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Etre flexible, dynamique et connaître trois langues, c’est bien. Mais si vous avez le sens de l’humour, vous augmentez vos chances de trouver du travail. Et pas seulement pour un poste de marionnettiste au théâtre Guignol. Sur JobUp.ch, la plate-forme leader en Suisse romande pour les offres d’emplois en ligne, les annonces comportant le mot «humour» ont quadruplé depuis août 2012. Dans le département Banque-Finance d’une entreprise genevoise, on recherche ce mois-ci «un/e consultant/e en recrutement» qui fasse preuve de «vivacité d’esprit et de sens de l’humour». Une société internationale active dans le luxe recrute un/e assistant/e commercial/e bilingue français et anglais qui possède à la fois le sens de l’initiative et celui de l’humour. «Ce qui est étonnant, c’est le nombre d’annonces pour les cadres dirigeants qui contient cette préférence», relève-t-on chez JobUp.ch. «Cela confirme une tendance plus générale: l’employeur recherche des personnalités tout autant que des compétences

Avoir de l’humour au boulot, c’est ce qu’il y a de mieux pour vaincre stress et tensions. «Vous voulez dire que c’est le seul moyen de survivre dans une entreprise!» corrige Martina Chyba, journaliste et productrice à la RTS. «Lorsqu’on a lancé l’émission «Mise au Point» en 1996, l’équipe ne fonctionnait qu’aux vannes et au deuxième degré. C’est comme ça que nous étions les plus créatifs. Rire, c’est prendre de la distance, éviter de se fâcher pour un détail. Je serais incapable de travailler avec des personnes qui n’ont pas le sens de l’humour», témoigne l’auteure de «Vie en rose et chocolat noir» (paru aux Editions Favre en 2013).

La directrice romande d’Economie-Suisse Cristina Gaggini, qui ne passe pas un jour sans rire avec ses collaborateurs, rappelle que les employés en Suisse considèrent l’ambiance de travail comme un facteur de bien-être tout aussi important, et parfois même plus, que le salaire. «Dans un univers de plus en plus exigeant, c’est la voie royale pour faire baisser la tension.» L’humour réputé trash du corps médical sert clairement d’exutoire aux tensions psychologiques et permet de tenir la souffrance à distance. Plaisanter ensemble, c’est aussi un moyen de souder l’équipe: un team qui marche bien, constatent les psys, possède ses «private joke» qui créent la cohésion du groupe, même s’ils peuvent être ressentis comme un facteur d’exclusion par les nouveaux arrivés.

Ce don si masculin...

Ce qui est nouveau, ce n’est donc pas l’humour au travail, mais l’obligation d’en avoir. Si la bonne humeur devient un diktat de l’entreprise, méfiez-vous, c’est peut-être qu’on a justement fini de rigoler. «Plus les conditions économiques sont difficiles, plus on a besoin d’humour», observe la comédienne Brigitte Rosset. «Si le patron licencie un employé et que celui-ci lui répond un truc du genre «tant mieux, j’avais justement l’intention de partir en vacances», ça rend forcément la tâche plus facile!»

«Exiger d’un employé qu’il ait le sens de l’humour signifie parfois qu’il devra avaler des couleuvres», analyse Marc Loriol, coordinateur d’une étude française sur le sujet et chercheur au CNRS à Paris. «Par exemple pour un responsable de projet, qui n’aura pas d’autorité hiérarchique formelle sur ses collègues: on espère que son humour lui permettra de combler un manque de clarté dans la hiérarchie.» Devant cette nouvelle exigence, femmes et hommes ont-ils les mêmes chances? Pas sûr. D’un côté, l’humour permet à une femme cadre de faire passer des messages à ses subordonnés sans risquer la sempiternelle remarque d’être «cassante». C’est aussi, parfois, un moyen de défense dans un environnement machiste. «J’ai connu une femme policière qui se moquait d’un collègue quand il hésitait à passer à l’action en lui disant: «Ne fais pas ta fille», raconte Marc Loriol. Parfois, elle arrivait le matin en balançant: «Attention les gars, ça fait trois jours que je n’ai pas baisé, ça va être votre fête!» En faisant des blagues sexistes avant eux, elle s’imposait en jouant leur propre jeu. Mais toutes n’ont pas cet aplomb. Les femmes qui manquent de confiance – et elles ne sont pas rares – peinent à faire preuve d’un humour aussi spontané et authentique qu’avec leurs copines. Et si elles se sentent obligées de faire rire la galerie, ça peut tourner au désastre. En France, une cheffe de production de l’industrie agro-alimentaire avait instauré le bonnet d’âne pour ses employés pris en défaut. Une autre avait repeint les bureaux de couleurs vives dans l’intention de mettre un peu d’ambiance dans l’équipe. Dans le premier cas, l’humour était humiliant, dans le deuxième, il était carrément infantilisant. Ça n’a évidemment pas fonctionné.

Une femme hésite d’autant plus à utiliser l’humour qu’il est un terrain traditionnellement réservé aux hommes. Allez, c’est bien connu: les femmes aiment les hommes qui les font rire, les hommes aiment les femmes qui rient à leurs gags. «C’est vrai, avant, les rigolotes n’étaient que des bonnes copines. Mais ça change un peu», remarque Brigitte Rosset.

