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Alimentation: locavores vs gratuivores

Repenser notre façon de nous nourrir: telle est l'invitation que nous lancent les mouvements locavores et gratuivores. Chacun d'eux a développé ses réponses au défi du temps, à savoir: consommer local.

Chez les locavores, c'est sur la définition de cette notion de proximité géographique que s'affrontent les différentes tendances. Les puristes l'évaluent à un rayon de 150 à 200 kilomètres de leur lieu d'habitation. C'est d'ailleurs le parti qu'a adopté la chaîne de télévision France 5 cet été dans sa série 200 kilomètres à la ronde. Celle-ci mettait en scène cinq foyers français résidant en région Midi-Pyrénées obligés de se nourrir exclusivement de produits locaux pendant un mois. Résultat: des scènes les montrant par exemple sur une plage occupés à faire évaporer de l'eau de mer pour obtenir du sel. De quoi se demander si la dépense énergétique occasionnée par cet exercice ne justifie pas l'achat d'un kilo de sel, même provenant de l'autre bout de la France.

C'est exactement ce qui amène la conseillère nationale Verte Adèle Thorens-Goumaz à prôner la modération en la matière. Consommer local, d'accord, mais pas question de tomber dans le jusqu'auboutisme, ni de renoncer aux bananes, au café ou aux mangues. «Lorsque j'achète ce genre de produits que l'on ne trouve pas chez nous, je privilégie le bio. Pour le café, je n'ai pas de machine à capsules, je le choisis dans une gamme du commerce équitable et je le mouds moi-même.» Sa philosophie de consommation est d'acheter «local ce qui est produit en Suisse, et de consommer en quantités raisonnables ce qui vient de loin».

Isabelle Chevalley, conseillère nationale libérale vaudoise et membre fondateur du Parti Vert’libéral vaudois, partage son avis: «Entre une pomme vaudoise et une d’Afrique du Sud, ma décision est vite prise», lance-t-elle. Cette envie de produits locaux, les grands distributeurs l'ont aussi ressentie. «Dire qu'un aliment est d'origine suisse ne suffit plus, constate Sabine Vulic, porte-parole de Coop. Aujourd'hui, les consommateurs exigent presque qu'il ait poussé devant leur porte. Ils associent la notion de proximité à la fraîcheur et à la qualité. En 2004, nous avons lancé une gamme régionale également labellisée bio, ceci de façon à proposer une valeur ajoutée nous distinguant de la concurrence. Actuellement, elle comprend une centaine de produits, surtout laitiers, provenant de 35 régions suisses. Par ailleurs, 200 sortes de fruits et légumes bio issus de 9 régions suisses arrivent en rayon selon les saisons.»

La Lausannoise Adèle Thorens-Goumaz fait régulièrement son marché dans la capitale vaudoise. Elle y achète des fruits et légumes généralement produits à moins de 30 kilomètres. Pour elle, consommer local n'est pas uniquement une question de traçabilité et de fraîcheur, c'est «une façon de tisser des liens avec les producteurs. Ils dispensent volontiers des conseils sur la façon de cuisiner leurs produits, ce qui est très agréable», souligne-t-elle.

Manger, un droit

La démarche gratuivore (en anglais, «freegan»), qui consiste à chercher sa nourriture dans les poubelles des supermarchés de son quartier est plus radicale. Elle a vu le jour en 1999 dans un pamphlet signé Warren Oaks, un ex-musicien punk. Il y développait l'idée que les besoins élémentaires de l'homme – respirer, manger, boire, se mettre à l'abri des agressions – devraient pouvoir être satisfaits gratuitement. Ceci l'amenait à prôner le squat et le glanage de restes, notamment des invendus de la grande distribution.

«J'ai beaucoup de mal avec cette idée de gratuité, avoue Adèle Thorens-Goumaz. Selon moi, c'est une mauvaise réponse à une bonne question. Je préfère militer pour des salaires corrects afin que les gens aient de quoi se nourrir, et payer les producteurs pour qu'ils puissent faire leur travail dans des conditions décentes. Car tout a un coût, notamment dans l'alimentaire. Les denrées nécessitent du travail pour être produites. Cela n'a rien à voir avec l'air que l'on respire. Je paie mes fraises plus cher, mais sais qu'elles ont été cultivées et ramassées dans des conditions correctes et non par des ouvriers travaillant dans des conditions proches de l'esclavage.» Elle relève toutefois un point positif dans la démarche: «Manger dans les poubelles a quelque chose de provocant, de choquant et, dans ce sens, cela peut faire bouger les choses. Une partie du message est «halte au gaspillage», un propos auquel j'adhère. J'ai par contre un doute sur la façon de faire passer cette idée.»

