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Toute mon enfance, j’ai été maltraitée, violée et menacée de mort par un ami de ma famille

Pourtant, j’ai encore du mal à me reconnaître comme une victime. Je culpabilise beaucoup, je me dis que je suis responsable de ce qui s’est passé. Mes plus vieux souvenirs remontent à mes trois ans. Avec ma sœur, on allait souvent chez ma grand-mère durant les week-ends et les vacances. Elle avait un chalet à la montagne, on adorait ça! Seulement, il y avait cet homme qui envoyait ma petite sœur jouer et qui me gardait avec lui dans son atelier. Il me disait qu’il faisait cela pour mon bien. C’est seulement vers mes 12 ans que j’ai pris conscience que quelque chose ne jouait pas. Mais il menaçait de s’en prendre à ma sœur et de tuer toute ma famille si je parlais. A plusieurs reprises, il a pointé son arme sur moi. Je n’ai jamais douté qu’il mettrait ses menaces à exécution. Alors je me suis tue. Je me suis renfermée, j’essayais de me faire la plus discrète possible. Je disais à mes parents que je ne voulais plus aller en vacances chez grand-mère, sans jamais expliquer pourquoi! Ils pensaient que j’avais simplement du mal à être loin d’eux et que c’était mon caractère d’être ainsi réservée.

Quand j’ai eu 14 ans, cet homme a déménagé et je ne l’ai plus jamais revu

Mais durant des années, j’ai eu terriblement peur de le croiser ou qu’il cherche à me retrouver. Un an après, j’ai perdu mon ami d’enfance dans un accident de la route. Cet événement m’a plongée dans une profonde dépression et j’ai fait plusieurs tentatives de suicide. J’ai été conduite dans un hôpital psychiatrique pour adolescents et c’est là que, pour la première fois, j’ai vaguement parlé de mon histoire à une infirmière. Elle m’a expliqué qu’elle allait devoir en parler au psychiatre qui me suivait. A son tour, il a informé mes parents. Leur première réaction a été de me demander si cet homme s’en était aussi pris à ma sœur. Je ne m’attendais pas à cela! Je ne me suis pas sentie comprise. Ils n’ont même pas cherché à en savoir plus. Plus tard, en discutant avec eux, j’ai compris qu’ils étaient sous le choc. Pourquoi personne n’a porté plainte à ce moment-là? A mon avis, ça a été une grande erreur. Ça aurait été très dur pour moi mais j’aurais été mise devant le fait accompli et il aurait été condamné. Plus tard, je n’ai pas réussi à porter plainte. Une partie de moi voulait mais je redoutais de le revoir, de l’affronter, et surtout, qu’il s’en sorte avec une peine légère, comme c’est souvent le cas dans ce genre d’affaire. Je n’aurais pas supporté après tout ce qu’il m’avait fait!

Nous n’avons donc plus reparlé de cela

Je pensais que tout le monde s’en fichait et la vie a repris son cours, comme si de rien n’était. A 16 ans, j’ai rencontré mon copain de quatre ans plus âgé que moi. J’ai tout de suite craqué pour lui. Onze ans plus tard, nous sommes toujours ensemble. Je pense que si je suis encore en vie, c’est beaucoup grâce à lui!

En 2006, j’ai commencé à avoir de sérieux problèmes de santé qui n’ont cessé d’empirer. Tout ce que j’avais refoulé s’est mis à sortir à travers mon corps. Aujourd’hui encore, il m’est impossible de dormir la nuit, je fais des cauchemars et des crises d’angoisses, j’ai des flash-back. Avec ces ennuis, j’ai aussi perdu mon travail. Ça a été un grand choc pour moi qui adorais mon job! J’ai obtenu une rente AI. J’ai aussi pris beaucoup de poids, comme si j’avais voulu me créer une carapace de protection au fur et à mesure que les choses remontaient en surface. Evoquer mon passé a toujours été terriblement difficile. Chaque fois que j’y repense, j’ai une boule à l’estomac et la gorge serrée, ça coince… Je n’arrive pas à en parler, cela me fait trop mal.

Un jour, j’ai pris un cahier vierge et j’y ai écrit mon histoire

Je l’ai fait lire à mon copain. Il était sous le choc. Il savait que j’avais été abusée mais sans plus. Plus tard, il m’a demandé de ne plus mentionner cela devant lui. C’est trop difficile pour lui, ce que je comprends. Puis je suis allée déposer le cahier chez mes parents. Ils ont lu. Ils ont énormément culpabilisé, se demandant comment ils n’avaient pas vu ce qui se passait. Mon père est tombé en dépression. Ma sœur, dont j’étais très proche, a découvert mon histoire un peu plus tard. Pour elle aussi, cela a été très dur. Elle pleurait et se demandait pourquoi cet homme ne s’en était pas pris à elle. J’en veux surtout beaucoup à ma grand-mère. Elle ne m’a pas protégée. Elle a mis en doute ma parole quand j’ai commencé à parler. Je ne veux plus jamais avoir à faire à elle.

Confier mon histoire à ma famille a été très dur mais c’est ce qui nous a permis de nous rapprocher. Il n’y a plus de non-dits ni de tabous et depuis, ils me soutiennent énormément.

L’an dernier, j’ai appris que mon abuseur était décédé

Je n’osais pas y croire. Un jour, j’ai mis dans une lettre tout ce que j’avais sur le cœur. Je suis allée la brûler sur sa tombe, accompagnée par ma sœur. Je me suis sentie si soulagée de voir son nom écrit sur la pierre! Enfin, je n’avais plus à avoir peur.

Aujourd’hui, à 27 ans, mon état de santé a empiré. Je prends chaque jour de nombreux médicaments pour tenir le coup. J’ai le projet de faire une opération pour un by-pass d’ici à quelques mois. Cela va me permettre de perdre du poids et de me retrouver telle que j’étais avant. C’est ma priorité en ce moment. Parfois, je sens que les gens me jugent, qu’ils pensent que je devrais me secouer, faire plus d’efforts, mais ils ne se rendent pas compte à quel point ma vie est une lutte quotidienne. Le fait d’arriver à me lever le matin, à sourire, à ne pas montrer que je ne suis pas bien… Tout cela me demande énormément d’énergie! Et j’y arrive. Je suis fière de moi. Surtout, j’ai la chance immense d’être bien entourée et soutenue, par mon conjoint, ma sœur, mes parents et mes proches. Sans eux, je ne crois pas que je serais encore ici. J’espère que d’ici à trois ans, j’aurai retrouvé un poids normal grâce à l’opération et que je pourrai m’aimer telle que je suis. Et peut-être avoir un enfant.»

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