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Mais faute de moyens et d’infrastructures, c’est trop rarement le cas. Pour le moment, à part des initiatives isolées, c’est la gabegie. Le point sur la situation avec des spécialistes.

Isa, 22 ans, employée de commerce, doit accoucher d’un moment à l’autre et a décidé de faire don du sang du cordon ombilical. «J’en avais déjà entendu parler par ma sœur, qui a accouché il y a cinq mois. A la maternité, la sage-femme m’a expliqué que si je faisais ce don, il pourrait servir à soigner un enfant malade, et que si la quantité de sang dans le cordon n’était pas suffisante, les cellules souches seraient utilisées pour la recherche. Ce serait bien, si cela pouvait sauver un autre enfant!» confie la future maman.

Isa a choisi de séjourner à l’Hôpital cantonal de Genève, le seul avec celui de Bâle à avoir créé une banque publique de cellules souches du cordon. Cette dernière est reliée à un réseau international permettant aux jeunes patients leucémiques du monde entier de bénéficier d’une greffe de cellules souches compatibles avec leur typologie sanguine. Au printemps, Fribourg créera sa propre banque (lire encadré p. 17). Quant aux établissements de Berne, Liestal et Lugano, ils prélèvent, mais ne stockent pas, et envoient directement les unités de sang fœto-placentaire à la banque de Bâle. Partout ailleurs, c’est le silence radio.

«S’il y avait suffisamment de sang de cordon en banque, il serait possible de couvrir les besoins de la population», déclare le professeur Patrick Hohlfeld, directeur de la maternité du CHUV. «A Lausanne, nous récoltons le sang de cordon uniquement pour la recherche. Nous n’avons pas les moyens de faire davantage. Aux parents qui nous demandent à pouvoir stocker le cordon dans une banque publique, nous répondons que c’est généreux de leur part, mais que ce n’est malheureusement pas possible.»

Un financement difficile

Pas possible, pourquoi? Parce qu’il ne suffit pas de prélever le sang du cordon et du placenta juste après l’accouchement, il faut le sélectionner en fonction de la taille et de la qualité de la poche de sang, analyser ses caractéristiques HLA (pour déterminer les compatibilités entre donneur et receveur), le concentrer, avant de stocker les cellules souches dans de l’azote liquide. Cela nécessite un personnel spécialisé, des installations techniques et des locaux en suffisance. L’investissement financier est donc considérable.

«Nous aimerions trouver un accord avec le CHUV, pour que Lausanne nous envoie également des cordons, mais nous n’arrivons pas à dégager les structures et les moyens», confirme Vincent Kindler, chercheur et directeur de la banque de sang fœto-placentaire de Genève. Il précise: «Alors que pour le don de sang et d’organes, on a les moyens mais pas assez de donneurs, c’est le contraire pour le don de cordon: beaucoup de gens seraient d’accord de donner, mais il manque les structures et les moyens. A Genève, l’hôpital nous offre un lieu de stockage. Pas les salaires. Le financement est difficile, et assuré en grande partie par la Croix-Rouge Suisse.»

A Genève, les cellules du cordon permettent de soigner deux à trois patients par année. Plus d’une soixantaine d’unités ont déjà été envoyées à l’étranger. En Suisse, 34 greffes de cellules de cordon ont été effectuées au cours des cinq dernières années.

«Le sang de cordon est devenu une source majeure de cellules souches», remarque Rudolf Schwabe, directeur de la Fondation Swiss Blood Stemcells, qui gère la banque de données des donneurs de cellules souches en Suisse. Il ajoute que 20% des transplantations de cellules souches réalisées aujourd’hui à travers le monde proviennent du sang du cordon ombilical.

L’offre des banques privées

Vu l’offre très limitée des hôpitaux publics helvétiques, celle des banques privées a de quoi séduire les parents. On y propose de récolter et de stocker le sang du cordon, non pour qu’il soit mis à disposition de receveurs potentiels, mais pour le bébé lui-même. Cela s’appelle le don autologue. L’unité de sang est conservée pendant vingt-cinq ans, et pourra être utilisée si un jour l’enfant a besoin d’une greffe.

Laurence, qui a longtemps travaillé dans l’industrie pharmaceutique, est l’une des premières en Suisse à avoir recouru à une banque privée: «Les parents qui optent pour le don autologue sont souvent critiqués. Mais si on y croit, on y va. En tant que biologiste, la recherche me passionne. Elle progresse rapidement. Si un jour on me dit qu’il y a mieux que le cordon, je ferai autre chose. J’ai déjà prévu de stocker les dents de lait de ma fille.»

Future Health Biobank figure parmi les banques privées offrant ce service dans une cinquantaine de pays, dont la Suisse. Country manager de cette entreprise à Lausanne, Catherine Clairet s’étonne: «Pourquoi critiquer ou culpabiliser les parents qui veulent conserver les cellules souches du cordon ombilical de leur bébé? La médecine travaille activement sur le développement de thérapies avec les cellules souches. On peut s’attendre à de grands progrès ces prochaines années. Pensons aux essais cliniques qui sont actuellement menés pour soigner l’infarctus du myocarde, la sclérose en plaques et le diabète de type 1. Je ne promets pas de thérapie miracle aux parents. Je leur dis qu’ils font un pari sur l’avenir et je leur souhaite aussi de n’avoir jamais besoin de recourir aux cellules souches pour leur enfant.»

