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Je suis arrivée à l’aéroport de Newark le jeudi 25 octobre 2012 en soirée

J’ai pris un taxi pour Hoboken, dans le New Jersey, juste en face de l’île de Manhattan. Tim, l’ami qui m’hébergeait, m’a alors annoncé qu’un ouragan menaçait, que les médias en faisaient des tonnes, dans le genre «fin du monde». Lui n’était pas trop inquiet, il se rappelait comment les gens avaient paniqué avant l’ouragan Irene l’an dernier, finalement avec peu de conséquences… Il m’a tout de même conseillé de m’acheter des bottes de pluie «au cas où»!

Le lendemain, j’ai pris le Path train, cette ligne hyperutilisée qui rejoint le cœur de Manhattan en à peine dix minutes. Je me suis baladée autour de la 14e rue, le temps était maussade, mais normal en apparence. Le week-end, je suis retournée dans le quartier de Williamsburgh à Brooklyn, où j’avais vécu six mois il y a de ça dix ans. J’étais un petit peu inquiète, sans plus. Le dimanche matin, j’ai accompagné Tim à sa boutique de guitares pour aller sur internet. J’ai alors appris que les autorités avaient ordonné l’arrêt du train et du métro pour 19 heures le jour même. Là, j’ai compris que c’était sérieux, et je me suis mise à flipper un peu.

J’ai profité de vite aller me promener encore une fois à Manhattan!

Je regardais beaucoup le ciel, il était menaçant, on voyait bien que «ça» arrivait. Je suis rentrée à Hoboken, me suis acheté des bottes à 20 dollars (très jolies), et ai fait quelques provisions au supermarché, acheté de l’eau, des pâtes. J’ai commencé à voir des gens qui mettaient du scotch sur leurs fenêtres, des commerçants qui barricadaient leur devanture avec des planches de bois.

Comme dans les films

Le soir, nous sommes allés au restaurant, et tout le monde ne parlait que de Sandy. Quand nous sommes rentrés à la maison, l’ambiance était très ville fantôme. Durant la nuit, il a plu, il y a eu du vent, je me suis dit que c’était peut-être ça, Sandy.

Le lundi matin, le vent et la pluie étaient toujours là. Les autorités prévoyaient que le gros de l’ouragan nous tomberait dessus dans la nuit. Un couvre-feu a même été instauré: 16 heures pour les voitures, 18 heures pour tout le monde. Il y avait des patrouilles de police partout dans les rues. Nous, on a installé deux fauteuils face aux fenêtres et on a regardé le spectacle.

La première coupure de courant, pendant que je cuisinais des pâtes aux brocolis sur une cuisinière à gaz (!), n’a pas duré longtemps. On a mis des bougies, l’électricité est vite revenue, on a mangé. Puis on s’est mis à regarder un film de Bergman, un peu compliqué, surtout en anglais, quand tout s’est à nouveau éteint. Dehors, ça commençait bien à péter, on s’est réinstallés devant les fenêtres, c’était drôlement plus vivant que le film. Il ne pleuvait pas énormément, mais il y avait des rafales très fortes et de drôles d’éclairs verts dans le ciel. Tout ça sans le bruit du tonnerre. Malgré le couvre-feu, nous sommes allés à pied jusqu’à l’Hudson River secouée par les vagues.

En face, dans la tempête, la silhouette de Manhattan se dressait

On est vite rentrés... Au lit vers 1 heure du matin, je flippais un peu, et je n’arrêtais pas de recevoir des SMS de mes proches en Suisse, qui s’inquiétaient. Mardi matin, toujours pas d’électricité, pas d’eau chaude, pas de chauffage. Le temps s’étant calmé, nous sommes sortis et avons vu les dégâts. Arbres déracinés, rues sous l’eau, caves inondées…

Heureusement, Jeff et Dorothy, des amis à Tim qui vivent à Jersey City, faisaient partie des 25% de chanceux qui avaient encore l’électricité, et ils nous ont invités à venir chez eux. Nous nous y sommes rendus à pied évidemment, comme il n’y avait plus de transports publics. Cela nous a pris une heure. Un seul restaurant avait du courant dans tout le quartier, le Coach’s house, alors il est devenu notre stamm. Il était toujours plein de monde qui venait soit manger, soit juste recharger leur téléphone! C’est ce qui m’a le plus marquée de cet épisode: la solidarité. Ceux qui avaient l’électricité offraient du thé chaud aux passants et mettaient à disposition des fiches multiprise pour que tout le monde puisse recharger son téléphone.

Nous avons tué le temps en regardant des films de David Lynch

On trouvait que ça allait bien avec l’atmosphère… et finalement, jeudi, nous avons pu prendre un bus navette pour aller à Manhattan. Je tenais à voir l’exposition consacrée à Andy Warhol, et le Lincoln tunnel (ndlr: l’un des tunnels qui relient l’île de Manhattan au continent) avait rouvert. Alors que Manhattan, dans toute sa partie inférieure, était plongé dans le noir, nous avons débarqué sur une 42e rue illuminée, avec les magasins ouverts, des gens qui se promenaient comme si rien n’était arrivé! On hallucinait.

On a donc pu voir notre expo et retourner encore sans trop de problème à Jersey City. Le lendemain, samedi, je suis allée à l’aéroport de Newark prendre mon avion pour Genève. J’étais partie en touriste, je me suis retrouvée réfugiée dans un appartement au milieu de la tempête…

J’ai eu une chance monstrueuse, j’en suis consciente

Je n’ai certes pas fait tout ce que je voulais, mais j’ai rencontré plein de gens extraordinaires, dont Jeff et Dorothy qui nous ont hébergés. Toute cette solidarité, cette amitié dont j’ai été témoins, ça fait chaud au cœur, surtout quand on est à l’autre bout du monde. Et nous avons ri aussi.

A chaque fois que nous étions témoin d’une scène absurde, nous levions les épaules, l’air blasé, en nous disant «It’s a hurricane», c’est un ouragan, comme si c’était ce qu’il y a de plus banal. Je ne minimise pas les dégâts, les souffrances que Sandy a entraînés, non seulement aux Etats-Unis mais aussi à Haïti par exemple, mais il est vrai que l’humour nous a aidés à tenir le coup. Et les films de David Lynch!»

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