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Génération Y, le mythe?

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© DR

Sophie a 26 ans. Elle se trouve actuellement en Australie, de l’autre côté de la planète, et pourtant, quelques heures après avoir reçu notre message, elle répond avec enthousiasme à nos questions. Après une courte carrière peu probante comme employée de banque, Sophie parcourt actuellement l’Asie, l’Océanie et l’Amérique du Sud pour un voyage de plus d’un an, multipliant les expériences qui lui donneront une meilleure connaissance d’elle-même, de ses limites, et lui montreront le chemin. Elle appréhende le retour à la vie «normale» et rêve du job idéal, avec à la fois des challenges, une ambiance sympathique et suffisamment de temps libre. Connectée, avide de liberté et de découvertes, Sophie appartient à ce que les sociologues appellent la génération Y.

Les 18-30 ans ont grandi avec Internet, les nouvelles technologies sont une évidence pour eux (on les appelle aussi digital natives). Ils ont toujours connu la crise et vu parfois leurs parents se faire licencier sans ménagement après des années dans la même boîte. Ils s’identifient donc moins à leur travail, ont besoin de donner un sens à leur activité, privilégient leur temps libre. On les dit «Y» par rapport à la génération «X» qui les précède, née entre 1960 et 1979 dans une période de transition, en manque d’identité (d’où le X) et de repères dans une société en pleine mutation. On dit également que l’appellation Y vient de la prononciation anglaise de cette lettre, why, qui veut dire pourquoi, car les «Y» posent beaucoup de questions. Ou encore du dessin que forment les écouteurs de l’iPod autour de leur cou.

Dangereuses généralités

Des jeunes de la génération Y, Marianne en côtoie depuis quelques années dans la grande entreprise où elle est cadre. Avec parfois beaucoup d’incompréhension de part et d’autre, au point que le sujet est régulièrement abordé dans les cours de management. «On se demande comment faire pour les gérer? Il faut toujours tout expliquer, négocier, convaincre pour obtenir des résultats. Très individualistes, ils agissent toujours dans leur propre intérêt.» Les «Y» sont aussi souvent dans l’émotionnel: une remarque mal interprétée, un message peu clair peuvent déclencher des réactions en cascade. «L’employeur est quelque part obligé de s’adapter ou de comprendre ce mode de fonctionnement au quotidien, décrypte encore Marianne. Ils n’hésitent que très peu à tout planter s’ils s’estiment dévalorisés. Si la situation devient difficile à gérer, ils vont voir ailleurs.»

Les départements de ressources humaines sont ainsi obligés de composer avec ces nouveaux diplômés. Les attentes et les comportements dans le monde professionnel ont donc peut-être changé, mais cette évolution n’est pas sans conséquences. Michel Ferrary, professeur de management à la faculté des HEC de l’Université de Genève, y voit une illusion pernicieuse. «Le discours produit sur la génération Y est dangereux, car de nombreux jeunes vont s’y identifier et se croire en position de force pour négocier leur contrat de travail. J’entends des affirmations selon lesquelles il faudrait les excuser pour leurs retards, les laisser chatter sur Internet durant les heures de travail et tolérer un certain laisser-aller pour pouvoir bénéficier de leurs talents. Les réalités du marché du travail et la compétitivité internationale sont là pour le rappeler: pour faire face à la concurrence, les chefs d’entreprises ont besoin de salariés motivés, rigoureux et riches en qualités relationnelles (les soft skills). Ils privilégient ces compétences lors des recrutements et peuvent parfois être amenés à recruter à l’étranger pour s’assurer de les trouver.»

Les chiffres de l’Office fédéral des statistiques montrent que 203 000 Suisses travaillaient dans les activités financières et d’assurance en 2003 contre 197 000 en 2009 (–3%).Dans le même temps, la population étrangère dans ce secteur est passée de 38 000 à 52 000 (+36%). Pour Michel Ferrary, c’est un non-sens sociologique que d’affirmer des généralités sur une même génération. «Je rencontre les jeunes de cette génération tous les jours dans mes cours, elle n’est pas homogène. Il s’agit bien d’une population d’une même tranche d’âge, mais d’individus différents selon leurs origines sociales, leur éducation, leur sexe, leur nationalité… Les définir comme une population homogène labellisée «Génération Y» est un beau coup marketing qui ne reflète pas la réalité.»

