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Elles ont en commun la passion. Et l’énergie pour mener tambour battant deux professions. Poussées par les aléas de l’existence, ou portées par un choix longuement mûri, elles ont décidé à un moment de leur vie de tenter le tout pour le tout, et de s’offrir le «poste idéal» pour enfin s’épanouir professionnellement. Quitte à travailler davantage, à faire le «grand écart» entre deux lieux et deux univers, et sans nécessairement gagner plus.

Encore au stade embryonnaire, cette tendance à la «bi-professionnalisation» pourrait s’accentuer dans notre société où le fossé entre les valeurs du «tout productif» et les aspirations à une vie conciliant le privé et le professionnel se creuse chaque jour un peu plus. Mais pour y trouver son compte, pour éviter surtout les écueils inhérents à ce type d’emploi du temps, une organisation ultracadrée est indispensable. C’est l’un des aspects que l’on découvre en explorant le parcours et les motivations de quatre femmes qui ont fait de cet équilibrisme un mode de vie.

(C) Sarah Carp«Loin de toute routine, on apprend à se surpasser»

Monique Chevalley, 51 ans, propriétaire d’un Bed & Breakfast et guide-interprète du patrimoine.

Le moment clé Elle l’a baptisé «La vie en rose». Une façon de marquer la transition et de se la faire belle, sa vie. Oui, parce qu’en 2006, lorsque Monique décide d’ouvrir son B&B à Bâle, sa ville d’adoption depuis un quart de siècle, c’est un peu pour faire un pied de nez à ce destin qui l’a poussée à quitter une profession qu’elle aime, le journalisme. Vingt ans de passion balayés d’un coup. Et soudain les doutes qui émergent. Un coaching plus tard, la voilà repeignant en bleu, rose, orange et vert, sous la baguette délurée de l’artiste tessinoise Ivana Falconi, les pièces de sa demeure située à quelques mètres de ce Rhin majestueux qui traverse la cité bâloise.

La double idée «C’est en démarrant au même moment une formation de guide-interprète du patrimoine que l’idée m’est venue d’ouvrir un B&B et de combiner les deux activités», explique-t-elle. Alors que des clients du monde entier affluent dans son nid rhénan joyeusement kitsch, cette native de Saint-Aubin (NE) redécouvre le patrimoine bâti et naturel des cantons du Jura et de Neuchâtel. Et se pique au jeu! Visites guidées, en costume d’époque, pour voyager dans le temps dans les rues de Neuchâtel, randonnées en raquettes au clair de lune sur les crêtes jurassiennes.

Le grand écart «J’ai parfois l’impression de faire le grand écart en passant d’une activité à l’autre», concède celle qui est également guide officielle de la ville de Bâle. Pour pouvoir tout gérer, Monique engage une personne, et son ami la rejoint dans la gestion du B&B, passé de trois à cinq chambres. Le matin, après la préparation des petits-déjeuners, elle peut ainsi revêtir son habit de guide et prendre la route: «Si j’étais seule, je ne pourrais pas concilier les deux activités. J’aime accueillir les gens dans mon B&B, avec son décor particulier. Je suis un ancrage pour eux. C’est très gratifiant. En tant que guide, par contre, je deviens une sorte de médium reliant les touristes à leur environnement. Un peu comme lorsque j’étais journaliste. Sauf que, au lieu d’être dans l’ombre seule face à mes mots, je suis dans l’arène en relation directe avec le public.»

La recette «Ce qui compte, c’est de bien cloisonner les activités, pour ne pas disperser son énergie. Changer de lieu, de rôles, parfois dans la même journée, cela s’apparente un peu à une gymnastique intellectuelle et physique. Mais en même temps, vivre loin de toute routine, ça pousse à se surpasser. C’est vivifiant!»

(C) Sarah Carp«J’ai besoin que ça bouge»

Marie Glauser, 34 ans, organisatrice d’événements et chargée de relocation pour expatriés.

