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Femme et blanche, la rappeuse Iggy Azalea bouscule le monde du hip-hop

L'Australienne de 24 ans, dont le premier album «Fancy» a été publié il y a neuf mois, est en lice pour quatre Grammy Awards, les prestigieuses récompenses américaines de la musique populaire remises le 8 février à Los Angeles. Elle a notamment été nommée pour le meilleur album de l'année. Elle a reçu une multitude d'accolades du monde musical et remplit des stades, mais ses détracteurs ne manquent pas et lui reprochent d'être étrange voire même offensante: une femme blanche qui rappe avec un accent de femme noire américaine. Sa plus virulente critique est l'Américaine Azaelia Banks, une chanteuse noire de 23 ans qui a accusé Iggy Azalea de se moquer des Afros-Américains et l'a affublée du surnom «Igloo Australia».

L'Américaine, qui n'a jamais été nommée aux Grammys, a reproché à sa consoeur australienne de ne pas aborder les problèmes de la communauté noire comme la brutalité policière : «Quand ils décernent ces Grammys, ça envoie ce message aux enfants blancs: Oh ouais, vous êtes géniaux, vous êtes fantastiques, vous pouvez accomplir tout ce que vous voulez.» «Et ça dit aux enfants noirs: Vous avez que dalle, vous possédez que dalle, pas même ce que vous avez créé pour vous-mêmes», a affirmé sur une radio Azaelia Banks, qui a immigré aux Etats-Unis lorsqu'elle était adolescente pour devenir rappeuse.

«Il y a beaucoup d'artistes noirs qui réussissent dans tous les genres. Si tu n'as pas réussi, c'est à cause de ton attitude pourrie», a rétorqué Iggy Azalea sur Twitter.

Audience féminine blanche

Le hip-hop est devenu un phénomène mondial depuis sa naissance dans les rues de New York dans les années 1970, et Iggy Azalea est loin d'être une pionnière du rap blanc. Eminem, le rappeur le plus vendu de tous les temps, est blanc, tout comme le sont Macklemore et Ryan Lewis, le duo qui a gagné quatre Grammys l'année dernière. Mais ce qui est plus inhabituel, c'est qu'Iggy Azalea est une femme. Or aucune femme, quelle que soit la couleur de sa peau, n'a frôlé les niveaux de ventes des hommes, souvent connus pour leurs paroles misogynes.

Pour James Braxton Peterson, un spécialiste du hip-hop à l'université Lehigh (Pennsylvanie, est), l'audience américaine était à majorité blanche (et surtout masculine), ce qui signifie qu'Iggy Azalea a réussi à séduire une audience féminine blanche. «La culture hip-hop est une forme d'art afro-américaine qui, comme le jazz et le blues et toutes les formes d'art avant elle, a transcendé ses origines», a-t-il ajouté, estimant irréaliste de freiner la mondialisation du hip-hop. Ce genre musical est devenu une force politique importante dans le monde, que ce soit en France, au Ghana ou encore à Gaza.

Authenticité remise en question

Mais Iggy Azalea s'est attiré la rancoeur de certains rappeurs qui l'accusent de faire appel à des auteurs. Or, dans «le hip-hop, si quelqu'un d'autre écrit vos paroles, ça soulève beaucoup de questions d'authenticité», a expliqué M. Peterson. Lorsque la trinidadienne Nicki Minaj avait lancé l'an dernier «quand vous entendez Nicki Minaj cracher, Nicki Minaj l'a écrit», certains observateurs y avaient vu une critique de la rappeuse australienne. Ce que la jeune femme de 32 ans avait réfuté, félicitant Iggy Azalea pour son succès.

Reste qu'il est impossible de savoir si cette dernière aurait obtenu le même succès en gardant son accent australien. Les rappeurs britanniques The Streets et London Posse ont bien réussi à s'imposer malgré leur accent d'outre-Atlantique, mais pas avec la même ampleur qu'Iggy Azalea. Et ses paroles sont décortiquées. Elle s'est excusée pour s'être qualifiée d'«esclavagiste en fuite», expliquant qu'il s'agissait d'une expression métaphorique et non raciste. À l'instar de nombreux rappeurs, la jeune femme se projette dans sa musique. Dans la chanson «Work», elle s'épanche sur ses difficultés à percer dans l'industrie du hip-hop.

Très active sur Twitter, la rappeuse a récemment fait part de son irritation que des étrangers essaient «de définir comment je devrais me comporter ou ce qui est authentique pour moi». «Je suis moi-même, aussi étrange que je puisse être, chaque jour».

«Fancy» d'Iggy Azalea:

Getty
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