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Pas de bureau impersonnel. Pas d’attachée de presse présente. Pas de protocole. Roselyne Bachelot nous reçoit chez elle, sur son territoire. Dans cet élégant appartement parisien qu’elle occupe depuis une dizaine d’années. Au bout de la rue, la station de métro Pasteur – détail amusant pour une ancienne ministre de la Santé. Sur les tables du salon où les tons taupe règnent en maîtres, sont disposés de nombreux cadres. Ici, une photo de mariage de son fils unique. Là, une de son petit-fils. Ou encore un portrait en noir et blanc de sa mère, morte d’une leucémie. «Une très belle femme», lui fait-on remarquer. L’ex-politicienne est visiblement flattée. Elle s’enorgueillit de la famille dont elle est issue. Bon sang ne saurait mentir.

Son caractère bien trempé, Roselyne Bachelot l’a dans les gènes. «Les chiens ne font pas des chats!» lance-t-elle en riant. «Etre une mauviette, ce n’est pas le genre de la famille», admet cette fille d’un résistant et d’une militante féministe. «Ma grand-mère paternelle était abolitionniste de la peine de mort. Quant à ma grand-mère maternelle, elle était cheffe syndicaliste dans son usine d’armement. Pendant la guerre, elle hébergeait des Juifs au grenier et des aviateurs canadiens à la cave, alors que la chambre du premier étage était réquisitionnée par la Kommandantur. Et tout ce monde-là ne s’est jamais rencontré! C’est de ces femmes que je suis l’héritière. Je ressens plus la filiation avec elles qu’avec mon père.»

C’est pourtant sur les traces de ce dernier – Jean Narquin, député gaulliste – qu’elle a choisi de marcher en embrassant une carrière politique. Dans le même parti que lui. Mais ne lui dites pas que papa lui amis le pied à l’étrier: «Je me le suis mis toute seule, rectifie-t-elle. Quand j’ai voulu faire de la politique, mon père m’a dit: «Il ne faut surtout pas qu’on puisse te reprocher d’être ma fille. Donc tu vas te présenter comme conseillère générale dans un secteur où tu n’as aucune chance.» Or, c’est moi qui ai récolté la majorité des votes.

Stupéfaction de la classe politique qui pensait que j’allais me manger une superbe tôle! Cela m’a valu cette phrase d’un responsable de l’UDF, quand je suis arrivée à la Préfecture après ma victoire: «Si on avait su que c’était possible, on aurait envoyé un homme.»

Ni fille, ni «femme de»

Grâce aux combats qu’elle amenés au cours de sa carrière politique et à l’autonomie dont elle a témoigné par rapport à son père – lors du référendum sur l’adhésion au Traité de Maastricht, elle présidait le comité du «oui» et lui, le comité du «non» – on ne lui a jamais fait le procès d’être «la fille de». Mais elle a souvent dû combattre le sexisme ambiant. «Plus on s’élève dans la hiérarchie, plus l’air se raréfie… et les femmes aussi. (Elle rit.) Pour se protéger de cette violence, chacune a sa stratégie. Moi, c’est: «on ne lâche rien». A chaque fois que j’ai été en position de dénoncer une attitude machiste, je l’ai fait avec force et détermination. Mais j’ai de moins en moins à le faire car plus grand monde n’ose venir me tamponner en face!»

Reste que certains de ses anciens coreligionnaires n’ont toujours pas digéré qu’elle ait tourné le dos à la politique après trente ans passés au service de la République. Qui plus est, pour devenir chroniqueuse de télévision. «Je suis en quelque sorte passée chez l’ennemi et ça, c’est incompréhensible. En quittant mon poste, j’ai aussi lancé ce message subliminal à mes anciens collègues: attention, vous n’êtes pas là éternellement!» A 67 ans, elle fait désormais partie de l’équipe de l’émission Le Grand 8, sur la chaîne D8, aux côtés notamment de Laurence Ferrari et Audrey Pulvar. Et elle s’y sent bien. La politique est loin, déjà. «Je me disais que j’aurais un pincement au coeur en passant devant l’Elysée ou le jour du Conseil des ministres. Mais rien! Je suis même surprise de mon détachement.» Quoique.

En la matière, Roselyne Bachelot est allée à bonne école: «Quand je suis entrée à l’Assemblée nationale, en 1988, mon père, dont j’occupais l’ancien bureau, m’adit: «Tu dois quitter ce lieu chaque soir comme si tu ne devais jamais y revenir.» Il appelait cela «l’ascèse de l’adieu». Après avoir circulé durant trente ans en voiture de fonction avec chauffeur, désormais, elle «déambule dans les rues de Paris à pied, en bus, en métro. Les gens me serrent la main, les jeunes comme les vieux. Il ne m’est arrivé qu’une seule fois de déclencher une réaction hystérique. C’était à la sortie d’une église au moment de la Manif pour tous (ndlr: mouvement lancé contre le mariage gay). Une dame m’a couverte d’insultes, comme si j’étais le suppôt de Satan, car je soutiens les droits des homosexuels.»

Roselyne Bachelot a le courage de ses opinions. Peut-être est-ce ce qui lui vaut d’être l’une des rares femmes politiques françaises à susciter la sympathie du public. Lorsqu’on lui demande si elle regrette certaines erreurs, elle réfléchit longuement. Puis la réponse vient, sans ambiguïté: «J’ai le sentiment d’avoir toujours été en accord avec mes principes. Je n’ai ni honte, ni remords. J’ai la chance extraordinaire d’avoir été maîtresse de mon destin. Dans cette période qui ouvre le troisième tiers de mon existence, j’éprouve un sentiment de réussite et de complétude.» Et l’avenir? «Ecoutez, à mon âge, on savoure chaque minute comme si elle pouvait être la dernière!»

Des journées organisées en trois temps

L’écriture «J’y trouve beaucoup de plaisir. J’ai sorti mon Verdi amoureux en novembre chez Flammarion. Enfant, je voulais être chanteuse d’opéra. Avec ce livre, j’ai un peu réalisé ce rêve.»

L’engagement «Un tiers de mon temps est dévolu à des actions caritatives et citoyennes (ndlr: ici, lors d’une manif pour les droits des homosexuels). Je préside notamment une fondation consacrée à recherche sur le sida ainsi qu’un orchestre.»

La télévision «La vraie réussite de Laurence Ferrari, c’est d’avoir su créer une ambiance amicale dans l’équipe du Grand 8. Notre entente n’est pas feinte et c’est pour ça que je me sens bien dans cette émission. On ne ment pas à l’écran.»

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