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Eddie Izzard à l’attaque de la Suisse
Quand il s’agit de le décrire, aucune flatterie ne semble trop flagorneuse: «Trésor national» pour les uns, «roi de l’univers» pour les autres, les Anglo-saxons trouvent aussi qu’il est «le plus drôle des humoristes». Ils ont raison. Comique brillant, décalé et furieusement amusant, Eddie Izzard a l’humour absurde et le débit d’une mitraillette. Pas étonnant qu’il fasse mouche. Depuis une vingtaine d’années, il a signé neuf one-man-show et rempli le Madison Square Garden, le stade de Wembley ou encore le Hollywood Bowl. Il a aussi joué son dernier spectacle, Stripped, en français à Paris des semaines durant. A guichets fermés. Car le bonhomme aime se produire hors anglophonie. Et il le prouve: entre mars et juin 2013, la tournée de son nouveau spectacle, Force majeure, fera escale notamment dans les pays baltes, en Russie, Scandinavie ou ex-Yougoslavie. Au total, une soixantaine de dates, dont trois en Suisse: les 25 et 26 avril 2013 à Genève, et le 27 à Zurich. Malgré un titre français, ce nouveau one-man est en version anglaise. Mais Eddie Izzard, lui, donne volontiers ses interviews dans la langue de Molière. Dont acte.
FEMINA Pensez-vous que l’humour anglais est universel?
EDDIE IZZARD Je ne pense pas qu’il y ait un humour britannique ou français, mais un humour grand public et un autre alternatif, comme il existe des groupes de musiques ou un cinéma mainstream et un autre plus décalé et branché dont les Monty Python ou les Simpson sont un exemple. Enfin, c’est ma théorie! Les Monty Python ont été une grande influence pour moi. Avec leur humour très surréaliste, à la fois intelligent et stupide, ils ont ouvert la route. Quel que soit le pays où je joue, je dois donc chercher le public qui aime cet humour plus fin, car avec le public mainstream, mes spectacles ne marchent pas. Nulle part.
L’humoriste français Pierre Desproges disait qu’on peut rire de tout mais pas avec tout le monde. Vous êtes d’accord?
C’est probablement vrai. Je pense qu’on peut faire de la comédie sur n’importe quel thème. Le sujet n’est pas très important, c’est ce qu’on en fait qui compte.
Trouvez-vous que l’humour décalé est plus riche que l’humour grand public?
Oui. Dans mon nouveau spectacle, Force majeure, je peux parler à la fois du sacrifice humain, du Seigneur des anneaux, des JO, des dieux grecs, du Tour de France… Ce sont des thèmes universels.
Quand vous vous produisez devant un public non-anglophone, vous adaptez le texte?
Non. J’essaie simplement de parler à 90% de ma vitesse normale. Pour que ma prononciation soit claire. C’est un bon exercice, car même pour les Britanniques, de temps en temps, je parle trop vite et je n’articule pas. C’est un problème. Mais je ne change rien aux sujets que je traite. J’ai créé le spectacle pour un public alternatif, alors si ça marche à Riga, ça marchera aussi à Moscou et à Katmandou. N’importe où.
Vous vous êtes déjà produit en français et en anglais, et prévoyez de le faire l’an prochain en allemand et en espagnol. Jouer dans différentes langues, est-ce une façon pour vous d’être un «vrai» Européen?
Un peu. Je suis un ami de l’Europe et j’aime beaucoup l’idée que nous cherchions une façon de fonctionner ensemble. Pour moi, c’est le futur. Je voudrais créer des liens entre les 7 milliards de personnes qui vivent sur la planète. Les politiciens d’extrême droite, comme Le Pen en France, cherchent au contraire à couper ces ponts entre les pays. Moi, je veux reconstruire nos liens et les rendre plus forts. J’aimerais aussi apprendre l’arabe car je suis né à Aden, au Yémen.
Pour vous, faire de la scène est donc une façon de faire de la politique, alors?
Oui, mais dans mes one-man-show, je ne parle pas de ce que David Cameron, Barack Obama ou François Hollande ont fait car au bout d’un mois, la situation aura totalement changé. Et après cinq ans, ça datera tellement qu’on ne saura plus de quoi je parle. Je préfère garder la politique pour plus tard, car je prévois de briguer le poste de maire de Londres en 2020. Je terminerai ma carrière d’acteur en 2019. Je continuerai peut-être à faire des spectacles pour récolter de l’argent pour des œuvres caritatives ou pour le parti travailliste, mais pas pour moi car, en tant que maire, je gagnerai déjà un salaire. Ce serait la première fois de toute ma vie que je toucherais un salaire.
Si vous deviez décrire Eddie Izzard à quelqu’un qui ne vous connaît pas, que diriez-vous?
Eddie Izzard est un Européen britannique et travesti hétéro qui fait de la comédie intelligente et stupide à la fois, très influencé par les Monty Python, et qui peut aussi courir un ou deux marathons à la suite.
Ce sont beaucoup de paradoxes.
Oui, mais je suis une personne du troisième millénaire.
Dans «Force majeure», votre nouveau one-man-show, que reste-t-il du Eddie Izzard travesti?
Dans le spectacle, je suis habillé en homme, mais je porte des talons, un peu de maquillage et du vernis à ongles à l’effigie du drapeau britannique sur une main et européen sur l’autre. Je suis un homme lesbien. Comme un garçon manqué. J’ai une part féminine, c’est dans mon ADN, mais je suis hétéro. L’ADN, c’est comme la donne au poker. Moi, j’ai reçu les cartes «travesti», «coureur de marathon», «comique», «comédien dramatique» et «hétéro».
La quinte flush royale!
(Rires.) Oui!
Cela vous énerve que l’on croie que vous êtes gay sous prétexte que vous vous habillez parfois en femme?
A priori, ça semblerait logique que je sois gay. Mais je ne comprends pas cette association.
John Cleese, membre des Monty Python, dit de vous que vous êtes «le Python perdu». D’autres vous décrivent comme une référence, un génie. Comment vivez-vous tous ces compliments?
Les Monty Python sont des dieux pour moi. Ado, je répétais leurs sketches. Alors entendre John Cleese dire ça, c’est formidable!
Votre maison de production s’appelle «Ella Communications», du deuxième prénom de votre maman morte d’un cancer alors que vous n’aviez que 6 ans. C’est donc vrai que les clowns sont tristes, comme le prétend un dicton français?
Non, je ne suis pas triste. De temps en temps seulement. Je suis confiant et tourné vers l’avenir.
Où le voir?
Dans son nouveau spectacle, «Force majeure», les 25 et 26 avril 2013 à l’Arena de Genève, et le 27 avril 2013 au Hallenstadion de Zurich, 20 h. Billets: www.ticketcorner.ch
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