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Dès lors qu’il s’agit de faire la description de la poitrine de ces dames, le dictionnaire de l’argot se montre particulièrement inspiré: «Gros airbags» ou simples «boutons de sonnette»; «beaux pare-chocs» ou «gants de toilette» fatigués; «il y a du monde au balcon», ou, à défaut, juste une «planche à pain»… Une déferlante de métaphores au goût suspect, certes rarement touchées par la grâce, mais qui toutefois semblent en dire beaucoup sur les préoccupations des Homo sapiens mâles en matière de seins.

Car comme le diraient nos professeurs de français, le champ lexical de l’attribut en question s’avère assez réduit. Outre quelques considérations biologiques d’ordre purement temporel, il s’agit avant tout de disserter en termes de volume.

D’abondance. D’étendue. La géométrie est donc à l’honneur. Pour faire vite, tout porterait à croire qu’il existe un curseur unique circulant entre le microscopique et le monumental. Ce dernier étant évidemment l’idéal vers lequel chacune devrait tendre pour remporter l’adhésion des messieurs.

Conséquence de cette apparente dictature des normes de l’esthétique, les femmes, qui comme tout le monde le sait, n’ont pas toutes été façonnées ainsi par la nature, essaient parfois de s’en remettre aux talents de la chirurgie. C’est là que la fameuse prothèse mammaire intervient. Voici la population masculine conquise, définitivement mise dans la poche (ou du moins dans le bustier).

Choc des stéréotypes

Pourtant, à force d’entendre les expressions machos, et surtout à force de leur répondre à grands coups de scalpel et de silicone, les adeptes de l’augmentation mammaire passent peut-être à côté de la réalité. Au fond, est-on vraiment certain que c’est cela, une poitrine switchée en mode Wonderbra, qui fait vibrer les hommes?

Pour Willy Pasini, célèbre psychiatre et sexologue dont l’expertise et le franc-parler sont régulièrement sollicités en Suisse et en Italie, l’attention accordée au sein généreux est bien une réalité sous nos latitudes. «Dans le nord du monde, la poitrine joue un rôle central aussitôt que l’on aborde la plastique féminine, tandis que dans les pays du Sud, comme au Brésil, ce sont d’abord les fesses que l’on regarde et que l’on souhaite valoriser. Chez nous, l’archétype de la blonde avec des gros seins est encore le fantasme majuscule pour la gent masculine.»

Imaginaire collectif, quand tu nous tiens…En unissant le standard de chaque hémisphère du globe, on se retrouve en effet avec la représentation iconique des Vénus paléolithiques dites stéatopyges, des corps féminins sculptés il y a plus de 20 000 ans sur lesquels les archéologues n’ont toujours pas fini de jaser. Une histoire vieille de plusieurs millénaires, on clôt le dossier alors?

«Mauvaise idée», rétorque Fabian Guignard, photographe de mode basé à Genève. Selon cet artiste habitué à travailler avec des mannequins, autrement dit des femmes censées incarner les canons de l’époque, la beauté d’une poitrine ne peut nullement se résumer à la taille du bonnet. Il y a la forme aussi. «Je ne crois pas une seconde que les hommes soient obsédés par une quelconque opulence des seins, avoue-t-il. D’ailleurs pour s’en convaincre, il suffit de voir à quel point Kate Moss, l’une des plus belles filles de la planète et qui affiche pourtant une poitrine peu superlative, constitue un fantasme pour nombre de lecteurs des magazines.»

Des seins et des hommes

Une dissonance également jouée par Marc Bonnant, avocat au barreau genevois et célèbre chroniqueur, qui s’étonne de cette quête de la poitrine généreuse de la part de certaines femmes, au point de s’infliger un passage en clinique. Pour l’orateur flamboyant des tribunaux et des débats télévisés, l’inclination sexuelle pour «les seins nourriciers dit sans doute un complexe d’Œdipe mal réglé», et contraste quelque peu avec ses références personnelles, volontiers plus proches de «la gorge d’Ava Gardner ou de Michèle Morgan que de la poitrine de Lolo Ferrari». Au-delà d’une contemplation qui peut être contrariée par des rondeurs excessivement amplifiées, Marc Bonnant souligne également les sensations désagréables qui peuvent s’ensuivre: «Nos mains frémissantes cherchent le galbe et trouvent la prothèse: quelle frustration! Le fiasco stendhalien n’est pas loin.»

