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Une présence magnétique. Des yeux noirs, une chevelure ébène, un regard intense et pénétrant, susceptible de lire en vous comme dans un livre, des lèvres rouge sang. Une élégance sophistiquée. Nelly Wenger paraît maîtriser l’art de sa propre mise en scène comme personne. Aucune fausse note dans ce subtil jeu où harmonie et contraste, chaleur et distance se mélangent. Souriante, attentive à l’autre, elle aime raconter ce qu’elle fait plus que ce qu’elle est ou ressent. Elle esquissera d’ailleurs son portrait en deux traits: «Le courage et, hélas, une certaine intransigeance». Concision. Précision. Sa retenue n’est pas une posture. C’est une ligne de conduite. Une manière de poser des limites, d’entretenir le mystère sans doute.

En effet, quand on revient sur le chapitre douloureux de ce cancer du sein qui l’a frappée, fin 2006, elle se dérobe. Pour elle, c’est du passé, la page est tournée. Définitivement. Elle se hasarde cependant à nous livrer quelques clés pour la comprendre: «Je suis une femme de dossiers. Quand un problème se pose, je consulte les données, je les examine. Je ne suis
pas dans l’émotionnel.» Cérébrale, rationnelle, elle n’est pas non plus du genre à vouloir devancer le destin en planifiant l’avenir ou en pariant sur de probables lendemains. «Je suis dans la réalité, le présent. Je ne me pose jamais la question ex nihilo de ce que j’aimerais faire. Ma chance a été de savoir accueillir les choses qui survenaient.»

Soif d’inconnu

Entreprendre, encore et toujours, préférer les chemins de traverse aux autoroutes, tels sont les carburants qui alimentent sa mécanique professionnelle. Construisant sa vie comme on compose une bibliothèque, en diversifiant les «ouvrages», cette ingénieure civile suisse de 58 ans devenue spécialiste de projets complexes avoue avoir soif d’inconnu. «Je n’aime pas être dans la répétition, dans le re-faire. J’ai besoin d’explorer des terrains nouveaux.» Et sur ce plan, il faut souligner que l’existence n’a pas été avare en cadeaux surprises. Directrice d’Expo.02 (de 1999 à 2002) puis de Nestlé Suisse (2003 à 2006), là voilà qui pilote, depuis trois ans déjà, un vaisseau amiral aussi passionnant qu’atypique aux portes de Paris. «Une ville magnifique! J’y ai de la famille. Mais j’habite en Suisse et je fais les allers-retours.»

Situé sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt (au sud-ouest de la capitale), ce grand chantier a été baptisé R4, en clin d’œil à un modèle emblématique de la marque Renault fabriqué, trente-deux ans durant, en ces lieux. Cette entité expérimentale et plurielle a pour ambition d’être un trait d’union entre tous les acteurs du monde de l’art contemporain. Grande halle d’exposition, ateliers d’artistes, galeries, salles de ventes aux enchères, réserves d’art, espace de conférence ou de spectacle, y dialogueront, entre autres, sous un même toit. Un toit signé Jean Nouvel. Un édifice ou plutôt «une scène sur la Seine, tout sauf un bâtiment», comme aime à le décrire l’architecte français, vu que l’objet à construire envoie valdinguer les notions de dedans dehors pour coller à sa vocation. Ce que Nelly Wenger traduit, pour sa part, ainsi: «Le R4 ne se laisse enfermer dans aucune définition classique. Rien de semblable n’existe.»

Suractive, mais pas trop

Mais n’est-ce pas un peu vertigineux d’être chargée ainsi d’anticiper le futur, de lui donner un cadre? «Le visionnaire, c’est Yves Bouvier (ndlr: PDG de la société suisse Natural Le Coultre, active dans la logistique et le transport d’objets d’art et fondateur de la Socité civile immobilière R4). Le projet vient de lui. Ensuite, ensemble, on a poussé l’idée plus loin. Ma mission, c’est de permettre au R4 d’atterrir, de se réaliser.» Une gageure qui en effrayerait plus d’un: «Je n’ai rien d’une kamikaze. Au contraire, je suis prudente, j’analyse, je travaille beaucoup. Gérer des situations difficiles est inhérent à mon métier.»

Mère de deux grands enfants (de 27 et 25 ans), épouse, entrepreneuse, cette femme aux multiples racines née à Casablanca n’éprouve pas le besoin de cloisonner sa vie pour s’épanouir au quotidien. «Le monde professionnel a toujours empiété sur le privé. Je n’ai jamais établi de séparation drastique entre les deux, ni ressenti de tiraillement. Pour moi, il s’agit d’une donnée de base.» Alors qu’on l’imagine dopée à l’action, à l’adrénaline, on se demande si le mot farniente peut entrer dans son vocabulaire: «Je ne suis pas suractive. Si je m’active, c’est parce que j’ai des tâches à accomplir. Il est vrai que je ne déteste pas travailler dans l’urgence, bien que je considère que l’état d’urgence permanent est à éviter car fatigant. J’aime les choses musclées, denses. Je crois que tout projet nécessite de l’élan, il faut donc maintenir un rythme, une rapidité. Mais à part ça, je n’ai pas peur de l’inaction. Je peux ne rien faire et j’adore lire.» Sur ce lien intense qu’elle entretient avec la prose, l’aventurière nomade ajoutera sobrement: «A mes yeux, la littérature, c’est l’art suprême».

Le pays qui lui ressemble «Concrètement, il n’y en a pas réellement un, plutôt un mélange. Je dirais que c’est la Suisse mais avec un climat du Sud.»

Son casting du repas idéal «Robert Badinter pour son combat contre la peine de mort, Epictète (philosophe stoïcien), les écrivains Jean Echenoz et Raymond Carver.»

Son livre de chevet «Je viens de terminer «L’Effondrement» de Francis Scott Fitzgerald. Je lis en rafale, intensément, ou pas du tout. Trois pages par jour, ce n’est pas pour moi.»

Les qualités qu’elle aime «Ce qui me touche et me parle chez autrui: la bienveillance (rire) et l’intelligence, une aptitude très importante pour moi.»


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