Un lieu, deux fonctions Avec sa luminosité et ses plafonds hauts, le bureau de style loft de la société Ohmytime est à lui seul une invitation à prendre le temps. Celui des rencontres, d’un pays à découvrir, de projets à venir. Un espace dans lequel sa directrice Marie jongle entre deux métiers depuis cinq ans déjà: d’un côté, l’organisation d’événements en entreprise, de l’autre, la relocation d’employé(e)s expatrié(e)s ainsi que la prise en charge de leur quotidien. «Si je devais me cantonner dans un seul de ces domaines, je pense que je m’ennuierais. J’ai besoin que ça bouge.»

Un parcours atypique Aujourd’hui maman d’une petite fille, Marie a, en effet, beaucoup bougé. Après un passage express en biologie à l’Université de Neuchâtel, elle fait un crochet d’un an à Oxford où elle perfectionne son anglais, pour se tourner, à son retour, vers la mode via l’Ecole d’art de La Chaux-de-Fonds. Ses titres en poche, elle change de voie, devenant assistante de direction dans une entreprise pharmaceutique internationale. Durant deux ans, elle doit, entre autres, organiser des événements et assurer l’arrivée de collaborateurs étrangers, vrai casse-tête pour les entreprises.

Le double projet Aspirant à plus de responsabilités, elle décide d’exploiter le créneau en se créant un poste combinant ses deux passions: les relations humaines et la créativité. Ohmytime voit le jour en 2008. «Concernant les expatriés, je suis habituellement mandatée par les entreprises pour leur montrer le pays. Accueillir des gens venant du monde entier, leur faire découvrir la Suisse, trouver un lieu de vie, les accompagner ensuite, pour moi, c’est un des aspects privilégiés de mon travail. Et puis, j’adore l’anglais, le mélange des cultures. Avec l’événementiel, je suis plus dans la créativité, dans la gestion d’équipes aussi. J’adore organiser, planifier, trouver les idées qui feront la différence.»

Une imbrication sereine «Les deux activités empiètent rarement l’une sur l’autre. Dans la relocation, le travail se fait en flux continu tout au long de l’année, au travers d’une approche «familiale». L’organisation d’événements par contre demande un engagement plus soutenu et plus intense, sur des délais plus serrés.» Son secret pour tenir? «De l’organisation, mais surtout de la passion. C’est important d’aimer ce que l’on fait, sinon, on s’essouffle.»

(C) Sarah Carp«Chaque activité se nourrit de l’autre»

Corinne Juvet, 50 ans, propriétaire d’une boutique-atelier de décoration et directrice d’une école de danse.

Une nouvelle vie Dans sa «petite manufacture », nichée au cœur de la vieille ville de Neuchâtel, Corinne s’active avec ses doigts de fée pour donner vie, ici, à une écharpe en soie, là, à un sac aux tissus voluptueux, un peu plus loin, à un coussin aux couleurs chatoyantes. A croire qu’elle a toujours fait ça. Pourtant, c’est bien une nouvelle vie qu’elle a entamée il y a un peu moins d’une année. Jusque-là, elle partageait son temps entre son métier d’enseignante et son école de danse, l’entre2danse, à Cressier (NE). Et puis, la vie, les envies, un local qui se libère au bon endroit, et c’est une autre danse qui a pris forme dans la tête de celle qui est aussi professeure et chorégraphe.

