadeau! J’ai commencé ma vie de maman sans demander de l’aide à personne. Je voulais prouver aux autres, et surtout à moi-même, que j’en étais capable. L’année qui a suivi a été la plus belle. Entre mon bébé et mon travail, j’ai été intensément heureuse.

Mon meilleur ami a continué à me rendre visite. Il s’est attaché au petit. Il m’a avoué plus tard être tombé amoureux de moi à ce moment-là. Je n’étais plus seulement une amie ou une maman, mais une femme forte, qui assumait sa vie. Quand il s’est déclaré neuf mois plus tard, je n’ai rien voulu savoir. Je n’étais pas prête à accueillir quelqu’un d’autre dans ma bulle. Je ne faisais surtout plus confiance aux hommes. Il lui a fallu beaucoup de temps et de patience pour que je réponde à ses avances.

Aujourd’hui, nous sommes mariés. La famille s’est même agrandie d’une petite fille. Mon fils et mon mari s’adorent. Mon enfant sait que ce n’est pas son papa. Je lui ai tout raconté. Si un jour il veut connaître le nom de son géniteur, j’ai mis sous scellés des documents et une photo à l’assistance sociale au cas où il m’arriverait quelque chose. Je suis heureuse. Parfois, il m’arrive d’être triste en repensant à cette période, mais je sais que c’est ce qui m’a permis de devenir la femme dont mon mari est tombé amoureux. C’est un homme exceptionnel. Sans cette histoire, peut-être serions-nous passés l’un à côté de l’autre. Et quand je vois la famille que nous formons, le bonheur dans lequel nous vivons, je ne regrette rien. C’est ma plus belle revanche face à tous ceux et celles qui m’ont alors jugée et tourné le dos.

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