Octobre rose
Cancer du sein: 5 choses à savoir sur la phase de rémission
Au téléphone, la voix de Manon Koch, 28 ans, est totalement sereine. Voilà deux ans que la jeune femme a vaincu son cancer du sein, découvert par hasard alors qu’elle n’avait que 25 ans. L’annonce de sa rémission, après une année de traitements et d’opérations, restera gravée dans sa mémoire à jamais: «Le jour où j’ai appris que ma chimiothérapie était terminée, je me suis sentie incroyablement soulagée, partage-t-elle. Mon médecin m’avait expliqué que j’étais alors en rémission, car les traitements étaient parvenus à éliminer la tumeur: pour moi, ce mot était très important, j’étais bouleversée.» Aucune nouvelle n’aurait pu la rendre plus heureuse ou alléger davantage son cœur. En effet, à ce moment-là, on peut imaginer que l’épreuve est complètement terminée et que la «vie normale» peut aussitôt reprendre. S’il s’agit évidemment d’un immense bonheur, d’une indicible victoire, d’une chance inouïe, cette étape marque l’aube d’une phase nouvelle, souvent complexe: celle de l’après-cancer.
«Subitement, je pouvais relâcher toute la pression, abandonner ces mécanismes de survie dont je n’avais plus besoin, partage Manon. L’adrénaline qui m’avait permis de tenir bon est retombée d’un coup et j’avoue que cela s’est avéré très violent, trop violent. J’ai eu la chance d’être très bien entourée durant mes traitements, mais dès l’annonce de ma rémission, ce soutien a considérablement diminué». Comme il est parfois difficile, notamment pour l’entourage, de se projeter dans ces instants incroyablement puissants et lourds, voici trois points importants dont nous n’avons pas toujours conscience, au sujet de la rémission. Afin de mieux accompagner notre amie, maman, tante, sœur ou amoureuse qui traverse ce moment important.
Guérison et rémission ne sont pas forcément synonymes
«La guérison correspond à une disparition complète et définitive du cancer, précise le Dr. Bodmer, médecin responsable du Centre du sein aux HUG. Or après la fin des traitements, il n’y a pas de critère médical qui permette d’être certain que la maladie ne puisse revenir. Si cela devait arriver, ce qui correspond à une rechute, c’est la preuve que la maladie était toujours présente bien qu’invisible: il n’y avait donc pas guérison. Le mot rémission est utilisé devant cette incertitude, cette incapacité médicale de se prononcer sur une évolution future, de pouvoir dire “vous êtes définitivement guérie”.» Aussi le spécialiste ajoute-t-il que ceci est vrai pour la plupart des cancers, et peut être d’autant plus pour le cancer du sein qui peut, pour certains types, récidiver plus de 10 ans après la fin des traitements.
De plus, la phase de rémission s’accompagne d’un suivi précis, auquel le Dr. Bodmer définit deux objectifs: celui de la recherche d’une éventuelle récidive ou d’un deuxième cancer, et celui de dépister et de réduire les effets secondaires liés aux traitements. «Ce suivi consiste en des consultations régulières, avec un examen clinique ainsi qu’un contrôle radiologique annuel par une mammographie, couplée le plus souvent à une échographie mammaire, liste-t-il. Aucun autre examen complémentaire n’est recommandé en l’absence de symptôme. La fréquence du suivi va dépendre d’une part du risque de récidive et d’autre part des effets encore ressentis des traitements du cancer sur chaque patiente.» En effet, ainsi que le souligne le spécialiste, le risque de récidive est maximal durant les trois premières années, où le suivi est effectué tous les trois mois: s’il diminue par la suite, il persiste même au-delà de dix ans, nécessitant de rester vigilant et de proposer un suivi sur le long terme, d’abord tous les six mois, puis de façon annuelle.
Le suivi peut varier d'une patiente à l'autre
Dans le cas de Manon, le suivi médical prend en compte un facteur très important: la jeune femme est effectivement porteuse de la mutation constitutionnelle de type BRCA1, qui augmente le risque de cancer du sein et des ovaires. «Pour cette raison, mon suivi est plus rapproché, explique-t-elle. Mes contrôles ont donc lieu tous les six mois durant cinq ans.» C’est d’ailleurs uniquement dans ce contexte qu’est envisagée l’ablation des ovaires, «une fois le désir de grossesse réalisé», note le Dr. Bodmer.
Pour les femmes ne portant pas ce gène, «les risques de récidive sont liés d’une part aux caractéristiques biologiques du cancer du sein, et d’autre part au stade auquel le cancer a été diagnostiqué, notamment à la taille tumorale et au nombre de ganglions lymphatiques atteints.»
