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La fleur de l’âge
C’est bien connu, quand on aime, on ne compte pas. Voyez Michael Douglas et Catherine Zeta-Jones: 25 ans les séparent. Paul McCartney et Nancy Shevell: 18 ans. Ou encore Claire Chazal et Arnaud Lemaire (photo): 17. Besoin d’une figure paternelle ou maternelle, argueront les uns. Envie de se sentir encore jeune, rétorqueront les autres. Truc de stars, concluront les derniers. Voilà pour les clichés. Car la société voit toujours d’un mauvais œil les couples avec une grande disparité d’âge. Selon un sondage de 2005, seuls 3% des Français pensent en effet que la différence idéale entre conjoints est de plus de dix ans. Et ce pourcentage baisse à 1% lorsque c’est la femme qui est l’aînée. Les statistiques sur le mariage le confirment: en Europe, l’écart moyen entre époux est de 3 ans. S’il n’existe aucune preuve de l’influence de l’âge sur la longévité des relations, reste qu’en partager son lit avec une personne n’appartenant pas à la même génération peut être bien plus libérateur sexuellement qu’il n’y paraît.
Depuis peu, Nadia, 38 ans, a des amants quinquagénaires. Heureux hasard qui a fait prendre à sa vie sexuelle une tournure inédite. «Avec les hommes de mon âge, j’ai toujours l’impression de marcher sur des œufs. Si je leur demande de tester quelque chose de nouveau, je me dis qu’ils vont débander ou me prendre pour une cochonne. Là, non. J’ose plus exprimer mes désirs et je me fiche de ce que l’autre va penser. Je me dis qu’à la cinquantaine, on est un grand garçon. A 20 ans, on est coincé, à 30, on veut une famille, à 40, on vient d’en faire une, alors qu’à 50, on n’a plus rien à prouver. On est plus libre dans sa tête, on profite de la vie.» Sans compter que, l’expérience aidant, les hommes mûrs ont une meilleure connaissance du corps de la femme. «Dix ans en plus, cela change beaucoup de choses. On est plus habile. En général, les hommes de 50 ans ont compris que jouir ensemble, c’est dans les films: la femme prend son pied d’abord et eux passent ensuite. Je n’ai jamais entendu un homme de 35 ou 40 ans dire ça.»
Rassurant et valorisant
Chez les couples ayant une grande différence d’âge, constate Laurence Dispaux, psychothérapeute et sexologue à Morges, le fossé générationnel peut favoriser le lâcher-prise. «Lorsque le rapport sexuel n’est pas lié à un projet de famille, il est davantage synonyme de plaisir car il y a moins d’enjeu et de pression. Savoir que l’on plaît à une personne plus jeune, c’est rassurant et valorisant. Or, la désirabilité est une composante importante pour la sexualité. Un homme trouvera plus stimulant de séduire une femme qui est sa cadette, cela renforcera son sentiment de masculinité. Une femme aura ainsi parfois plus de facilité à lâcher prise avec un homme plus âgé, donc plus expérimenté, dont elle aura l’impression qu’il va prendre soin d’elle. Et lorsque c’est la femme qui est l’aînée, l’homme se sentira plus compétent car il est valorisé par une partenaire qui se connaît bien, qui lui demande ce dont elle a besoin et à qui il peut prouver qu’il est un bon amant.»
L’aventure que Sophie, 43 ans, a connu avec un homme de vingt ans son cadet répondait précisément aux critères cités par Laurence Dispaux. «C’était bon pour l’ego, confie-t-elle. J’avais oublié à quoi ressemble le corps d’un homme de vingt ans: musclé, la peau ferme, capable de récupérer vite après l’amour. Mon jeune amant était en demande de mon expérience et avait un appétit sexuel dévorant, ce qui me convenait bien. Physiquement, on s’est donc bien trouvés. C’était une relation saine, gaie et simple: on savait que ça ne durerait pas. Le seul bémol, c’est justement qu’avec lui, je ne pouvais pas me projeter dans l’avenir. Je ne pouvais pas non plus le présenter à mes enfants. Le regard social sur nous aurait été trop dur. Alors on s’est fait du bien et on a arrêté au bon moment, avant qu’il y ait des sentiments entre nous. Personne n’en a souffert.»
Risque d’incompréhension
Libératrice, une relation entre personnes d’âges différents serait-elle vouée à être éphémère? Pas toujours. Mais il est plus difficile d’être au diapason lorsqu’on n’est pas de la même génération, rappelle Laurence Dispaux. «On risque d’avoir du mal à comprendre ce que vit l’autre, notamment les transformations physiques qu’il traverse: ménopause ou problèmes érectiles, précise la sexologue. En vieillissant, les parois du vagin s’affinent, la lubrification diminue, ce qui peut entraîner un inconfort pendant les rapports sexuels. La femme a donc plus besoin de préliminaires avec l’âge. Quant aux hommes, l’érection et l’éjaculation peuvent devenir difficiles en raison de la prise de certains médicaments contre le diabète ou l’hypertension. En outre, on a plus souvent des tumeurs en vieillissant, et la chimio a un impact sur la libido. Des non-dits peuvent alors s’installer, quand l’un des partenaires se sent coupable d’éprouver de la gêne à faire l’amour et que l’autre se sent mis à l’écart sans comprendre pourquoi.» Le couple idéal, rappelle la sexologue, c’est donc celui où on est capable de se dire ce dont on a besoin. Et ce, quel que soit son âge.
Le chiffre
14% C’est le pourcentage de couples français où l’homme a au moins dix ans de plus que sa compagne, selon l’Institut national de la statistique (2006). Les grands écarts d’âge entre conjoints ont quasiment doublé depuis les années 50.