Une double passion «J’ai décidé d’ouvrir ma boutique-atelier sur un coup de tête. Ce n’était pas un rêve de petite fille mais plutôt une opportunité, celle d’un nouveau départ.»Avec un pincement au cœur, cette maman de trois jeunes adultes met fin à trente ans d’enseignement pour partager son temps entre ses deux passions, la couture et la danse. «L’école, la danse, la couture, tout a toujours été imbriqué», se rappelle celle qui avoue «palpiter» aussi bien devant un beau spectacle que dans un magasin de tissus. «Petite, j’aimais déjà coudre. J’ai continué en concevant les costumes de mes spectacles de danse, en créant des foulards ou objets de décoration pour mes amis, les amis de mes amis…»

Une évidence Au fil du temps, Corinne se tisse un réseau de clients. Et réalise que ses créations plaisent au-delà du cercle intime. Et si elle en vivait? «C’est un nouveau métier, ce qui est à la fois difficile et génial. Il faut tout apprendre, que ce soit au niveau administratif ou relationnel.» Elle avoue ainsi avoir eu peur de manquer d’énergie pour tout mener de front: «Il était exclu que je délaisse mon école de danse. C’est une affaire qui roule, grâce à la contribution d’une équipe super de sept professionnels.»

Des activités complémentaires Pour ne pas se disperser, Corinne a regroupé ses cours sur un seul jour de la semaine. Le reste du temps, elle le passe à sa boutique. «Je ne pourrais pas dire ce que j’aime le plus. Que ce soit dans la danse ou la couture, ces activités me remplissent. D’ailleurs, chacune se nourrit de l’autre, tout en ayant sa propre vie. Dans mon école, je ne fais pas de pub pour ma boutique et vice-versa.»Un petit bémol toutefois: «Ne pas savoir ce que l’on gagne à la fin du mois, c’est difficile. Mais en même temps, c’est un coup de vif dans mon quotidien, qui a gagné en intensité.»

(C) Sarah Carp«Côtoyer des univers différents nous ouvre au monde»

Béatrice Devaux Stilli, 53 ans, directrice d’une école de langues et sexothérapeute.

Un riche parcours Femme d’affaires et ancienne politicienne, Béatrice a longtemps cru que sa voie était toute tracée: «La première fois qu’on m’a conseillé de devenir thérapeute, je me suis dit: ça ne va pas la tête!» A l’époque, mère de deux ados, cette native d’Orvin (BE) démarre une carrière politique et concrétise son rêve d’indépendance: elle reprend à 42 ans la direction du Wall Street Institute à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds (à Bienne aussi depuis trois ans). «Avec le recul, je me dis que c’était suicidaire. J’avais beaucoup trop.»Pour éviter le burnout, elle se tourne vers les thérapies douces. S’ouvrent alors les portes d’un monde qui va la passionner: analyse et réinformation cellulaire (A.R.C), soins auriques, états modifiés de conscience.

Une révélation La patiente devient élève, enchaînant les formations. Mais la découverte du tantra, alliant corps et spiritualité, la bouleverse: «La sexualité m’a toujours intéressée. On parle peu du plaisir et du désir. Pourtant, cela fait partie de notre vie. Quand on ne laisse pas circuler cette énergie sexuelle, de vie, on a des problèmes physiques.»Elle décide d’aller plus loin. Une année de formation post-grade à Paris plus tard, la voilà sexothérapeute. Depuis, à raison de quelques heures par semaine, elle range son habit de directrice pour recevoir ses patients dans son cabinet, L’Instant Présent, à Orvin.

Des activités complémentaires «Ces deux occupations me permettent de trouver un équilibre entre mon côté masculin et féminin. Etre tout le temps dans mon cabinet, ça n’irait pas. Dans une thérapie, on ne peut avoir le projet de guérir quelqu’un, on est un outil pour les personnes qui tendent vers un mieux-être. C’est un don de soi. Or je suis une entrepreneuse. J’aime gérer une équipe et avoir des projets. Côtoyer des univers si différents, c’est fantastique et enrichissant. Cela nous ouvre au monde et nous permet de relativiser. Ça se complète aussi: ce que j’ai appris dans la relation thérapeute patient, je l’utilise dans le cadre de mon école, et inversement. Cela demande par contre beaucoup d’énergie. Il faut avoir la capacité de passer d’un monde à l’autre et se concentrer sur l’instant présent.»

Photos: Sarah Carp

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