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Je ferai de mon mieux pour soutenir mon épouse dans ses nouvelles fonctions.» La phrase est de Roland Hausin, mari de Doris Leuthard, lorsqu’elle est devenue conseillère fédérale en 2006. C’est à peu près tout ce qu’il a dit sur le sujet. Il a rapidement été classé dans la catégorie des «maris discrets», à l’instar de celui d’Eveline Widmer-Schlumpf ou de celui de Micheline Calmy-Rey en son temps. Quant à Lukas Hartmann, marié à la présidente de la Confédération et auteur réputé outre-Sarine , il a préféré décliner notre demande d’interview. Depuis l’accession de sa femme, Simonetta Sommaruga, au Conseil fédéral, l’écrivain ne s’exprime publiquement sur son épouse qu’à doses homéopathiques.

Moqués par l’opinion

«Je ne suis pas convaincue que ces hommes soient réellement «discrets». Peut-être qu’ils voudraient s’exprimer, mais ils font le choix de se taire pour ne pas commettre de bourdes, parce qu’ils savent que leurs propos ne vont pas forcément être retranscrits comme ils le souhaiteraient», analyse Sonja A. Buholzer, qui coache cadres et dirigeants politiques au sein de son cabinet de conseil Ves talia Vision, à Zurich. Il est vrai que la presse n’est pas tendre avec les princes consorts. Marié à Angela Merkel, la chancelière fédérale de l’Allemagne, Joachim Sauer est régulièrement malmené pour son refus de jouer le jeu médiatique. Si l’opinion a parfois ricané devant l’affection manifeste qui unit Didier Burkhalter à son épouse, Friedrun Sabine, elle n’est pas prête pour autant à voir une femme ministre avec un mari tout sourire constamment à ses côtés.

Il y a les conseillères fédérales, et les autres. Même si, comme le rappelle Sonja A. Buholzer, «un grand nombre de femmes qui font carrière, notamment dans les affaires, sont célibataires et élèvent seules leurs enfants». Les femmes puissantes «font fuir les hommes», décrétait le psychothérapeute Willy Pasini dans le magazine «Bilan» cet été. «La raison est qu’elles séduisent activement, avec de la volonté, et se demandent pourquoi cette stratégie leur réussit dans le monde du travail, mais pas avec les hommes», affirmait-il dans le mensuel romand. «En Suisse plus qu’ailleurs, on a de la femme de pouvoir une image un peu désuète. Comme si sa visibilité mettait en péril le couple, la famille», contre l ’ingénieure Françoise Piron, qui a fondé l’association lausannoise Pacte pour promouvoir la place des femmes dans l’économie.

D’autant que tous les hommes des femmes puissantes ne se ressemblent pas. «Vous avez celui qui va dire: «Regardez comme elle est belle, ma femme.»; C’est d’eux-mêmes qu’ils sont fiers, c’est une question d’ego, explique Françoise Piron. Cela reste une vision machiste. Il y a aussi ceux qui se sentent déstabilisés, mis en compétition par le succès de leur épouse. Enfin, et heureusement, il y a des maris discrets, mais vraiment présents dans la vie de leur femme, qui la soutiennent réellement. Le plus important, c’est ce qui se passe au sein du couple, pas l’image qu’il donne.»

Un soutien essentiel

Outre-Atlantique, des études ont tenté de définir les profils des femmes faisant carrière et de leur couple. Selon une enquête menée par le Center for Women and Business de l’Université du Massachusetts, «les catégories sont fluides, mais incluent en général les «late bloomers», qui font carrière sur le tard, après avoir élevé les enfants; les «power couples», dont les deux partenaires occupent un poste important; et les «breadwinners», dont le salaire est plus important et dont les époux ont un poste moins exigeant».

Un sondage mené par la George Washington School of Business Center for Entrepreneurial Excellence a montré que sur 270 femmes faisant une belle carrière le soutien du partenaire était essentiel pour la moitié d’entre elles. «Sans le soutien de mes compagnons successifs, je ne serais pas arrivée là où je suis aujourd’hui, souligne l’entrepreneuse biennoise Babette Keller-Liechti, 51 ans, à la tête de Keller Trading. Je suis devenue mère à 20 ans. Avec le père de mes quatre enfants, nous avons toujours pris les décisions en commun. Quand ma carrière a décollé, j’ai pu compter sur son aide pour faire les courses, les repas. Et puis il m’a conseillée, confortée, poussée... A cette époque-là, oui, c’était exceptionnel.»

