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SIDA. Quatre petites lettres qui ont changé notre perception de la sexualité. Entre sa découverte au début des années 1980 et aujourd’hui, cette maladie mortelle est devenue chronique, au même titre que l’asthme ou l’eczéma, à quelques détails près. Des détails à mettre entre guillemets bien sûr, car la trithérapie n’est pas un médicament comme les autres, et parce que la discrimination dont les personnes séropositives souffrent, aujourd’hui en Suisse, est loin d’être anodine.

Bien sûr, le VIH n’est plus ce constat de mort annoncée qu’il était alors. Les images de sidéens, visiblement atteints dans leur chair, sont désormais des images d’archives. En conséquence, les jeunes d’aujourd’hui ne les ont pas vues, elles n’ont pas marqué leur esprit comme celui de toute une génération précédente. Le VIH fait moins peur. On en parle moins dans les médias (sauf à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre). On n’aperçoit plus de célébrité annoncer publiquement sa séropositivité comme alors. Les dons sont en chute libre, les subventions publiques diminuent. Est-ce la faute à cette baisse d’attention? Ou, comme certains experts du domaine l’estiment, à un manque d’informations claires – et explicites – dans le cadre de l’éducation sexuelle? Quoi qu’il en soit, le constat est là. De nombreux jeunes se retrouvent aujourd’hui légèrement décontenancés face à ce sujet on ne peut plus délicat. Quitte, parfois, à véhiculer de mauvaises informations et de fausses croyances.

A l’écoute des jeunes

Marion, Alexandre et Laure, 69 ans à eux trois, en savent quelque chose. Formés par la fondation Profa à Lausanne, ils sont devenus des as de la prévention. Le trio va à la rencontre des jeunes, notamment dans le postobligatoire, afin de parler sexualité. «Souvent ces jeunes – qui ont parfois le même âge que nous! – disent qu’ils ne sont pas suffisamment informés. C’est très rare pour nous d’intervenir dans une classe où ils savent tout», note ainsi Laure. «Il y a beaucoup de lacunes, de croyances, certains nous disent que le sida, c’était une maladie des années 90, et oui, d’autres pensent qu’un vaccin existe», renchérit Alexandre. Du coup, les trois jeunes se sentent utiles, comblent des lacunes, notamment sur les moyens de transmission du virus.

«On évite de faire de la prévention par la peur, ça ne marche pas, on essaie plutôt d’instaurer un dialogue, on leur rappelle les règles du safer sex, et où ils peuvent s’adresser s’ils ont des inquiétudes.» Certes, le nombre de nouvelles infections du VIH est en baisse en Suisse, mais depuis deux ans seulement. Et celui des IST, les infections sexuellement transmissibles, a, lui, commencé à grimper. Le nombre de syphilis, dont la déclaration est à nouveau obligatoire depuis 2006, a atteint la barre symbolique du millier de cas par an. Les chlamydioses sont en hausse constante depuis 1999, passant de moins de 500 à plus de 7000 cas par an.

A quelques jours du premier décembre, et alors que la dernière campagne de l’Aide suisse contre le sida a décidé de s’attaquer en priorité à ces IST sous-estimées avec des slogans qui s’adressent directement aux plus jeunes, des médecins spécialisés dans les maladies infectieuses font la part de l’info et de l’intox dans un vrai/faux spécial moins de 20 ans.

Il existe un vaccin contre le virus du sida

FAUX Un sondage mené dans le canton de Bâle montre que 30% des jeunes pensent qu’un vaccin contre le sida existe. «J’ai vu ce chiffre, pour moi c’est clairement un échec de l’éducation sexuelle, se désole la doctoresse Alexandra Calmy, responsable de la consultation VIH/sida aux HUG. Mais je pense que cela démontre une certaine banalisation de la maladie, les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas été sensibilisés comme les générations précédentes par le décès d’un proche, ils n’ont pas vu ces images terribles à la télévision… Peut-être qu’il y a aujourd’hui une difficulté pour eux à intégrer qu’il s’agit d’une maladie grave.»

Le vaccin contre le sida, c’est pour bientôt

FAUX Au fil des années, les scientifiques ont exploré diverses voies afin de tenter de développer un vaccin, mais il leur résiste toujours. «Cela fait 10 ans que je dis que c’est pour dans 10 ans, alors je n’ose plus rien dire, poursuit la doctoresse Calmy. On est maintenant en train de repenser à un nouveau concept de vaccin, capable de générer des anticorps neutralisants, comme pour la plupart des vaccins. Alors certes il y a des espoirs, mais je trouve qu’il est difficile de prévoir un laps de temps. Disons que si c’est pour dans 10 ans, je suis encore optimiste!»