Un vécu commun

S’il n’y a pas une jeunesse mais plusieurs, cette tranche d’âge a néanmoins en commun un vécu. La précarité généralisée fait d’elle la première génération depuis la Deuxième Guerre mondiale qui sera plus pauvre que ses parents. La récurrence du chômage rend celui-ci finalement moins stigmatisant, on y passe un jour ou l’autre mais ce n’est pas la mort. Le travail n’arrive qu’en 4e position des priorités pour les jeunes de 20 ans, selon une enquête de la Confédération (ch-x). L’étude présentée l’été dernier a été réalisée en 2003 sur 47 000 Suisses. Le top 5 des différents domaines de la vie donne, par importance décroissante: les amis, la famille, les loisirs, l’emploi et l’éducation. Mais ce n’est pas nouveau. Le même sondage effectué en 1979 montrait que c’était déjà le cas il y a plus de 30 ans!

Le pourcentage de gens qui considèrent le travail comme très important a diminué de 46 à 37% entre 1979 et 2003,mais cette valeur reste au 4e rang. Pourtant, à la question «Arrêteriez-vous de travailler si vous aviez des moyens financiers suffisants», seuls 10% répondent oui, 70% opteraient pour du temps partiel et 20% continueraient à plein-temps. Les valeurs relatives au travail sont étonnamment stables. Les jeunes veulent un climat de travail agréable, des tâches intéressantes et la possibilité d’évoluer. Un bon salaire est plus souvent cité en 2003 qu’en 1994. Dans l’échelle des valeurs, la famille est repassée devant les loisirs entre 1994 et 2003, en 2e position donc. Face au divorce qui clôt une union sur deux, les amoureux d’aujourd’hui ont choisi d’essayer de faire mieux que leurs parents.

Toujours connectés

Internet a amené toutes sortes de facilités, dans la communication, l’accès à l’information immédiate et à la culture en ligne, aux petites annonces, aux ventes privées ou encore aux compagnies low-cost, autant de bons plans qui permettent de vivre mieux avec moins de moyens. Ces gestes sont tellement entrés dans le quotidien qu’ils sont une évidence, même si certaines personnes diront ne pas être très connectées. Certes, l’apprenti horloger qui travaille à la vallée de Joux ne passe pas son temps sur Facebook, mais il a sans doute un profil, qu’il consulte le soir, et un smartphone dernière génération, car c’est normal. La gestion du téléphone mobile est d’ailleurs l’un des sujets de tensions entre les jeunes employés et leurs patrons, qui ont de la peine à leur faire abandonner, au travail, ce sacro-saint trait d’union avec leurs pairs.

Plutôt qu’insolente, égoïste et instable, la jeunesse d’aujourd’hui a développé des stratégies de survie en se montrant créative et réactive, comme l’expliquent Myriam Levain et Julia Tissier dans La Génération Y par elle-même (François Bourin Editeur). Les deux jeunes Françaises répondent point par point aux reproches et aux clichés qui frappent leurs contemporains en leur donnant la parole. En Suisse aussi, nous avons rencontré des jeunes filles pétillantes et débrouilles avec les pieds bien sur terre. Etudiante ou esthéticienne, de Neuchâtel ou de Sion, elles ont en commun le besoin de donner du sens à ce qu’elles font, l’ambition de s’épanouir à travers leur travail sans avoir peur de beaucoup donner. Leur situation dans dix ou vingt ans reste floue mais positive, envisagée dans la continuité, avec ou sans enfants, qui sait. Rien à voir avec le No Future des punks de 1977!

Plus d'infos

Dossier du magazine Elle: www.generationy20.com/

Dossier du magazine on line Madmoizelle: www.madmoizelle.com/

Blog qui traite des rapports entre générations au travail: www.generationy20.com/ dont un article qui tente de définir la génération Y www.generationy20.com/definition#more-3133

Un autre qui nie l’existence de la génération Y: www.generationy20.com/la-generation-y-existe-telle

http://lagenerationy.com/: le site de Julien Pouget, spécialiste du management de la génération Y

www.chx.ch: les enquêtes de la confédération auprès de la jeunesse


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