cuisine
Un Noël savoureux et peu onéreux en cuisinant maison et local
«Pour Noël, pas besoin d'acheter de caviar ou de foie gras. On peut utiliser les produits de tous les jours mais en les travaillant davantage, en les valorisant», assure William Pradeleix, chef du restaurant parisien solidaire «Manger», qui permet à des personnes exclues socialement de se réinsérer professionnellement.
Dans un petit livret qui accompagne «la boîte à miam» de décembre (www.gastronomiz.com), un concept pour les adeptes de découvertes culinaires à petits prix, William Pradeleix propose de remplacer le foie gras par une terrine accompagnée d'un «oeuf parfait» (cocotte) et de chips de pain au parmesan. Il livre aussi ses secrets pour une bûche aux marrons et au chocolat et un moelleux au chocolat fleur de sel et mousse au café.
Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement, est un adepte des dîners de Noël «écolos succulents, bios et faciles à réaliser». «Mais à une condition, prévient-il: bannir les produits dits de luxe à bas prix, qui cachent toujours un problème« et «se faire plaisir avec des produits locaux, de saison et de qualité».
Truites, châtaignes et symbolique
Plutôt qu'un saumon fumé de mauvaise qualité, il suggère «une truite d'élevage française avec des blinis faits maison et de la crème montée, suivie d'une volaille élevée dans de bonnes conditions et achetée à un petit producteur avec des purées de panais, potimarron, châtaignes et carottes soufflées au four et croustillantes sur le dessus», un sorbet au citron et un gâteau aux poires caramélisées en dessert «pour moins de 20 euros par convive sans la boisson».
«Mais c'est accepter de prendre un livre de recettes et d'y passer un peu de temps», souligne M. Hartmann. Ce qui a pour autre avantage de «gaspiller moins et de développer l'art d'accommoder les restes». «Dans un pays qui a le goût de la bonne bouffe c'est merveilleux! Nos voisins anglais n'ont pas cette chance!», ajoute-t-il. Ce défenseur de l'environnement prône aussi le retour aux «traditions régionales» comme les mendiants à base de noix, dattes, figues, amandes et raisins secs....
Sociologue de l'imaginaire et fondateur de l'institut Eranos du «manger ensemble», Stéphane Hugon, est plus catégorique. Pour lui, «Noël échappe à toute rationalité et on s'endettera de toute façon que l'on mange tout préparé ou pas, des produits achetés en grande surface ou provenant des meilleurs traiteurs ou producteurs locaux». Car ce moment, très particulier dans l'année anthropologiquement, explique-t-il, «est une sorte de bascule entre une mort symbolique (la fin de l'automne et l'hiver) liée à la nuit et une promesse de renaissance (avec le retour de la lumière et des beaux jours)».
«Noël c'est du symbolique, c'est un moment où on va refusionner avec les autres, où on va reconstituer l'espace social, familial ou communautaire, et dans ces moments-là, la raison disparaît», analyse-t-il. «Il y a une dimension magique car il y a un besoin de réenchantement et une résonance sociale et culturelle très forte surtout dans des sociétés anxiogènes. Chacun veut théâtraliser son repas de Noël. C'est une manière de rattraper ce qui nous mange au quotidien, particulièrement en temps de crise», poursuit-il, évoquant cependant le succès des émissions culinaires télévisées.
«Le repas de Noël c'est un monde miniaturisé. Pendant un temps limité, on a le sentiment de maîtriser et de réinvestir l'espace, particulièrement en France où il y a un début, un milieu et une fin de repas, ce qui nous permet plein d'alternatives, nous sauve de l'obésité, de l'ennui et de l'absurdité.»