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Antiféministes et féministes se font la guerre sur Internet
Depuis qu’une étude, publiée fin 2013, révélait le boom des insultes misogynes entre femmes sur la Toile, on pouvait s’attendre au pire. Eh bien soit, celui-ci vient peut-être d’arriver. Cette fois, point de noms d’oiseaux dégradants, mais une fronde 2.0 internationale contre le féminisme. La presse anglo-saxonne s’inquiétait ainsi récemment de l’ampleur prise par Women Against Feminism, un mouvement né sur le web et visiblement à l’origine de cette attaque virulente de la lutte en faveur des droits des femmes.
Tout est parti d’un Tumblr créé en juillet 2013 aux Etats-Unis, invitant les internautes féminines à poster un selfie accompagné d’une pancarte recueillant tous leurs griefs et débutant par «Je n’ai pas besoin du féminisme car…» (voir diaporama ci-dessus). D’abord passée inaperçue, la page a soudain connu un engouement sans précédent au printemps. Un compte Facebook est même apparu dans la foulée. Depuis, ce sont des internautes de toutes nationalités – et souvent très jeunes – qui se relayent pour enfoncer un peu plus le clou.
Tout va bien dans le meilleur des mondes
Problème de taille: non seulement cette critique des féministes par des femmes est contradictoire, mais elle est aussi très souvent maladroite. Pour ne pas dire complètement à côté de la plaque. Nombre de ces interventions révèle en effet la méconnaissance flagrante que leurs auteures ont du féminisme, ces dernières l’assimilant à un désir de prise de pouvoir total sur les hommes. D’autres vont encore plus loin en affirmant que l’inégalité salariale, le patriarcat ou le fléau de la violence domestique ne sont que des mythes. En outre, nul besoin de creuser beaucoup pour s'aperçevoir que religion et biologisme new age (justification des différences, comportementales et psychologiques, par le déterminisme naturel) naviguent souvent entre les lignes.
Face à ce flot de désinformation, plusieurs initiatives ont rapidement vu le jour pour contrer – ou du moins moquer – les arguments de Women Against Feminism. Dans Besoinduféminisme, parodie francophone du Tumblr américain, plusieurs internautes s’amusent ainsi à manier l’ironie sans modération. «Je n’ai pas besoin du féminisme car si mon copain m’insulte et lève la main sur moi lorsqu’il est énervé, c’est sûrement que je l’ai mérité» écrit l’une d’elles sur sa pancarte. «Je n’ai pas besoin du féminisme car j’aime quand les hommes décident pour moi ce que je dois faire de mon corps» renchérit une autre.
Plus humoristique encore, mais également plus sujet à la blague potache border line, un auteur de blog a, lui, remplacé les antiféministes par des chats. Histoire de leur faire dire toute sorte d’horreurs. «Je n’ai pas besoin de féminisme car je ne vois pas de genres. Je vois juste des opportunités de déjeuner» semble nous avouer un sphinx à l’air très innocent…
Féminisme moderne cherche auditrices
Reste que les protagonistes de Women Against Feminism, bien malgré elles, disent quelque chose d’intéressant sur les jeunes filles d’aujourd’hui. A savoir qu’elles sont féministes sans même s’en rendre compte. En prônant le respect mutuel entre hommes et femmes, en refusant d’être considérées autrement que pour leurs compétences, en se sentant assez fortes pour ne pas être mises sous tutelle de quelqu’un d’autre, elles ne font qu’approuver l’idéologie de leurs aînées. Et puis, WAF pointe peut-être aussi du doigt certains aspects du militantisme féministe contemporain le plus radical, telles les Femen, dont les performances aussi véhémentes que dénudées ont parfois pu apparaître trop clivantes, trop déconnectées du quotidien.
Faut-il que le féminisme fasse sa révolution pour retrouver le chemin des chaumières? Allez, la réponse, peut-être, dans un prochain Tumblr.