L’avis des spécialistes

Conformément aux recommandations de l’Association mondiale du don de cellules souches (WMDA), de nombreux experts déconseillent le recours aux banques privées. D’abord parce qu’un don autologue est rarement utile: la probabilité qu’il soit un jour utilisé est très faible (environ une chance sur 100 000). Ensuite, parce que de l’avis des médecins pratiquant les greffes de cellules souches, il est préférable, en cas de leucémie, d’avoir recours à un donneur, car parmi les cellules stockées de la personne malade, certaines pourraient déjà être porteuses de la maladie.

D’autres arguments sont avancés par les spécialistes: «Dans une banque publique, explique Vincent Kindler, la sélection des poches de sang est impitoyable. Si elles sont trop petites pour soigner un enfant, nous ne les gardons pas. Ce n’est pas le cas dans les banques privées, qui les conservent quelle que soit leur taille. Notre exigence est de 1 milliard et demi de cellules souches pour une unité de sang. Sur cinq dons, un seul en moyenne sera utilisé. Lorsque le sang ne répond pas aux critères, les mamans peuvent dire si elles souhaitent que les cellules souches soient utilisées pour la recherche ou détruites.» Pour soigner un enfant, selon sa taille, il faut une à deux unités de cellules souches du cordon. Une seule poche ne suffirait pas, par exemple, pour traiter un jeune adulte atteint de leucémie dont les parents auraient fait stocker les cellules souches à la naissance: il aurait besoin d’une quantité nettement plus importante, et devrait donc forcément recourir à un donneur.

Enfin, des critiques s’adressent aux formules marketing employées par les banques privées. On peut ainsi lire sur la documentation de Future Health Biobank que les cellules souches du sang de cordon peuvent servir à traiter l’infirmité motrice cérébrale, le diabète de type 1, et régénérer également le myocarde. Ce n’est pas le cas. Du moins pas encore, même si des essais cliniques sont en cours. Actuellement, les cellules de cordon (hématopoïétiques) ne soignent que les maladies du sang. Comme le souligne Marisa Jaconi, vice-directrice de l’Institut suisse de thérapie cellulaire (www.swiss-ict.ch), docteur en biologie et chercheuse au Département de pathologie et immunologie à la Faculté de médecine de Genève: «Les cellules du sang ne se transforment pas en cellules cardiaques. Il ne suffit pas de mettre les cellules dans un autre organe pour qu’elles se transforment. Il faut éventuellement les reprogrammer, et c’est là un des champs principaux, difficiles mais attractifs, de la recherche actuelle, à savoir la reprogrammation cellulaire.»

Un avenir prometteur

Il est un point sur lequel tous les scientifiques qui gravitent autour des cellules souches sont d’accord: l’avenir de la recherche dans ce domaine est extrêmement prometteur. Les cellules embryonnaires, dites pluripotentes, sont capables de former n’importe quel tissu de l’organisme humain. Elles proviennent d’un embryon au premier stade de développement, au 5e ou 6e jour de la grossesse. Les seules disponibles sont donc celles des embryons surnuméraires issus de la fécondation in vitro. «Le jour où nous pourrons expliquer ce qui pousse les cellules à se différencier dans tel ou tel autre type, ajoute Marisa Jaconi, il sera possible de reprogrammer les cellules du sang pour qu’elles aillent réparer une partie précise du corps.» Ce qui ressemble à de la science-fiction aujourd’hui sera peut-être réalité demain. Le professeur Patrick Hohlfeld exprime son sentiment personnel: «Mon fantasme, en observant les progrès de la médecine, est qu’un jour toute cette problématique autour du cordon ombilical n’aura plus lieu d’être. Il me semble que l’avenir à long terme ne sera pas aux cellules souches provenant du cordon, mais aux cellules souches qu’on prélèvera directement sur le patient, sur sa peau par exemple, et dont on fera des cellules indifférenciées qui pourront être utilisées pour soigner l’organe malade…» Commentaire de Marisa Jaconi: «En fait, cette possibilité est devenue en partie réalité en 2007, lorsqu’une équipe japonaise a réussi à reprogrammer des cellules de peau en cellules similiaires aux embryonnaires. Reste à relever les défis actuels, qui consistent à assurer la sécurité de cette reprogrammation en termes de stabilité génique, et à perfectionner les recettes de différenciation, afin de réussir une application clinique dénuée de risques.»

Un cordon très convoité

Le sang du cordon ombilical et du placenta peut sauver des vies. Avec certitude s’il est stocké dans une banque publique, car une greffe de cellules souches peut guérir un enfant atteint de leucémie n’importe où dans le monde. Très rarement, s’il est stocké dans une banque privée moyennant finances par des parents en faveur de leur propre enfant,
car la probabilité que celui-ci y recoure un jour n’est que de 1 sur 100 000. A l’avenir si les cellules souches sont utilisées pour la recherche, car d’innombrables laboratoires font des tests et des essais cliniques qui devraient permettre un jour de soigner un large éventail de maladies.

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