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Jouir n’est plus un droit. C’est une obligation. Dans une société axée sur la performance où il faut faire l’amour toujours plus, toujours mieux, l’orgasme est devenu l’incarnation de la normalité en matière de sexe. Et gare à ceux ou celles qui ne l’atteignent pas: mauvais amants, femmes coincées, pis, frigides. Pourtant, la sexualité des femmes n’est pas celle des magazines. Ni celle des films pornographiques. Peut-on avoir du plaisir sans jouir? Pour répondre à la question, la sexologue Juliette Buffat coanime le 13 novembre 2012 un débat à Genève. Interview.

FEMINA Est-il nécessaire de jouir pendant le rapport sexuel?
JULIETTE BUFFAT Pas pour avoir du plaisir, mais pour avoir envie de recommencer. Beaucoup de femmes disent aimer faire l’amour avec leur partenaire, mais estiment que ce n’est pas grave si elles n’arrivent pas à jouir. Moi, je suis sûre qu’au bout d’un certain temps, cela devient grave. L’orgasme est la réponse physiologique à l’excitation sexuelle. Quand il manque, je pense que cela grippe un peu la machine. L’excitation ne retombe pas correctement tant qu’il n’y a pas eu de jouissance, ce qui peut entraîner une démotivation.

Les hommes considèrent-ils que le rapport est raté si la femme n’a pas eu d’orgasme?
Le souci de donner du plaisir à sa partenaire est extrêmement variable d’un homme à l’autre. Certains sont extrêmement déçus s’ils n’arrivent pas à faire jouir leur compagne et ont l’impression d’avoir raté leur mission. De plus en plus de femmes consultent parce que leur partenaire ne supporte pas de ne pas réussir à les faire jouir, que ce soit par la pénétration ou par des caresses clitoridiennes. Quand j’ai commencé la sexologie, il y a vingt ans, il était rarissime de consulter pour ça.

L’absence de jouissance met-elle à mal leur image de bon amant?
Certainement. Pour certains hommes, c’est un challenge d’arriver à faire jouir une femme et ils ont peur que, s’ils ne réussissent pas à lui donner du plaisir, elle aille le chercher ailleurs. Ils ne réalisent pas que lorsqu’une femme, en particulier jeune, n’a pas d’orgasme, c’est souvent juste parce qu’elle n’est pas assez mature sexuellement. J’entends souvent des hommes me dire: «C’est pas possible, je n’arrive pas à la faire jouir alors qu’avec toutes les femmes que j’ai connues avant, j’y arrivais!»Moi, je ne crois pas à ça. Je pense que beaucoup de femmes simulent, donc que beaucoup d’hommes se font berner.

S’il y a autant de simulatrices, est-ce dû au décalage entre la sexualité de l’homme et de la femme ou à une dictature de l’orgasme à tout prix?
Je suis convaincue qu’il y a une dictature de l’orgasme. Il y a encore quelques années, ce n’était pas si important que cela de faire jouir une femme. Aujourd’hui, la pression grandissante autour de l’orgasme entraîne une anxiété si on n’arrive pas à jouir. A l’inverse, les femmes qui n’ont pas de problème à atteindre l’orgasme ont conscience que cela a un pouvoir attractif sur les hommes. Pour la plupart d’entre nous, c’est normal qu’une femme ait du plaisir. Mais ce n’est de loin pas automatique. Si une femme atteint l’orgasme une fois sur trois, c’est déjà drôlement bien.

Dans beaucoup de domaines, la femme est devenue l’égale de l’homme. Mais elle n’est pas pour autant identique à lui.
Physiologiquement, elle ne l’est pas, c’est très clair. Majoritairement, les hommes arrivent à jouir sans problème –même si je pense qu’il y en a beaucoup plus qui ne jouissent pas qu’on ne le pense, même s’ils éjaculent. Pour les hommes, il est facile d’intégrer la masturbation car ils peuvent voir leurs organes génitaux et les toucher. Alors que pour la femme, il est beaucoup plus compliqué de se l’approprier et de la découvrir.

Il n’y a pas si longtemps, on se fichait éperdument du plaisir féminin, alors qu’aujourd’hui, il est quasi obligatoire. Comment est-on passé d’un extrême à l’autre?
Je pense que cela a à voir avec la démocratisation de la pornographie, malheureusement. Cette consommation sexuelle avec simulation de la jouissance féminine donne l’illusion qu’un mec viril est capable de ce genre de prouesses. Pourtant, des patients m’ont souvent confié qu’ils voyaient que les actrices porno faisaient semblant, et préféraient visionner des films amateurs car les filles y jouissent vraiment. Mais tous ne sont pas capables de faire la différence entre réalité et fiction.

Sur Facebook, on trouve un groupe nommé «Contre la dictature de l’orgasme durant les rapports sexuels». Il n’a que douze membres…
(Rires.)
Ce n’est pas très fédérateur, comme thème! Mais les femmes ne doivent pas négliger l’importance de l’orgasme. Pour elles-mêmes et pas seulement pour satisfaire l’autre. D’ailleurs, la plupart d’entre elles ne parviennent pas à la jouissance avec un partenaire tant qu’elles n’y sont pas arrivées toutes seules. Mais elles ont dans l’idée – merci, le prince charmant – que ce sont les hommes qui vont leur apprendre à jouir. Sauf qu’ils ne sont pas équipés pour.

Café sexologique sur le thème «Orgasme: une nécessité? Peut-on avoir du plaisir sans jouir?»,
mardi 13 novembre 2012 à 19 h à la Cité Seniors, à Genève, entrée gratuite.
Adresse et infos sur www.seniors-geneve.ch

Dr Juliette Buffat
Médecin-psychiatre et sexologue, elle exerce à Genève, où elle coanime des cafés sexologiques chaque mois. Depuis janvier 2011, elle tient une chronique sexologique sur femina.ch.

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