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Michelle Williams sublime Marilyn
Elle a osé. Et au vu des nominations et récompenses – Meilleure actrice aux Golden Globes 2012 – elle a eu raison. Se glisser dans la peau de Marilyn Monroe a ainsi réussi à Michelle Williams, la Jane rebelle de la série TV pour ados Dawson et la parfaite Alma de Brokeback Mountain. Il faut dire que l’Américaine, à 31 ans, a déjà seize ans d’expérience professionnelle.
C’est une femme qui a toujours voulu faire du cinéma et qui s’en est donné les moyens. Une enfance dans le rude Montana, une jeunesse tout près de Hollywood, un papa encourageant… et la jeune fille a réalisé ses rêves. Jouer Marilyn, incarnation de LA femme, et dont on célèbre cette année les 50 ans de la mort, c’est évidemment un très joli coup.
FEMINA Comment avez-vous réussi ce challenge d’entrer dans la peau de Marilyn?
MICHELLE WILLIAMS C’est le résultat d’observation, de lectures et d’exercice. Chez moi, devant ma télé, j’ai vu et revu ses films, et écouté ses interviews. J’ai lu en outre des dizaines de livres avant de m’entraîner devant mon miroir. Marilyn avait une manière unique de parler, de marcher, de regarder les gens qui croisaient son chemin mais aussi de faire bouger sa bouche.
Qu’avez-vous découvert qui vous ait particulièrement surprise?
Que Marilyn n’était pas cette star de Hollywood devenue une figure culte en quelques années. Son image publique ne correspond pas à la réalité. La comédienne s’était créé un personnage qu’elle jouait 24 heures sur 24. Un vrai déguisement… Mais elle avait tant construit son rôle que personne ne pouvait s’en rendre compte à moins d’avoir accès à son intimité. Tout en elle était étudié à la perfection.
Vous dites pourtant que Marilyn est un exemple pour toutes les femmes…
Il y a tellement de sujets sur lesquels elle a été incomprise. Elle s’est mariée à 16 ans avec un homme plus âgé pour fuir son enfance difficile. En luttant pour son indépendance, elle a été à sa façon une féministe avant l’heure. Mais elle vivait dans un monde d’hommes qui l’ont tous utilisée sans se soucier de la femme qu’elle était.
Que pensez-vous que Marilyn a apporté à la cause féministe?
Marilyn a fait voler en éclats l’idée de la femme soumise. Alors que la quasi-totalité des femmes s’obligeaient chaque soir à se coucher, au sens biblique du terme, auprès de leur mari, elle joue à l’objet de fantasme sexuel. Cela avait un petit goût d’interdit.
Qu’avez-vous appris en tant que femme en incarnant Marilyn?
Je vais vous donner un truc de filles que j’ai appris grâce à Marilyn et que toutes vos lectrices vont pouvoir essayer si elles s’entraînent un peu! Le plus important dans le corps de la femme n’est ni ses yeux, ni sa bouche, ni sa poitrine ni sa taille. Non, le plus important, ce sont ses mains! Ce que Marilyn bougeait pour attirer le regard des hommes ou l’œil de la caméra, c’était ses mains, doucement, d’un point à l’autre de son visage puis le long de son corps. Et tout le monde suivait ses mains, comme envoûté. Il m’a fallu des mois de pratique mais je pense avoir maîtrisé ces mouvements.
Dans «My Week with Marilyn», vous incarnez trois Marilyn. La star, l’actrice en plein tournage, la femme. Laquelle des trois a été la plus difficile à jouer?
Pour moi, il y avait une seule femme que je devais saisir dans sa globalité si je voulais coller à sa personnalité. Mais cela a été compliqué d’assimiler ces trois facettes. Cela a été un processus long et contraignant. C’est comme si je m’étais trouvée devant quelqu’un qui souffrait de personnalités multiples.
Résumons peut-être le film «My Week with Marilyn»…
Il s’agit d’une adaptation des mémoires du réalisateur anglais Colin Clark. Celui-ci était assistant sur le tournage du film The Prince and the Showgirl de Laurence Olivier. Clark a une idylle avec Marilyn alors qu’elle est mariée à Arthur Miller.
A force de vous mettre dans la peau de cette icône, n’avez-vous pas vécu des moments étranges?
Un jour où je sortais de ma loge entièrement habillée en Marilyn et que je marchais vers le plateau en répétant son rire, je me rappelle avoir compris quelque chose. Il y avait là plusieurs hommes autour d’un camion, et ils m’ont regardée. Longtemps. J’ai senti leur regard qui me suivait. A cet instant, j’ai saisi le plaisir que Marilyn ressentait à attirer l’attention des hommes.
De quelle manière avez-vous réussi à sortir Marilyn de votre esprit après le film?
Mais elle est toujours en moi! Je me surprends encore à écouter ses chansons sur mon iPod. Je crois que j’aurais du mal à l’oublier à présent.
Est-elle devenue votre fantôme?
Vous ne croyez pas si bien dire. Le plus extraordinaire est que nous avons travaillé dans les mêmes studios que ceux où Marilyn a tourné The Prince and the Showgirl, c’est-à-dire aux studios Pinewood près de Londres. Ma loge était celle qu’elle utilisait durant son tournage. Et la maison de Parkside qui se trouve dans notre film est aussi celle que Marilyn a louée durant son séjour anglais.
