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La pilule du lendemain dans les écoles suisses?

La pilule du lendemain, ou NorLevo
© DR

Déjà mise à disposition des adolescents dans les collèges et les lycées de l’Hexagone depuis sa commercialisation en 1999, la pilule du lendemain, ou NorLevo, devrait bientôt être distribuée gratuitement dans les infirmeries des universités. C’est en tout cas la teneur du décret signé par la ministre de la Santé Marisol Touraine au cours du mois de juillet, qui veut ainsi répondre à la précarisation rampante de la population étudiante.

Visant à minimiser les risques de grossesses après une relation sexuelle non protégée – le terme «lendemain» est restrictif puisqu’il peut s’agir des cinq jours suivant le rapport – ce médicament demeurait jusqu’ici payant pour toutes les personnes majeures, un passage par la case portemonnaie qui s’accompagnait également d’un détour obligatoire par le cabinet d’un médecin pour une consultation.

Pourtant du côté de la Suisse, le paysage semble bien différent. Adoptée trois ans plus tard que chez ses voisins français, la contraception d’urgence y demeure cloîtrée entre les murs des pharmacies, des plannings familiaux et des centres médicaux, tandis que les jeunes filles de moins de seize ans désirant y faire appel sont soumises à des conditions spéciales.

Faut-il s’alarmer de ce qui apparaît comme un retard criant, voire un archaïsme desservant le droit des femmes? Etat des lieux en compagnie du Dr Olivier Julen, médecin chef de clinique en gynécologie-obstétrique et responsable de la consultation de contraception à l’Hôpital Cantonal Universitaire de Genève.



Vendue dans les pharmacies françaises depuis plus de dix ans, accessible gratuitement dans les infirmeries des collèges et lycées, la pilule du lendemain pourrait prochainement être disponible au sein des universités de l’hexagone, comme l’a laissé entendre la ministre de la Santé Marisol Touraine. Saluez-vous cette initiative?

Oui, tout à fait. Si elle est délivrée par un personnel soignant qualifié, associé aux messages de prévention et de suivi médical, cela est évidemment approprié de la proposer dans les centres scolaires ou universitaires. Le but est d’offrir une contraception d’urgence, avec un suivi et un conseil préventif aux patientes qui commencent à avoir des pratiques sexuelles et chez qui on peut avoir un peu plus fréquemment des oublis et des accidents. D’ailleurs, on constate que ce recours est plus répandu chez les jeunes adultes que chez les femmes de 40-50 ans, car l’acquisition d’un moyen de contraception régulière est en phase de progression, même si d’une manière générale toutes les tranches d’âge sont concernées.

En Suisse pourtant, cette même pilule n’est pas disponible dans les écoles. Est-ce regrettable selon vous?

Je trouve qu’il est juste de se poser la question. Une concertation pourrait être proposée entre le Département de l’instruction publique et le Service de la santé et de la jeunesse pour voir s’il y a effectivement un avantage à distribuer la pilule du lendemain dans ces lieux. Pour ma part, la réponse est fondamentalement oui, cela permettrait un accès encore plus aisé à la contraception d’urgence et ainsi favoriser le dialogue avec les services infirmiers des écoles, des universités, tout comme la promotion des moyens contraceptifs à long terme. En attendant, cette pilule est disponible dans les centres de santé sexuelle et de planning familial, au service d’urgence des maternités, chez les gynécologues praticiens et dans les pharmacies.



Mais les jeunes filles de moins de seize ans doivent préalablement consulter un médecin afin de se voir délivrer cette pilule, condition qui n’est pas en vigueur chez nos voisins français. Pourquoi cette exigence, alors qu’outre-Jura, dès 13 ans environ, les écolières peuvent y avoir accès directement auprès d’une infirmière d’établissement?

Parce qu’un adolescent est majeur sexuellement dès 16 ans et est alors supposé capable de mieux comprendre les enjeux résultant de rapports sexuels. En-dessous de cet âge, les jeunes ayant des pratiques à risque devraient bénéficier d’un conseil plus appuyé. Celui-ci, associé à la dispense d’une contraception d’urgence, peut permettre de recadrer ou protéger des personnes pas toujours au faîte des conséquences de relations sexuelles dites à risques, sur le plan de leur intégrité corporelle, des maladies infectieuses et des grossesses non désirées. Cependant le but premier d’une telle contraception est d’être accessible dans les meilleurs délais, au public le plus large, afin d’être réellement efficace dans la prévention.

