Portrait inspirant
Valérie Peyre, la maîtresse du thé
Rien ne prédestinait Valérie Peyre à s’occuper de thé. «Je viens d’une famille qui buvait tous les matins du café chicorée.» Elle aurait pu en rester là, avec sa tasse de café au lait pour accompagner ses journées, quand elle découvre, par hasard, le charme et la beauté du rituel du thé, la lenteur de l’infusion, les innombrables nuances de goût.
Décidée à faire d’une passion un métier, Valérie Peyre a lancé cette année une nouvelle ligne de thé, appelée Chanoyu, qui veut dire cérémonie du thé en japonais. Une cinquantaine de mélanges, des créations (au piment, au whisky), des infusions, des thés aromatisés, un joli packaging, tout est bio et recyclable. Elle propose des coffrets, des assortiments, nous fait entrer dans un univers qui invite au voyage. On respire les feuilles et on se projette dans une lointaine Asie, envoûtés par des arômes incroyables.
Gagnante du Prix Veuve Clicquot Business Award
Des expériences gustatives auxquelles Valérie Peyre nous a déjà invités. Les échoppes vertes pétillant dans les gares de Suisse, c’est elle qui les a inventées. Qui n’a pas goûté aux thés Tekoe en prenant le train, tenu les mugs entre ses mains pendant les parcours? Valérie Peyre a réchauffé beaucoup de nos matins. «Je travaillais au marketing à l’agence Reuters, je voyageais beaucoup, et moi qui aimais le thé, je me suis rendu compte qu’il n’y avait presque aucun choix de bons thés dans les hôtels ou dans les lieux publics. Je me suis dit que ce serait une bonne idée d’offrir du thé de qualité dans des endroits très urbains, de faire vivre le rituel du thé hors des salons raffinés. Au début des années 2000, j’ai donc décidé de lancer le projet. Personne n’y croyait, sur le marché, seuls existaient Lipton et Nestlé!»
Valérie Peyre rencontre un entrepreneur qui se montre enthousiaste. Ils deviennent associés, tombent amoureux, font deux enfants et créent la marque, avec une première échoppe à la gare de Lausanne, en 2004. Le succès est immédiat. Ils choisissent des thés de qualité, proposent une sélection de feuilles, commencent à travailler sur des créations originales. Elle arpente le monde pour découvrir de petits producteurs, pour tester, goûter, apprendre le métier auprès d’aromaticiens. L’entreprise se développe, les clients se pressent dans les points de vente, jusqu’à 1000 par jour en hiver. Valérie Peyre gagne le Prix Veuve Clicquot Business Award, elle aime son entreprise, adore mettre de la couleur dans les couloirs un peu glauques des gares. Grâce à leur concept à emporter, les gens découvrent le thé, apprennent qu’il peut être jaune, blanc, hument avec ravissement le parfum des fleurs de lotus. La marque pousse partout, à Genève, Zurich, Berne, Bâle, 60 employés s’affairent pour l’enseigne.
La vie d’après
En 2012 le couple se sépare et l’entreprise traverse une crise, des investissements malheureux, des désaccords poussent les deux associés à vendre Tekoe en 2019. «Les nouveaux acheteurs ont décidé de me garder, ils n’avaient aucune expérience du thé. Mais très vite, c’est devenu compliqué, le propriétaire a pris des décisions stratégiques qui allaient à l’encontre de ce à quoi je croyais.» Valérie Peyre est poussée à la sortie. «C’est vraiment très dur de recevoir une lettre de licenciement de l’entreprise que vous avez créée. C’était très violent, parce que j’étais très proche de mes équipes. Partir, oui pourquoi pas, mais pas de cette manière-là.» L’expérience reste douloureuse.
En 2021, Valérie Peyre crée une entreprise de consulting. À 54 ans, elle repart à zéro, en lançant sa nouvelle marque, soutenue par un investisseur qui croit en son projet et en son talent. Chanoyu Tea voit le jour. Si la marque est aujourd’hui en vente sur internet, Valérie prévoit d’ouvrir des boutiques l’année prochaine pour continuer à nous enchanter. Dans les feuilles de thé, elle écrit son avenir.