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Le Viagra n’est pas qu’une affaire de vieux. Selon une récente étude américaine publiée dans le Journal of Sexual Medecine, 8% des jeunes hommes – 22 ans en moyenne – consomment la fameuse pilule bleue destinée à traiter les problèmes d’érection. Pis: trois quarts d’entre eux se fournissent sur internet, sans ordonnance. Un phénomène exclusivement américain? Pas si sûr, estime le Dr Alain Bitton, andrologue et urologue à Genève: le besoin de performance est universel. Interview.

FEMINA En Suisse, les jeunes prennent-ils aussi du Viagra?
ALAIN BITTON Il est difficile d’avoir des statistiques précises dans ce domaine, mais selon les professionnels concernés par le problème – andrologues et sexologues – on estime que 20 à 30% des jeunes en Suisse consomment des médicaments renforçant l’érection. Y compris les moins de 20 ans.

Prendre ce type de médicament est-il risqué?
Evidemment. Le Viagra et les autres médicaments du même type sont des vasodilatateurs. Ils diminuent la pression sanguine pour augmenter l’afflux sanguin non seulement dans le sexe mais aussi dans toutes les artères. Ils sont donc contre-indiqués, par exemple, pour les hommes qui ont fait récemment un infarctus. Mais le Viagra, comme tout médicament ne tue pas s’il est bien utilisé. Le problème, c’est que les jeunes prennent aussi d’autres substances. Or, le cumul d’alcool, de coke, d’ecstasy et de fatigue en fin de soirée peut avoir des conséquences graves, surtout si le jeune en question souffre d’une légère malformation cardiaque non diagnostiquée.

Aux Etats-Unis, 75% des jeunes qui prennent la pilule bleue l’achètent sur internet.
A partir du moment où un médicament n’est pas contrôlé, il y a toujours un danger à le consommer. Le Viagra n’est pas une pilule du désir ou simplement un placebo, c’est un vrai médicament avec des indications claires et des contre-indications. Le risque majeur, avec un produit acheté sur le net, c’est qu’il ne contienne pas le bon dosage de substance active ou que l’excipient ou l’enrobage ne soit pas le même. Il peut donc y avoir un risque pour des personnes prenant d’autres médicaments ou présentant une hypersensibilité à certaines substances.

Le Viagra peut-il entraîner une dépendance?
D’un point de vue pharmacologique, non. Mais psychologiquement, c’est possible. Le Viagra améliore les performances sexuelles, même chez ceux qui ne souffrent pas de troubles érectiles. Quand on commence, on ne veut plus s’en passer. C’est comme si on roulait en 2 CV durant des mois et que tout d’un coup, on prenait le volant d’une Mercedes: on n’a plus envie de revenir à la 2 CV.

Si les jeunes consomment ce médicament, c’est pour des raisons de performance?
Je pense que oui. Les vraies dysfonctions érectiles ne commencent pas avant l’âge de 40 ou 45 ans, en général, à moins que le patient ne souffre d’hypertension ou ne soit diabétique. Je suis surpris de recevoir en consultation des hommes de 20 ou 25 ans. La plupart des jeunes qui viennent me voir ont surtout des problèmes de maturité, d’angoisse. Avoir une érection, ça rassure car cela permet de se sentir homme. Les troubles de l’érection sont révélateurs d’une impuissance plus globale. Ce n’est pas qu’un problème sexuel.

D’où vient ce manque de confiance en soi?
Depuis une vingtaine d’années, la société nous pousse à toujours être au top niveau dans tous les domaines. Sur le plan sexuel, on ne supporte donc plus d’avoir une panne. On ne se laisse pas le droit à l’erreur. Ce qui est un tort car on est humain, donc faillible. La volonté de tout contrôler génère beaucoup de maladies psychosomatiques. A cela s’ajoute le fait que le regard des femmes sur la société et sur les hommes a changé. Elles sont plus indépendantes, revendiquent leur sexualité comme un droit, comparent et choisissent.

L’émancipation des femmes y est donc pour quelque chose?
Oui, en grande partie. La femme a été très longtemps brimée, mais petit à petit elle s’est libérée de l’homme macho. Automatiquement, les rôles se sont inversés. Aujourd’hui, les hommes sont déboussolés. Ils démarrent leur vie sexuelle avec l’angoisse de la performance. Ils ont besoin d’être rassurés, or la femme, elle, ne joue plus le rôle de «l’infirmière» comme autrefois. Quand elle n’a pas ce qu’elle veut, elle s’en va. On constate d’ailleurs que la femme commence, elle aussi, à souffrir de dysfonctionnements comme les troubles du désir car elle est insatisfaite. Ou qu’elle souffre de solitude.

Cette absolue nécessité d’avoir une érection révèle une méconnaissance de la sexualité féminine, puisque 60% des femmes ne jouissent pas par la pénétration.
Je dirais qu’on est confrontés à une méconnaissance de la sexualité en général. Faut-il avoir une érection mécanique pour avoir une relation sexuelle? Pas forcément. Il y a quelques années, on flirtait, puis on passait au lit. Aujourd’hui, on a un rapport sexuel, puis on envoie un SMS à la personne avec qui on a couché pour connaître son prénom. Il faudrait réapprendre le relationnel avant la sexualité. Si l’on y arrive, peut-être réussira-t-on à soigner beaucoup de troubles de l’érection. Il y a une réelle restructuration et réflexion sur la société à faire.

Dr Alain Bitton

Urologue et andrologue, il est chargé de cours à la Faculté de médecine de l’Université de Genève dans le cadre du certificat de sexologie clinique. Son cabinet est situé à Genève.

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