Ces délicieux périmés

Plus radicale, Isabelle Chevalley soutient les gratuivores. «Le système a basculé dans l'absurde, il ne faut pas s'étonner qu'il déclenche des réactions absurdes. On a perdu notre bon sens, lâche-t-elle. On jette beaucoup trop de choses, notamment à cause des dates de consommation. Or, nombre de produits sont encore très bons même lorsque celle-ci est largement dépassée. J'ai mangé l'autre jour un yaourt qui était périmé d'un mois, il était encore très bon! J'ai même fait du freeganisme après la visite d'une entreprise qui produisait notamment des choux-fleurs! J'ai repéré en sortant, des cageots de ces légumes qui ne semblaient pas destinés à la consommation. J'ai posé la question au producteur qui m'a confirmé qu'il s'en débarrassait. Je les ai emmenés, et je vous garantis qu'ils étaient excellents!»

En juillet dernier, la RTS a révélé deux études menées en parallèle par les chercheurs João Almeida de l’Université de Bâle et Claudio Beretta de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Celles-ci montraient que les consommateurs sont les principaux responsables du gaspillage alimentaire, générant à eux seuls 46% du total des pertes. Dès lors, s'attaquer à la grande distribution, n'est-ce pas se tromper de cible? Selon cette étude, les distributeurs seraient responsables de 2% des déchets, le commerce de détail de 4%. Des chiffres que confirment nos géants de la distribution. Migros estime sa part d'invendus à 2%, Coop à 1,5%. La majeure partie de ces invendus va à Table Suisse, qui récupère la nourriture excédentaire auprès des producteurs, grossistes et grandes surfaces avant de la redistribuer à des institutions sociales en charge de personnes touchées par la pauvreté.

Autre bénéficiaire: Table couvre-toi, qui s'occupe également de remettre des denrées alimentaires aux nécessiteux. «Ceci pour autant que les dates de consommation soient valables», précise Sabine Vulic, porte-parole de Coop. Elle ajoute que «lorsque les dates des produits sont dépassées, ils sont transformés en nourriture pour animaux, compostés ou valorisés sous forme de biogaz… C'est donc moins de 0,5% du total des denrées en vente qui finit à la poubelle, en grande partie pour des raisons légales.» Un chiffre qui semble infime, mais qui fait bondir Isabelle Chevalley: «0,5% des denrées vendues dans les succursales de Suisse, combien de tonnes de nourriture est-ce que cela représente? C'est un immense gaspillage!»

Le gaspillage à enrayer

Pour tenter d'enrayer ce gâchis, la libérale a déposé une interpellation au Parlement en mars dernier, demandant au Conseil fédéral de s'intéresser à cette question du gaspillage alimentaire en Suisse. On y lit qu'«en janvier 2012, le Parlement européen a adopté une résolution demandant des mesures urgentes en vue de réduire de moitié le gaspillage alimentaire d'ici 2025 et d'améliorer l'accès aux aliments pour les personnes démunies. Les députés européens demandent même de déclarer l'année 2014 «Année européenne contre le gaspillage alimentaire» (…) Nous savons que la demande en produits alimentaires sera croissante à l'avenir. Nous ne pouvons plus nous permettre de rester dans l'inaction, alors que des aliments sains et comestibles sont jetés à la poubelle. Il s'agit non seulement d'un problème environnemental, mais également d'un problème éthique, économique et social.» A quoi le Conseil fédéral a répondu «[être] conscient de la dimension à la fois sociale et éthique du problème [et] aussi [reconnaître] que la réduction des déchets alimentaires recèle un potentiel non seulement écologique, mais également économique.» Le gouvernement réfléchit à des pistes pour approfondir la question. Objectif: «Réduire le volume de ces déchets au moyen de stratégies et mesures appropriées, et mieux valoriser les déchets qu'on ne peut éviter.» Une affaire à suivre.

Le message à retenir chez les locavores comme chez les gratuivores est sans doute leur dénonciation des dérives du système. Qu'ils attirent notre attention sur la perte du lien entre producteur et consommateur ou nous mettent en garde contre le gaspillage et l'hyperconsommation, ces modes de consommation nous invitent surtout à la réflexion. A nous ensuite de voir si nous avons envie de repenser notre façon de nous nourrir ou de prendre en compte la manière dont les aliments arrivent dans nos cuisines.

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Peter Dazeley/Getty Images
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