Comment vous y êtes-vous prise pour calquer votre voix sur la sienne?
J’ai eu un coach vocal qui m’a aidée à comprendre la manière de respirer de Marilyn. Je ne suis pas chanteuse et je n’ai pas chanté depuis l’âge de 10 ans. J’ai dû donc apprendre à transmettre les émotions à travers la voix, de la même manière qu’elle le faisait dans ses chansons.
Vous avez été nominée aux Oscars et vous avez gagné un Golden Globe et Spirit Awards de la Meilleure actrice pour votre performance. Une belle reconnaissance…
Si mon travail est apprécié, c’est formidable. Mais je cherche avant tout à faire des films qui m’offrent de beaux défis et dont je peux être fière.
Ryan Gosling, qui était votre partenaire dans «Blue Valentine» vous compare à Brigitte Bardot. Pourrait-elle être votre prochain personnage après Marilyn?
Je ne pense pas avoir les mêmes attributs physiques qu’avait Brigitte Bardot durant sa carrière cinématographique (elle rit).Mais voilà une autre femme qui a été incomprise dans les années 50 et 60. Comme Marilyn, elle était vue uniquement comme un objet, alors qu’elle a prouvé après qu’elle avait la force, l’intelligence et le courage de changer le monde à sa façon, c’est-à-dire en défendant les animaux bien avant que cela ne soit un sujet d’actualité. Je crois que si Marilyn avait survécu, elle aurait marqué notre génération dans bien d’autres domaines que celui du cinéma.
Et qui est la vraie Michelle Williams qui se cache derrière ses personnages?
Cela, je fais tout pour le garder secret! Ma plus belle récompense, c’est lorsque l’on me confond avec mes personnages. Cela veut dire que j’ai bien fait mon job.
Vous tenez à élever votre fille de 6 ans, Matilda, loin de Hollywood. Pourquoi?
Le bonheur de ma fille est plus important que toute ma carrière et le reste de ma vie. Si un projet de film perturbe mon quotidien avec ma fille, je préfère le refuser. Et si une personne n’est pas capable de m’accepter comme mère avant tout, elle n’a rien à faire dans ma vie.
Est-ce vrai que vous ne souhaitez pas que Matilda fasse du cinéma?
Il faut avoir une bonne carapace pour supporter qu’on vous dise non, qu’on vous rejette, ce qui est le quotidien de tous les acteurs. Ce rejet laisse des marques à vie et je ne souhaite cela ni pour ma fille ni pour aucune des personnes que j’aime. C’est l’un des travers les plus dangereux du show-business et il est à l’origine de toutes sortes d’excès.
Mais vous, pour vous lancer, vous n’avez pas hésité à demander votre émancipation à 15 ans…
Oui, c’est vrai, j’ai quitté la maison à 15 ans pour m’installer à Los Angeles… J’ai toujours revendiqué mon indépendance. Surtout, j’avais besoin d’être émancipée pour pouvoir travailler. Ici, si un acteur est mineur, les producteurs ont l’obligation d’engager un professeur ou un baby-sitter, ce qui représente des frais supplémentaires... C’est grâce à mon émancipation que j’ai décroché la série Dawson. Je n’avais que 16 ans, alors que tous les autres acteurs avaient 18 ans ou davantage. J’ai sans doute raté l’opportunité d’avoir une bonne instruction et je n’ai pas fait d’études. Mais finalement, mon choix m’a permis de faire l’apprentissage de mon métier durant six ans à la télé avant de passer au cinéma. A 31 ans, je peux comptabiliser déjà plus de 10 000 heures devant les caméras. C’est pas mal! Je suis toutefois souvent frustrée par mon manque de culture. Alors je lis énormément pour m’instruire toute seule!
Si je vous demande une chose qui a totalement changé en vous depuis que vous êtes maman, quelle est la première qui vous vient à l’esprit?
La cuisine! J’étais incapable de préparer un plat aussi simple qu’une omelette avant d’être maman. J’ai passé des années à me nourrir de barres de protéines en guise de dîner car je n’avais rien dans mon frigo. Aujourd’hui, je m’oblige à faire des efforts pour ma fille.
«My Week With Marilyn», Réalisé par Simon Curtis, avec Emma Watson, Kenneth Branagh, Eddie Redmayne et Michelle Williams. En salle dès le 4 avril 2012.
Michelle Williams: actrice prolifique
Avant de la découvrir en Marilyn, on connaissait Michelle Williams pour son rôle au cinéma dans Le secret de Brokeback Mountain d’Ang Lee. C’est sur le tournage de ce film qu’elle a rencontré l’acteur Heath Ledger, le père aujourd’hui décédé de sa fille. Depuis, l’Américaine qui a commencé sa carrière en jouant dans des séries TV (dont la fameuse Dawson) a tourné dans 9 films dont Shutter Island de Martin Scorsese, et Blue Valentine de Derek Cianfrance: son rôle de Cindy lui a valu d’être nominée au titre de Meilleure actrice aux Oscars 2011.