Peur à Gaza
Malak Mattar: «Quand l’armée israélienne bombarde, on peut sentir sa colère»
A 21 ans, Malak Mattar est une jeune artiste palestinienne de Gaza, étudiante en Turquie. Elle est revenue dans l’enclave côtière sous blocus israélien pour passer le Ramadan avec sa famille restée à Gaza, des réfugiés, expulsés de force lors de la création de l’Etat d’Israël en 1948. La jeune femme a commencé à peindre après la guerre de 2014, une manière de panser ses blessures. Mais depuis presque deux semaines, alors que l’armée israélienne bombarde Gaza, elle vit avec l’angoisse de ne pas survivre. Interview.
FEMINA Comment réussit-on à tenir à Gaza en ce moment?
Malak Mattar Je ne sais pas, ce sont des moments extrêmement difficiles. Quand l’armée israélienne bombarde, on peut sentir leur colère, leur violence, c’est comme s’ils prenaient leur revanche. Ce n’est pas comme s’ils visaient une maison et qu’ils partaient, il y a parfois des salves de frappes par cinquantaines et ça continue chaque jour, chaque nuit. Depuis le début, je n’ai pas réussi à dormir en continu. Il y a le son des bombes, toujours trop prêt, celui des drones, en permanence, et mon quartier est touché. Les tours qui ont été détruites sont à cinq minutes à pied. Vivre à côté de la mer, où les bateaux tirent aussi, c’est vraiment comme si on était encerclés.
Et il n’y a pas d’endroit sécurisé à Gaza, pas d’abris, rien. Alors chaque mort recensé, chaque civil, c’est comme si c’était notre perte aussi.
Quel est votre sentiment ces derniers jours?
La peur. C’est le sentiment dominant. La perte d’espoir, aussi.
En tant qu’artiste, il m’est presque impossible aussi de trouver le matériel dont j’ai besoin. Même le gérant du magasin me disait que les artistes abandonnent, ici. On sent vraiment que tout le monde est visé, que la vie de tous les habitants est affectée, d’une manière ou d’une autre.
Qu’est-ce qui vous a poussée à la peinture?
Grandir à Gaza, c’est très compliqué, c’est grandir dans une zone de guerre. Les bombardements, la situation d’urgence, c’est quelque chose auquel on s’est habitué quotidiennement. En 2008, par exemple, je passais mes examens de fin d’année quand il y a eu des frappes israéliennes. On a dû quitter l’école, on pensait qu’en arrivant à la maison tout allait être terminé, mais ce n’était en réalité que le début d’une guerre sanglante, qui m’a laissé de nombreux dommages psychologiques comme des difficultés à parler ou à communiquer.
Ça a été encore plus compliqué en 2014: la guerre a duré 51 jours, mon quartier a été presque entièrement détruit, la maison de ma grand-mère aussi et mon voisin a été tué. Alors, en grandissant, j’ai commencé à me découvrir et à explorer ce côté artistique. J’ai commencé à peindre ma vie à Gaza, à documenter le siège, la guerre et tout ce dont on a besoin. Car à Gaza, nous sommes privés de nos droits les plus basiques, comme la liberté de mouvement et même d’expression.
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