Cacher sa grossesse à Internet? Compliqué et très mal vu

Les femmes enceintes peuvent-elles échapper au ciblage publicitaire? Oui, mais cela demande du boulot, peut vous fâcher avec des amis sur Facebook et même vous faire soupçonner d’activités criminelles. Voilà ce qu’a démontré le mois dernier à une conférence consacrée au web une sociologue américaine qui a mené l’enquête en personne pendant les neuf mois de sa grossesse. Professeur à l’université de Princeton, Janet Vertesi était déjà consciente que toutes nos activités en ligne sont suivies, analysées et stockées.

Internet peut tout savoir

L’an dernier, un fait divers l’a décidée à passer à l’action. Vous souvenez-vous de l’histoire de cette chaîne de grands magasins américains qui avait envoyé des promotions par la poste pour femme enceinte à une adolescente? Le père, qui avait ouvert ce courrier, s’était plaint à la direction avant une discussion avec sa fille qui lui avait avoué qu’en effet... elle attendait un enfant. Sa grossesse avait été repérée par internet, car la jeune fille avait fait des recherches sur des sites spécialisés.

Donc, pendant 9 mois, Janet Vertesi, a boudé Google et utilisé le logiciel Tor qui vous rend invisible pour les entreprises d’e-commerce. Elle et son mari ont payé tous leurs achats en liquide et en bons-cadeau et ne se sont pas fait livrer leurs achats en ligne à leur domicile. Leur famille et leurs proches ont été informés par mails et téléphones et ont été sommés de ne pas mentionner le futur événement sur les réseaux sociaux.

Evidemment, cela complique la vie. Le couple Vertesi a perdu beaucoup de temps, de l’argent et surveillait constamment internet pour être sûr qu’aucun proche ne lâchait l’info à ses «amis». Quant au fait d’utiliser Tor et de toujours payer en liquide (une anomalie aux Etats-Unis), cela a donné l’impression qu’ils avaient quelque chose à cacher. Trafic de drogue? D'armes? Blanchiment d’argent? Malgré tous ces obstacles, Janet Vertesi a réussi à éviter l'avalanche de sollicitations qu'elle redoutait. Au prix d'une discipline de fer qui n'est pas à la portée de toutes. Voilà pourquoi, elle a décidé de médiatiser son expérience. En espérant que le public se mobilisera pour exiger que la protection des données personnelles soit renforcée.