Il est tout à fait possible d’avoir un enfant post-cancer du sein
Une fois de plus, cela dépend si l’on est porteuse de la mutation de type BRCA1 ou BRCA2, nécessitant parfois l’ablation des ovaires, afin de prévenir qu’un possible cancer ne touche un jour ces organes. «Les médecins m’ont expliqué qu’ils me laisseraient réaliser mon projet d’enfant, poursuit Manon. Puis, vers 35-40 ans, il faudra certainement réaliser l’opération, afin d’être plus sûr.» La jeune femme reste toutefois optimiste, comme à son habitude: «Je n’y pense pas vraiment pour l'instant, je fais confiance à mes médecins, je réalise mes projets de vie et je suis mon chemin.»
À nouveau, dans le cas des femmes ne portant pas le gène, les choses sont différentes: «Les médecins ont longtemps été réticents à autoriser une grossesse, après un cancer du sein de peur de provoquer une récidive après le boost hormonal que représente la grossesse, rappelle le Dr. Bodmer. Or, plusieurs grandes études ont montré que la survenue d’une grossesse après le traitement d’un cancer du sein ne semblait pas augmenter le risque de récidive. On peut donc considérer que faire un bébé après un cancer du sein n’est pas du tout contre-indiqué.» Une excellente nouvelle donc! Le spécialiste insiste toutefois sur l’importance d’en discuter avec son médecin, afin de décider ensemble de la meilleure période pour entamer une grossesse.
Le soutien des proches reste indispensable, en rémission
Manon se souvient très bien du moment où elle avait annoncé à son entourage que sa tumeur avait été vaincue: «Je me suis rendu compte que le cancer ne se résume pas à de la chimio, mais que c’est également très mental. Je m’étais constitué une carapace afin de ne pas craquer durant les traitements. Mais du coup, j’ai craqué après. C’était difficile de faire comprendre à mon entourage que je devais tout reconstruire à posteriori. Ils ne comprenaient pas que je puisse être plus mal après que pendant.» La courageuse jeune femme raconte en effet les difficultés à accepter son corps post-chimiothérapie, à trouver la motivation, à prendre soin d’elle, à oser reconstituer des projets: «On sort de l’hôpital, et c’est comme être relâchée dans l’arène: il faut d’un coup se débrouiller seule!»
Le Dr. Bodmer confirme: «La présence et l’écoute des proches sont des éléments importants de soutien pour la personne malade, même une fois les traitements terminés. Reprendre le cours de sa vie est loin d’être évident, dans cette phase de rémission où l’on vit dans l’incertitude d’une guérison, la crainte d’une récidive s’ajoutant aux difficultés physiques liées aux conséquences des traitements reçus et aux difficultés du retour à la vie «active». La patiente doit pourtant reprendre le travail, la vie de famille et les activités quotidiennes.
La rémission peut donner lieu à une renaissance
Dans le but de soutenir les femmes concernées, des associations telles que «À chacun son Everest» (ndlr: Basée à Chamonix, en France, et offrant un nombre de places limité, elle collabore toutefois avec les HUG de Genève) proposent un accompagnement spécialement conçu pour ce genre de situation. Fondée par Christine Janin, médecin et alpiniste, première Française à avoir atteint le sommet de l’Everest en 1990, l’association offre une semaine complète à des groupes de 12 femmes en rémission: «Il s'agit d'un mix de soins comprenant diverses activités physiques (randonnées, escalade, yoga...) et séances plus spirituelles (méditation, sophrologie, pleine conscience), décrit la fondatrice.
D’ailleurs, c’est vers «À chacun son Everest» que s’était tournée Manon, durant cette phase délicate: «J’ai trouvé ce que je ne recherchais pas forcément, raconte-t-elle. J’avais peur d’y aller, je craignais d’être fragilisée par le ressenti et l’expérience des autres femmes présentes. Mais j’y ai trouvé tout l’inverse: un groupe de filles très soudées, très positives! Cela m’a fait beaucoup de bien d’en parler avec des personnes qui savent ce que c’est, de recevoir un suivi psychologique.» Après cette retraite, Manon choisit de prendre l’épreuve vécue comme un tremplin, d’apporter des changements nécessaires à sa vie, afin de se retrouver, de s'aligner complètement avec ses besoins et ses rêves.
Christine Janin, forte de ses années d’expérience, confirme: «C'est durant la phase de rémission qu'il faut apprendre à vivre avec ce qui nous est arrivé, à transformer l'épreuve en quelque chose qui nous permettra de continuer notre vie, dans la direction qui nous convient. Ces femmes, je les ai vues arriver, épuisées, remplies de peur et parfois de désespoir. C'est une sorte de "cancer blues". Elles doivent pouvoir redescendre du sommet gravi, en se sentant fières de ce qu'elles ont traversé. C'est le moment où il est important d'évacuer ce qui leur pèse tant, de transformer l'épreuve en tremplin qui leur permettra de rebondir, d'oser, de retrouver une vie constellée de beaux projets. C'est là qu'on se demande ce qu'on aimerait faire, ce qu'on aimerait vivre, le regard tourné vers l’avenir.»
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