«Je pense, poursuit Babette Keller-Liechti, qu’il faut un homme fort à côté d’une femme forte. Il est certain que les voyages, les absences ont contribué à la fin de mon histoire avec mon premier mari. Il n’était pas question de jalousie, nous nous sommes simplement éloignés. Nous méritions tous deux autre chose. Mais nous sommes restés en bons termes puisqu’aujourd’hui, il travaille avec moi.» Il y a cinq ans, elle a refait sa vie avec un entrepreneur. «C’est moi... en homme! Lui aussi travaille beaucoup, donc je ne culpabilise pas de rentrer tard. Entre nous, il n’y a pas de lutte de pouvoir, ce n’est pas un bras de fer. Par contre, j’ai dû apprendre à redevenir sa femme à la fin de la journée, dans le sens où je ne dois pas systématiquement tout décider. Il lui a fallu de la patience.»

Place aux négociations

Les choses changent. Aux Etats-Unis encore, une recherche récente de la Wharton School of Business de l’Université de Pennsylvanie a montré que les nouvelles générations étaient plus conscientes des difficultés à jongler entre le travail et la vie de famille. Maris ou compagnons sont de plus en plus nombreux à accepter que leur femme s’engage beaucoup dans son travail. Rédactrice en chef adjointe de l’actu télé à la Radio Télévision Suisse, Nathalie Ducommun souligne l’importance du dialogue. «Quand j’ai dû prendre des décisions pour ma vie professionnelle, il a fallu à chaque fois que je négocie avec mon mari (ndlr: professeur en HES). Il m’a bien fait sentir que je ne pouvais pas prendre ces décisions seule, et c’est bien normal puisque ma réussite professionnelle dépend de sa flexibilité. Une fois les termes de ce contrat tacite entre nous établis, je peux compter sur son soutien indéfectible. Il ne s’agit pas d’inverser les rapports de force, que la femme décide de tout, mais bien de trouver un nouveau modèle de fonctionnement.» Ce qui n’est pas toujours facile.

Responsable du risk management auprès de la Centralschweizerische Kraftwerke AG, principale entreprise de services énergétiques de Suisse centrale, Elena Vdovina Beck jongle entre sa carrière et sa maisonnée fribourgeoise composée de trois enfants de 12, 8 et 3 ans. Il y a peu, la jeune femme de 35 ans a décroché un poste de cadre supérieur à temps plein essentiellement basé à Lucerne. Son mari travaille à 80% en tant qu’ingénieur agronome à Berne. «Sans son soutien, dit Elena, il est clair que je n’y arriverais pas. C’est lui qui prend soin de la famille quand je reste à Lucerne deux nuits par semaine. C’est sportif comme organisation, d’autant que nous avons un rythme de vie assez frénétique.» «De par ma formation (ndlr: docteur en génie électrique), je savais que j’avais pas mal de chances de faire carrière dans un environnement professionnel exigeant, poursuit la jeune femme, arrivée en Suisse il y a quinze ans pour un doctorat à l’EPFL. Et puis mon travail constitue une source de revenu très important pour notre famille. Jamais mon mari ne m’a reproché de trop travailler. Il peut nous arriver de nous disputer pour des broutilles, comme le ménage ou l’organisation de nos agendas respectifs, mais toujours dans un esprit d’ouverture et d’égalité. J’ai la chance d’avoir épousé un homme moderne, qui n’a pas de préjugés.»

Accord win-win

Cet homme moderne, c’est Jörg Beck, 46 ans. «Bien sûr, c’est stressant, mais je suis également fier de pouvoir m’occuper de ma famille, dit-il. Quand ma femme part, elle sait qu’elle peut compter sur moi. Tout le monde est gagnant.» Ces temps-ci, poursuit-il, «la carrière d’Elena est importante pour elle, elle doit beaucoup s’impliquer dans son travail, alors je prends plus de responsabilités à la maison. C’est donnant, donnant: un jour, ce sera peut-être mon tour», sourit-il. Sa famille, Jörg la voit, dit-il joliment, «comme les différents éléments d’un mobile. Notre organisation change constamment, c’est un réajustement permanent.» Il refuse de se voir comme une exception, préférant souligner que «ces dernières années les choses ont beaucoup changé. Quand je me charge des enfants le jeudi, je vois beaucoup de jeunes pères avec des grappes d’enfants, c’est fantastique! L’acceptation sociale autour de rôles plus fluides est plus grande qu’avant.»

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