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Une silhouette de Vénus atrophiée, une poupée Barbie qui aurait perdu deux tailles… Voici comment on dépeint Zahia lors de ses défilés en tant que modiste. L’ancienne prostituée, devenue célèbre depuis le scandale sexuel ayant éclaboussé l’équipe de France de football, a bien du mal à se forger une image crédible sous les projecteurs. Et ce alors même qu’elle vient de présenter sa troisième collection (le 23 janvier 2013).

Mais comment une femme mise en avant pour une activité n’ayant plus rien à voir avec le plus vieux métier du monde peut-elle se laisser résumer à sa plastique? Marylène Lieber, professeure associée en sociologie et spécialisée en études genre à l’Université de Genève, a son avis sur la question. «Cette révolution des sexes qui verrait la frontière entre l’homme et la femme vaciller est un leitmotiv très actuel, mais dans la réalité il n’y a pas tant de bouleversements dans les rôles complémentaires attribués à l’un et à l’autre.

Si le modèle de la masculinité a tendance à évoluer, celui de la féminité, assez figé, demeure caricatural et entravant.» Conséquence: on scrute le parcours des femmes avec une grille de lecture encore teintée de sexisme et de morale religieuse, dont les principaux critères se limitent à l’apparence, la vertu ou la date de naissance affichées. Et qu’importent leurs œuvres, elles semblent n’être jamais à la hauteur.

Toujours un détail pour faire tiquer les observateurs, avec pour conséquence des découragements, des chutes parfois, au seul prétexte que telle ou telle incarnation de la féminité n’est pas assez neutre. Cerise coiffant cet indigeste gâteau? La norme définissant cette féminité «acceptable» prendrait un aspect de plus en plus restrictif au fur et à mesure que s’acquiert une dimension d’autorité. «On se montrera plus exigeant envers une femme politique, comme avec toute femme qui évolue dans un univers réputé masculin», analyse Marylène Lieber.

Féminité et pouvoir

Pour Stéphanie Pahud, linguiste à l’Université de Lausanne et auteure d’un Petit traité de désobéissance féministe, on juge les femmes avec les mêmes critères qu’un mannequin, à travers un regard confinant à la violence. «Il y a une idée d’incompatibilité entre la vraie féminité et le pouvoir. Comme s’il fallait se racheter d’avoir quitté la sphère du féminin traditionnel.»

Parmi les inquisiteurs improvisés, les hommes, bien sûr, mais aussi les intéressées en personne, influencées par un discours ambiant n’appelant pas à sortir des cases toutes faites. «On en vient à croire qu’une femme de 50 ans bien dans sa peau est obligatoirement déguisée en minette avec un grand décolleté», s’agace la psychologue et essayiste Sophie Marinopoulos. Fatalité due à notre mentalité collective? Pas sûr: «Le constat général n’est pas si sombre. Cela ne fait qu’un demi-siècle que l’émancipation a commencé, on sort à peine de l’enfance! Le moment viendra où l’on aura de nouveaux modèles: des filles courageuses, à qui on a envie de ressembler car elles ne cherchent qu’à être elles.»

Et si on arrêtait de dire...

… Qu’elles confondent raison et sentiments

Concilier travail et vie privée lorsqu’on est une femme… Exercice difficile en soi et encore davantage quand les autres le décrètent impossible. Pour preuve, le dossier Audrey Pulvar. Depuis la révélation, en 2010, de son idylle avec Arnaud Montebourg, cette figure des médias français n’a plus connu de long fleuve tranquille. Ecartée d’i>Télé, de France Inter, puis de France 2, sans cesse placée sous des feux nourris lors de son passage aux Inrockuptibles, son salut pour regagner une image intègre a reposé dans la séparation d’avec son compagnon.

En 2007 déjà, la journaliste Béatrice Schönberg, star du JT de 20 h après avoir gravi les échelons du métier, était priée de s’en aller pour cause de mari nommé ministre. Jean-Louis Borloo, à qui elle avait dit oui en2005, rejoignait le gouvernement Sarkozy. Raison invoquée? La présentatrice perdrait son objectivité. S’il est légitime de poser la question du conflit d’intérêts, cela fait quelques lunes que ces dames peuvent penser et voter librement sans subir la tutelle de l’époux, non?