L’autodérision, arme totale

En 2007, l’écrivain et journaliste américain Christopher Hitchens publie dans le magazine «Vanity Fair» un pamphlet titré «Why Women Aren’t Funny» («Pourquoi les femmes ne sont pas drôles»). Selon l’auteur, les femmes manqueraient d’humour parce qu’elles n’en ont pas besoin pour séduire. La polémique s’est enflammée, les filles se sont rebellées: c’est peut-être que les blagues des mecs à leur égard ne sont juste pas drôles! «Si on se fait dire qu’on a une sale gueule, c’est facile de prétendre ensuite qu’on n’a pas d’humour», renchérit Brigitte Rosset. Mais la comédienne reconnaît aussi que les filles restent plus sensibles aux remarques sur leur physique que les hommes.

Comment s’étonner alors que l’une des formes d’humour préférées des femmes soit l’autodérision? Etre la première à se moquer de ses erreurs, c’est encore la meilleure manière de se faire accepter de son équipe et de pouvoir se permettre ensuite de balancer des vannes aux collègues. Martina Chyba a dépassé le stade de la débutante, mais elle adore toujours autant faire preuve d’autodérision. Début septembre, elle a fait une mauvaise chute en scooter et a été frappée d’une amnésie de deux heures. Quand elle est revenue au travail, elle s’est débrouillée pour anticiper les blagues de ses collègues: «Ouais c’est ça: pour les 10 000 francs que tu m’as prêtés juste avant mon accident, on verra plus tard…»

7 trucs pour booster votre sens de l’humour

Observer avant d’agir Avant toute tentative, regardez où vous mettez les pieds et adaptez vos blagues: Desproges, ça ne marche pas partout et avec tout le monde. Repérez aussi les attitudes et expressions récurrentes de vos collègues. Ça peut toujours servir quand on vous demandera d’animer une soirée de boîte.

S’offrir un aller-retour pour Montréal L’Ecole nationale de l’humour à Montréal offre des cours sur mesure aux entreprises «parce que l’humour recèle le pouvoir de briser les tensions, de mieux faire passer les messages et de faire tomber les résistances au changement».

Pratiquer l’autodérision Votre humour sur les autres passera beaucoup mieux si vous vous l’appliquez d’abord à vous-même, disent les psys. Un peu comme on teste un fard à paupière sur le dos de la main, ou on goûte la purée du bébé avant de le nourrir, vous voyez?

Se refaire toute la série des Workingirls Retrouvez les archétypes du monde professionnel dans cette série de Canal+: la directrice sadique, la mère de famille débordée, les réceptionnistes fainéantes, la nymphomane et la siphonnée. Elles vous rappelleront forcément quelqu’un. Et peut-être vous-même.

Se faire embaucher par Reto Zenhäusern Il est le plus crédible des faux patrons zurichois qu’un duo de comiques romands ait jamais créés. «120 secondes» a tiré le rideau, mais il reste internet pour des cours de rattrapage. Cet humour-là au moins est adapté à la réalité des entreprises helvétiques.

Tester ses blagues sur ses ados Attention c’est l’étape la plus cruelle. Passé l’âge de l’adoration inconditionnelle, les enfants sont intraitables. Vos ados aussi, ils font un bruit de cymbales pour vous signifier la platitude de vos plaisanteries? S’ils ne réagissent pas du tout: vous êtes sur le bon chemin.

Eviter l’«Humour pour les Nuls» de Gordon Zola On ne sait pas qui se cache sous ce pseudonyme idiot, mais ce n’est certainement pas Nicolas Bedos. L’ouvrage n’est pas un manuel d’humour comme on pourrait le croire (en existe-t-il un d’ailleurs?), mais une histoire de l’humour, bourrée d’erreurs et de clichés.

Et vous trouvez ça drôle?

Connaissez-vous Willibald Ruch? Moi non plus. Mais ça ne m’aurait pas déplu de le rencontrer. Un article m’apprend qu’il est l’un des psychologues de l’humour les plus réputés au monde. Dans ses travaux, il démontre que l’humour en entreprise permet de juguler le stress et de faciliter le travail en commun. Je cherche donc à contacter ce professeur ordinaire de l’Université de Zurich pour lui adresser mes questions: «Et les femmes? Se servent-elles de l’humour de la même manière que les hommes au travail? Si oui, comment est-il perçu par leurs collègues?»

En bonne Suissesse, j’adresse un mail au psychologue zurichois en français, en m’attendant à ce qu’il me réponde en allemand. Mais Willibald Ruch m’envoie une réponse en... hébreu. Pardon? C’était une plaisanterie – je le comprends par son mail suivant – pour me faire comprendre que le français lui était aussi étranger que pour moi la langue de Moïse. Gloups. En pleine guerre des langues en Suisse, je n’ai pas trouvé son gag très drôle. J’ai hésité entre deux réactions: soit je lui renvoyais illico un mail gonflé de toute mon indignation de minoritaire linguistique, soit je répondais sur le même ton, cela me permettait peut-être d’obtenir ce que je souhaitais. J’avoue que si j’ai choisi la deuxième option – l’humour – c’est uniquement pour mes besoins professionnels. Je renvoie à mon docteur ès rigolades une citation de Platon en grec, dans l’alphabet adéquat, laborieusement recopiée: «Ne cueillez pas le fruit du rire s’il n’est pas mûr.» Mais je n’ai sûrement pas su m’y prendre. Parce que je n’ai plus jamais eu de nouvelles de Willibald Ruch. L’humour au boulot, finalement, ça ne marche pas à tous les coups.

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