C’est effectivement l’idée qui ressortira plusieurs fois à l’écoute des complaintes masculines. Celle d’un glissement opéré depuis une sensualité tactile portée à l’exploration, vers une dimension plus ostentatoire, plus visuelle, et appelant finalement davantage à l’observation qu’au corps à corps. Au risque de frôler la dématérialisation, à l’instar de ce que note l’humoriste Frédéric Recrosio: «Le grand danger, lorsqu’on aborde ses propres contours en tant que lignes pures, c’est que ça nous rend un peu abstrait. On devient alors un objet de design. Et j’sais pas vous, mais moi je parle rarement à un vase.»

Question d’interprétation

Parallèlement, Marc Bonnant ne manque pas de remarquer quelque chose comme l’intrusion d’une tierce personne allant de pair (sans mauvais jeu de mots) avec l’implantation de prothèses mammaires. «Des seins refaits sont en fait des seins griffés. A la vue, au toucher, on reconnaît le chirurgien plus que l’être désiré. Ces seins désormais identiques sont communs et charnellement indifférents. Un cheminement vers la poitrine universelle qui doit être une conséquence de notre goût actuel pour l’unité.»

Intrusion qui peut aussi être celle des clichés, de ces soi-disant idéaux masculins sur la plastique du sexe opposé, et à qui les femmes donneraient beaucoup trop de crédit, selon l’avocat genevois. «Elles affirment recourir à la chirurgie plastique pour elles-mêmes et non pour nous. Je n’en crois rien. Mais elles se trompent sur la nature de notre regard. Les seules choses qui nous retiennent désormais chez la femme, c’est son âme et sa carrière professionnelle. Nous n’avons plus le goût des trivialités.»

Reconnaissant cette tendance à sortir la poitrine du domaine de l’intime et à la projeter dans une sorte d’«extimité», Willy Pasini n’en démord cependant pas sur les prétendues espérances des mâles en matière d’esthétique mammaire. Tout en conseillant de ne pas se laisser berner. «Les femmes qui se font augmenter les seins ont plus de succès avec les hommes, c’est évident. Comme on met des lunettes pour voir mieux, on se fait faire des gros seins pour séduire mieux. En revanche, je ne pense pas qu’elles soient plus heureuses pour autant en amour. Pour information, un partenaire infidèle ne va pas s’arrêter d’aller voir ailleurs parce qu’il y a de nouveaux seins à la maison…»

Ce qu’elles en disent

Mais que pensent les femmes de cette surenchère des tailles de bonnet, versant parfois dans l’exhibitionnisme mammaire et conduisant nombre d’entre elles à prendre le chemin des cliniques de chirurgie esthétique? Et d’abord, pourquoi une préoccupation si intense pour tout ce qui se trouve derrière le soutien-gorge? «Parce que c’est un aspect central, essentiel, de la plastique féminine, affirme Barbara Polla, galeriste, médecin et écrivaine passionnée par les questions du genre et de la beauté. Cette partie du corps est une sorte de carrefour liant la sexualité, l’esthétique, la maternité, la sensualité, la tendresse, beaucoup d’aspects de nous très différents qui d’habitude apparaissent morcelés.»

Pour sa part, Nadine de Rothschild, grande prêtresse du savoir-vivre qui, dans plusieurs de ses ouvrages, a voulu redonner à la séduction ses lettres de noblesse, jure que tout n’est pas dans le bustier. «Certes, c’est assez grisant de constater que tous les regards se posent sur vous. Néanmoins la séduction ne passe pas que par les seins, car le charme a plus d’importance que le domaine physique. Entre une femme qui est belle et une femme qui a du charme, il n’y a que quinze jours de différence pour conquérir l’aimé.

Alors ce n’est pas automatiquement le tour de poitrine qui remportera la course. La chirurgie ne vaut pas le coup! D’autant que si, en plus, le décolleté dévoile les trois quarts de ce sein, les hommes auront déjà vu ce qu’ils veulent découvrir…»

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