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Jérémie Kisling nous donne rendez-vous au théâtre de Vidy où il répète son spectacle, dont plusieurs soirées sont déjà complètes. Il nous confie ses doutes sur son métier d’artiste et raconte sa nouvelle vie à Paris.

FEMINA Bonjour Jérémie, comment ça va?
JEREMIE KISLING Ça va… Mieux! L’année passée a été difficile. Mon disque était prêt mais dans ce métier, il y a des périodes de latence compliquée à gérer. J’en ai profité pour préparer le spectacle que je vais jouer à Vidy, et continuer à écrire, des nouvelles chansons, pour moi mais aussi pour d’autres artistes…

Justement, qu’est-ce qui se passe dans ce spectacle?
La partie concert sera très folk, avec beaucoup de guitare, mais agrémentée d’une bande-vidéo que j’ai créée en visionnant énormément de vieux films américains des années 30 à 50, des films de George Cukor aux comédies musicales un peu plus tard. Certains de mes morceaux seront ainsi synchronisés avec des passages de ces films qu’on a remontés pour qu’ils collent avec la musique. J’ai voulu que la vidéo apporte quelque chose de supplémentaire, un peu de rêve, de cet esprit très léger mais aussi très poétique qui régnait à cette époque.

Et le public écoute religieusement assis?
On verra comment cela se passe mais normalement, pendant mes concerts, le public interagit. Ce n’est pas une pièce de théâtre. J’ai plus de plaisir si les gens ont déjà pris le temps d’écouter mon album, de s’approprier mes chansons et qu’ils les reprennent avec moi!

Que représente le quatrième album dans la vie d’un artiste?
Chacun le vit sûrement différemment. Le marché du disque a tellement changé depuis le moment où j’ai commencé que forcément je me pose plus de questions. J’ai traversé une période de doutes assez difficile. C’est pour cela qu’il s’intitule «Tout m’échappe», parce que j’ai essayé de me libérer des pressions que je me mettais et de me concentrer sur ce dont j’avais envie. Je me suis ré-intéressé à ce qui se passe autour de moi, au monde qui défile devant mes yeux. J’ai appris à lâcher prise. Avec des chansons comme «Le Monde avance», j’ai voulu montrer qu’avec des petits riens, on peut faire évoluer le monde à notre manière. Pas besoin d’être un homme politique, un artiste très connu ou un décideur. Avec un peu de grâce, de joie, de sentiments, parfois quelques notes de musique, on peut faire changer les choses et rassembler les gens autour de mêmes valeurs, de mêmes émotions. J’ai eu envie de faire un disque qui renoue avec l’humanisme d’un Brassens, même si je n’ai pas le même talent, ou la compassion d’un écrivain comme Albert Cohen, mes maîtres à penser.

On a l’impression que ce disque parle moins de l’amour et des filles…
On ne peut pas me classer dans les chanteurs romantiques! Il y a quelques morceaux dans mes précédents albums sur les relations de couple mais je n’écris pas de chansons d’amour basiques. Le mot amour est complètement absent de mes deux premiers disques. Ce dernier est plus ouvert sur le monde en général…

Pas romantique mais un peu nostalgique quand même?
Non, je ne crois pas! Il y a toujours eu de la mélancolie chez moi. Sur les photos de moi bébé, j’ai le regard un peu ailleurs… J’essaie quand même d’avoir plus de légèreté dans mon rapport au monde, même si la vie est rude. Mais je ne suis pas assez vieux pour être nostalgique! Il n’y a pas de période de mon enfance que je regrette. Je suis attaché à un mode d’écriture parfois enfantin, surtout présent sur «Le Ours», un jeu entre des choses très profondes et parfois très légères. J’aime bien rebondir sur des événements graves mais les décrire avec un petit peu de luminosité, d’espoir, aussi dans ma manière de chanter. Maintenant on est d’accord, je ne fais pas du Bastian Baker.

Poète aussi?
Je ne pourrais jamais le dire tel quel, parce que c’est prétentieux! Pour moi, la poésie est un but en soi, vers lequel on tend. C’est dire le plus de choses avec le moins de mots possible. Je donne des ateliers d’écriture, c’est ce que j’essaie de transmettre aux gens qui les suivent. Dégraisser ce qu’ils font, garder l’essentiel, c’est ça le plus dur. Si on dit tout, tout le temps, on fait du Bénabar, où est la part de poésie ou de rêve là-dedans?

Vous vivez vraiment à Paris?
Oui!

Vous ne pouvez pas lire Femina alors?
Non, mais je le connais! Et j’aime bien les magazines féminins. J’ai grandi avec trois sœurs, ça aide! Ça m’intéresse, comment ça marche. Cela m’inspire aussi. Sur l’album, il y a d’ailleurs une chanson où je prends le point de vue d’une femme, «Je suis de celles». J’avais envie de parler de ces filles célibataires de 35, 40 ans, de la pression qu’elles ressentent par rapport à la maternité, à cette idée de merde imposée depuis tout petit qu’il faut avoir un foyer, un mari, un chien. Ce modèle fait souffrir beaucoup de gens et pourtant il n’est plus adapté à notre société individualiste.

Et comment ça se passe à Paris, vous ne vous sentez pas trop déraciné?
J’avais besoin de m’isoler pour écrire. C’est vrai qu’à Paris, c’est dur d’entretenir des relations, mais culturellement, ça bouge tout le temps, et j’ai rencontré des personnes très intéressantes. Dans ma tête, je reste Lausannois mais je me plais à Paris. Certes, vivre à Lausanne est meilleur pour le moral, mais j’ai envie de me battre jusqu’au bout, je sais que c’est là-bas que ça se passe. Ces deux dernières années, j’ai sacrifié beaucoup de choses, j’ai vécu des moments assez durs de doutes, de remises en question. J’ai d’ailleurs souffert de gros problèmes de dos, à ne plus pouvoir attacher mes chaussures…

On vous croise quand même souvent à Lausanne, notamment à la plage de Lutry!
Ah oui mais la plage de Lutry, c’est mon rayon de soleil… Je suis un déprimé de l’hiver, alors l’été, j’ai besoin de me rattraper! Ce métier m’a pris beaucoup de temps et rapporté peu d’argent, donc je ne suis quasiment jamais parti en vacances depuis 10 ans. L’été, enfin, les deux mois où il fait beau, j’en profite ici! J’ai en effet fait de nombreux allers et retours en 2012, comme je le disais, une année de latence. Je n’ai plus de pied-à-terre lausannois, j’aimerais bien mais je n’ai pas les moyens. J’ai un petit appart très chouette dans le 14e, à Alésia. Bon, il faut s’habituer aux dimensions parisiennes: 35 m2, bien loin des 300 m2 de la ferme où j’ai grandi.

Vous y êtes donc bien installé? Il y a une amoureuse là-dessous?
Pas cette fois! Je suis allée deux fois à Paris pour une fille mais ça n’a jamais marché! Je suis célibataire mais je ne sais pas s’il faut le dire, je ne crois pas être un bon parti! En même temps, je ne cherche pas activement. Enfin bref. Maintenant je vis pour ma musique. Mais si je tombais amoureux, j’en serais très heureux.

Plus d'infos

Paroles et Musique, Jérémie Kisling, Chapiteau Vidy-L, du 29 janvier au 3 février 2013, location 021 619 45 45, www.vidy.ch

CD «Tout m’échappe», sortie le 25 janvier 2013 (distr. Irascible), morceaux en écoute sur la page Facebook de Jérémie Kisling, www.facebook.com/jeremiekisling

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