Si le préservatif craque, je peux prendre une «pilule du lendemain» contre le VIH

VRAI Il ne s’agit pas d’une simple pilule, mais d’un traitement de choc qui s’étale sur un mois. «On parle de la PEP, la prophylaxie post-exposition du VIH, explique Michael Kohlbacher, directeur de l’Aide suisse contre le sida (ASS). C’est un traitement médical d’urgence afin de prévenir une infection par le VIH après une situation à risque. Il n’est prescrit que par un médecin et après diverses mises au point. Le traitement doit commencer au plus tard 72 heures après la situation à risque, faute de quoi son efficacité n’est plus garantie. Et plus tôt on commence le traitement, mieux c’est.»

Même si je suis infecté par le VIH, je peux continuer à avoir des relations sexuelles non protégées

VRAI A la condition expresse de prendre scrupuleusement son traitement (la fameuse trithérapie) et d’être suivi médicalement pour s’assurer que sa charge virale (le taux de virus présent dans le sang) est en dessous du seuil de détection. Dans ces conditions, une personne séropositive ne transmet plus le virus. «Pour les nouvelles rencontres ou les rapports sexuels occasionnels, il est toujours recommandé d’utiliser des préservatifs», précise Michael Kohlbacher.

La trithérapie, c’est un médicament comme un autre

FAUX Avaler trois ou quatre pilules différentes deux ou trois fois par jour, c’est terminé. La médecine a fait des progrès, et beaucoup de personnes séropositives suivent un traitement simplifié, soit une pilule une seule fois par jour. «Alors oui, les traitements se sont grandement simplifiés, mais ils doivent être pris tous les jours, sans oublis. On a de la peine à imaginer ce que c’est que de prendre un médicament jusqu’à la fin de sa vie, nuance Alexandra Calmy. Maintenant, les chercheurs tentent d’évaluer des molécules dotées d’une plus longue durée d’action, comme un patch hebdomadaire, ou encore des injections mensuelles. Je rêve peut-être, mais ingurgiter même un seul comprimé par jour, ça reste astreignant.» Et si les effets secondaires de la trithérapie ne sont plus aussi difficiles à supporter qu’auparavant, ils existent encore. «Ils ne sont jamais identiques pour tout le monde. Un même médicament, très bien toléré par l’un, peut entraîner chez l’autre des effets secondaires très pénibles au quotidien, les plus fréquents étant la nausée, des douleurs abdominales et la diarrhée», explique le directeur de l’ASS.

Les IST, ce n’est pas si grave

VRAI A condition qu’elles soient soignées à temps. «Une syphilis non traitée peut avoir de graves conséquences, comme des lésions cardiaques et aortiques, du cerveau et de la moelle épinière, qui se manifestent par une altération du caractère pouvant aller jusqu’à la démence», prévient Michael Kohlbacher. Et certaines IST, comme l’herpès de type 2, peuvent se transmettre même en utilisant le préservatif. «C’est évidemment difficile de voir que ces IST sont en pleine recrudescence; autre démonstration que le message du safe sex ne passe plus si bien. Mais d’un autre côté, on peut en guérir, et on n’en meurt pas, nuance Alexandra Calmy. Je reconnais qu’il faut maintenir un discours global, parler de toutes les IST et pas seulement du VIH, mais le VIH tue si on ne se soigne pas, et l’argent disponible pour la prévention est en baisse continuelle. C’est devenu une maladie chronique, mais c’est aussi bien plus que ça.» Les patients séropositifs sont ainsi affectés par d’autres maladies, et sont par exemple vulnérables à des cancers, à des maladies rénales, hépatiques ou cardiaques.

Il y a plusieurs types de virus VIH

VRAI Il y a deux grands types de virus: le VIH1 et le VIH2. Le VIH1 est de loin le plus fréquent, on trouve uniquement le VIH2 dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest. Et au sein de chaque type, il existe plusieurs groupes, qui, à leur tour, comportent différents sous-types. «Par ailleurs, en dehors de cette diversité, certains virus ont déjà été exposés à des traitements, d’autres pas. C’est pour cette raison qu’il est important de connaître le profil exact de ce virus avant de débuter un traitement. Car si la plupart des traitements marchent pour tous les types de VIH, il est démontré qu’environ 10% des nouveaux patients infectés aujourd’hui ont un virus qui a déjà développé des résistances», souligne la doctoresse.