Au fond, cette restriction d’accès de la pilule en-deçà de l’âge de seize ans n’aurait-elle pas un fondement davantage idéologique que véritablement pratique? Autrement dit, les décideurs feintent-ils d’ignorer que des jeunes gens ont des relations sexuelles avant cet âge et qu’ils sont de ce fait eux aussi susceptibles d’avoir recours à cette pilule?

Je ne connais pas les tenants et les aboutissants des discussions qui ont présidé à la création de ce protocole, mais je ne dirais pas qu’il s’agit d’une décision idéologique. Cela dit, il n’est pas interdit aujourd’hui de questionner sa pertinence et de le revoir.

Cette pilule du lendemain est-elle aujourd’hui suffisamment entrée dans les mœurs, au même titre que la pilule contraceptive classique ou le préservatif? Les patientes y pensent-elles systématiquement lorsque la situation l’exige?

Notre message est, je l’espère, assez clair sur ses conditions d’utilisation. Il ne s’agit pas d’une méthode contraceptive mais d’une pilule d’urgence après un rapport sexuel à risque de grossesse. Elle n’est pas assimilable à contraception régulière, puisque selon les statistiques, et en fonction de la précocité avec laquelle on prend le NorLevo, l’efficacité est en moyenne de 70 %. Dans près d’un tiers des cas, la personne tombe enceinte, ce qui est loin d’être aussi satisfaisant qu’un contraceptif recommandé. Cette pilule du lendemain reste néanmoins une mesure d’urgence précieuse que nous essayons vraiment de rendre visible, compréhensible et accessible. Les patientes à qui nous prescrivons des plaquettes de pilules pour la première fois sont ainsi informées sur son existence, et reçoivent des supports d’information à son sujet. Mais pour l’instant en France, selon une étude, seulement 11% des femmes potentiellement à risque de grossesse non désirée ont recourt à la contraception d'urgence. Une plus large utilisation de ces méthodes permettrait d’éviter une grande partie des grossesses non désirées et, idéalement, de faire aussi diminuer le nombre de demandes d’IVG.



Pour certains, instituer la gratuité de la pilule du lendemain pourrait justement constituer un bon moyen de faire baisser le nombre d’avortements, qui coûtent souvent plus chers qu’une simple pilule. Que pensez-vous de ce point de vue?

Les demandes d’interruption de grossesse sont assez stables depuis ces dix dernières années malgré la promotion et le développement des moyens de contraception, qu’elles soient régulières ou d’urgence. Cependant avec le temps, le recours plus systématique à ces pilules du lendemain devrait permettre de faire diminuer le nombre d’IVG. C’est sur l’information à la population de l’existence de ces méthodes qu’il convient de travailler. Et en cas de doute, même aussi infime soit-il, mieux vaut demander conseil et opter pour une méthode de contraception d’urgence dans les 3 jours suivant le rapport à risques.

On trouve désormais une «pilule du surlendemain» en France, manifestement plus performante que la pilule d’urgence connue jusqu’ici. La Suisse va-t-elle bientôt l’adopter à son tour?

Une demande d’autorisation de commercialisation a été déposée auprès de Swissmedic, l’institut Suisse des produits thérapeutiques, mais aucune information concernant une éventuelle mise sur le marché ne m’a été communiquée. Selon les travaux effectués jusqu’à ce jour, cette pilule se révèle en effet plus efficace, mais présente quand même plusieurs inconvénients, à commencer par son coût, puisqu’elle est vendue à un prix d’environ 30 euros en France. De plus, cette nouvelle pilule est uniquement distribuée sur ordonnance médicale, donc moins facilement accessible. Et puis on ne connaît pas encore bien les effets sur une contraception prise en parallèle, ni sur le risque de malformation dans le cas où une grossesse serait menée à terme malgré la prise de ce traitement. A priori, ils sont inexistants, mais le recul sur l’utilisation clinique ne permet pas de garantir l’innocuité de manière absolue en cas d’échec de cette mesure d’urgence. En attendant, comme pour tout nouveau médicament, un programme de surveillance a été mis en place dans l’Hexagone, afin de suivre toutes les grossesses survenues après la prise de la pilule du surlendemain.

La France serait-elle donc moins précautionneuse en autorisant si rapidement sa mise sur le marché?

Non, cette décision est l’aboutissement d’un long processus garantissant la sécurité et l’effet thérapeutique d’un médicament. Depuis le 24 septembre 2009, c’est l’Agence Européenne du médicament qui a autorisé la commercialisation de cette nouvelle pilule. Certains Etats, dont la France, ont toutefois pris les devants en la mettant rapidement sur le marché, et d’autres pays du continent vont suivre prochainement, à commencer par l’Allemagne et le Royaume-Uni.

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