… Qu’elles ont des mœurs légères

Chez les filles, la frontière de la sexualité atypique semble bien plus rapidement franchie. Il suffit que s’affirme un désir charnel, une attirance sans velléités de procréation ou de devoir conjugal à honorer, pour qu’on donne l’impression qu’elles sont sorties des clous. Kristen Stewart, icône à la peau de Blanche-Neige de Twilight, en a fait l’expérience, après la diffusion planétaire d’un bisou par une lèvre n’appartenant pas à son boyfriend Robert Pattinson. Orchestrée comme un procès collectif, l’attention médiatique s’est moins focalisée sur l’infidélité du bellâtre que sur celle de l’actrice, censée nourrir une fascination de tous les instants pour son sex-symbol de compagnon.

Demi Moore, pour sa part, est étiquetée couguar immature depuis son mariage avec un Ashton Kutcher de quinze ans son cadet. Sa douloureuse rupture, en 2012, a sonné dans les bouches médisantes comme un châtiment prévisible.

Et que dire de Zahia, créatrice de lingerie tentant de s’imposer en dépit d’un passé plutôt encombrant? Souvenez-vous, la prostituée mineure qui s’offrit comme cadeau d’anniversaire au footballeur Franck Ribéry, c’était elle…

… Qu’elles doivent tout dire sur leur vie intime

Demander son âge à une femme? Il paraît que c’est de la dernière goujaterie. Mais s’enquérir de ses émois amoureux ou de ce que recèle son utérus, si possible devant plusieurs millions de témoins retranchés derrière leur télévision, semble autorisé. L’un des derniers exemples en date s’est déroulé un samedi soir sur le plateau de Laurent Ruquier, ou la Suissesse Xenia Tchoumitcheva s’est, une fois de plus, vue interroger sur sa relation présumée avec le pilote de Formule 1 Fernando Alonso. Ah la gent féminine, quel formidable terrain de jeux pour les rumeurs de tout poil…

Et ce n’est pas non plus Jennifer Aniston qui dira le contraire. Source de tous les fantasmes de la presse people qui croit lui voir un joli ventre rond tous les quarts d’heure, l’ex-Friends girl a même tourné ces ragots en dérision à l’occasion d’un clip. Et l’on n’ose évoquer les conséquences désastreuses de ce genre de questions avec le cas de l’infirmière de Kate Middleton…

… Qu’elles ont le goût du luxe

Attention, la haute couture et autres pierreries facettées doivent être reniées par toute femme se voyant confier les rênes d’un quelconque pouvoir ou reconnue comme une autorité intellectuelle. Sous peine de passer pour une imposture incarnée. Pourquoi? A vrai dire personne n’en sait rien, mais c’est comme ça. Chez nous, Micheline Calmy-Rey s’est ainsi régulièrement vu reprocher un look ne faisant pas assez dans le registre de l’austère.

Quant à Rachida Dati, gonflée à bloc d’ambition – ce qu’évidemment on lui reprocha – quand elle accéda au poste de ministre de la Justice en 2007, elle fut (encore pire), analysée, décryptée et disséquée sous l’angle de son penchant pour la belle toilette. Axe de lecture qui surpassa tous les autres, même pour juger de sa politique. D’ailleurs, éloignée de la grande scène politique en partie à cause de cette réputation, l’ancienne garde des Sceaux doit aujourd’hui supporter une double peine puisque l’intérêt général sur la question de l’identité du père de sa fille surpasse celui qu’on devrait logiquement porter sur son passage au gouvernement.

… Qu’elles doivent être jeunes et jolies

Oui, nous abordons ici un épais chapitre dans le catalogue des jugements handicapants pour les femmes. Et ce n’est pas un scoop. Pour réussir sous les projecteurs, ou du moins marquer les esprits, présenter un âge avantageux de même qu’une plastique transcendante semble être la figure de style imposée. Et gare à celles qui oseraient contrevenir à cette supplique. Illustration? Dans les années 80 et 90, les sous-vêtements très volatils d’une Madonna prenaient une dimension transgressive et artistique. A 54 ans (seulement), on trouve soudain la performance insipide et pathétique. Bref, quel qu’ait été leur degré de rayonnement passé, les dames évoluant en dehors des critères précités se voient souvent, et inexorablement, dépossédées de tout discours crédible.

Susan Boyle, la chancelière allemande Angela Merkel ou Eveline Widmer-Schlumpf font régulièrement les frais d’attaques sur, pêle-mêle, leur physique, leur physique, ou encore leur physique… Et leurs compétences respectives n’y changent rien. Le comble? On trouve parfois à redire à celles qui cumulent les bons points: Elodie Gossuin, Miss France puis Miss Europe, a eu le bien discutable privilège de faire les gros titres après qu’on l’a tout à coup soupçonnée, à l’instar d’Amélie Mauresmo, d’être en fait un… homme.

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