On ne meurt plus du VIH

VRAI L’espérance de vie d’un séropositif est quasi normale. Une personne qui se retrouverait infectée, qui n’a pas d’autre maladie liée et qui prend son traitement, peut espérer vivre de nombreuses années. Pour le docteur Matthias Cavassini, responsable de la consultation ambulatoire du service des maladies infectieuses du CHUV, quelqu’un de diagnostiqué à 20 ans aujourd’hui peut espérer vivre normalement jusqu’à 60 ans. «Je ne me bats pas pour que mes patients deviennent parents, mais grands-parents!»

Les garçons risquent moins que les filles

VRAI L’homme, pénétrant, a moins de risque de contracter le virus que la femme, réceptive. Mais les relations anales réceptives restent plus exposées au risque de contracter le VIH que les autres. «Aucune pratique sexuelle avec pénétration n’est dénuée de risque, que l’on soit un homme ou une femme», insiste toutefois la doctoresse Calmy. Il a par contre été démontré qu’un homme circoncis diminue son risque d’acquérir le VIH de près de 50%, d’où de grandes campagnes pour la circoncision dans les pays avec une forte prévalence du VIH comme l’Afrique du Sud. «Mais si un homme est séropositif, le fait qu’il soit circoncis ne protège pas la femme!»

On ne pratique pas assez de tests VIH en Suisse

VRAI Un chiffre démontre le manque de dépistage du VIH en Suisse: 30% des personnes diagnostiquées séropositives ont un taux de CD4 (des globules blancs) inférieur à 200, et sont donc considérées comme particulièrement vulnérables (une personne séronégative a un taux de CD4 compris entre 500 et 1500). «Il y a énormément de diagnostics tardifs, car il faut six à dix ans pour arriver à ce taux inférieur à 200 CD4. Cela signifie que ces gens ont circulé pendant dix ans avec un VIH sans le savoir!» s’étonne encore Matthias Cavassini. Pour sa collègue Alexandra Calmy, l’un des grands enjeux des prochaines années sera de faciliter l’accès au test et à toute la chaîne de soin. «Et cela commence par les médecins généralistes, qui ne doivent pas avoir peur de proposer le test VIH à leurs patients, certains sont vraiment frileux.»

L’éducation sexuelle a un rôle plus important à jouer

VRAI La doctoresse Calmy a un avis tranché sur la question: «Je l’ai constaté personnellement avec ma fille, qui est en dernière année du cycle. Pour moi, l’éducation sexuelle est un peu légère. Il y a un besoin d’informations sexuelles chez les jeunes, et il faut arrêter de leur parler comme à des enfants de 5 ans. Ils savent ce que c’est, ils voient des films, et même si on n’est pas d’accord qu’ils le fassent, ils le font… Je trouve que l’éducation sexuelle n’est pas suffisamment explicite, et je pense que, dans ce domaine, il faut l’être.»

Ce sont les jeunes qui ont le plus de comportements à risques

FAUX Matthias Cavassini s’inquiète davantage des mères que de leurs rejetons adolescents qui découvrent la sexualité: «Parce que ce sont elles qui ont des rapports sexuels non protégés avec leur mari! Et 62% des femmes infectées par le VIH le sont par leur partenaire stable.» Reste que la population la plus à risque, ce sont les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). «Et particulièrement les jeunes HSH, car ils ont soif de liberté, veulent des rapports sexuels, parfois non protégés, avec des gens plus âgés. Ils prennent de gros risques, sans réaliser le poids psychologique de la séropositivité… c’est quand même un sacré boulet dans une nouvelle relation affective. Mon conseil? Le dire tout de suite, quand on est bien amoureux!»

En chiffres

En 2011

  • Entre 22 000 et 29 000 personnes vivaient avec le VIH en Suisse (34 millions dans le monde).
  • 564 nouvelles infections ont été déclarées en Suisse.
  • 12 décès liés au sida ont été enregistrés.
  • Le nombre d’IST, bien qu’il soit en augmentation, reste «contrôlable». Les cas de syphilis se montaient ainsi, l’année dernière, à 1000 (en légère augmentation, mais la déclaration de cette IST n’est obligatoire que depuis 2006).

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