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J’étais contre l’avortement

Comme toutes les petites filles qui rêvent de devenir un jour maman, développer un lien fort et intime avec mon enfant me semblait naturel et légitime. Jamais je n’avais imaginé tomber enceinte par accident à 20 ans et être alors contrainte de prendre une décision aussi radicale – de vie ou de mort. Début 2013, une fois ma grossesse confirmée, personne dans mon entourage n’a plaidé en faveur de l’enfant. Quand j’ai compris que j’étais seule face à cette responsabilité, la panique m’a submergée.

Dans l’urgence et sans écouter la petite voix dans le fond de mon être qui me disait «garde-le!» j’ai choisi d’avorter. Je voulais me libérer au plus vite, tourner la page. Je n’ai pas pris le temps de mesurer les conséquences de mon acte. Aujourd’hui, un an après, je tente de faire enfin le deuil de cette épreuve qui m’anéantit. Tout ce que je vis et entreprends en ce moment me transforme. Je grandis et mûris rapidement… Mais à quel prix!

J’ai cessé de prendre la pilule

Mon histoire d’amour avec Pedro a débuté très gentiment, en 2012, au cours d’une grillade entre amis. Je vivais alors chez mon père, avec qui j’ai toujours eu une relation fusionnelle, maman restant ma confidente numéro 1. Ma relation avec Pedro connaissait des hauts et des bas, avec de nombreux ajustements entre mon rythme d’étudiante et sa vie d’ouvrier agricole.

En fin d’année, j’ai décidé d’arrêter la pilule car j’avais des sautes d’humeur et des saignements répétés. Ma gynéco n’étant pas favorable au stérilet, Pedro et moi avons opté, lors de nos rapports, pour la méthode du retrait. Un soir, on n’y a pas fait attention. Je n’ai pas pensé à prendre la pilule du lendemain, parce que c’était la fin de mes règles.

Premier symptômes

Un premier soupçon m’a traversé l’esprit en févier 2013 alors que nous fêtions mon anniversaire en discothèque. Je me sentais ballonnée, l’alcool m’écœurait. Peu de temps après, mon chat est venu se coller sur mon ventre et m’a léchée, ce qui n’était pas du tout dans ses habitudes. J’ai fait un test de grossesse chez ma mère. Face au résultat positif, je me suis sentie tout à la fois heureuse et désespérée. Je n’arrivais pas à y croire.

Maman m’a signifié que le choix de garder ou non le bébé me revenait. Dans ma tête, c’était le tourbillon. Le garder, oui, et trouver plus tard une solution pour mes études. Pour ça, j’avais besoin de l’appui financier de mon père, mais notre conversation a tourné court. Nous nous sommes disputés et j’ai claqué la porte de la maison. J’étais complètement perdue. Pedro tout autant que moi. Nous n’avions clairement pas les moyens d’élever ce bébé.

Deux semaines! C’était le délai qui me restait pour prendre une décision

Passé ce cap, plus question d’avortement par médicament. Je n’arrivais plus à réfléchir, il fallait juste faire vite, très vite. Alors j’ai choisi. Le 19 mars 2013, accompagnée de maman, j’ai pris une première pilule à l’hôpital de Morges, pour mettre fin à la vie du fœtus. C’était dur, je me sentais comme un numéro parmi d’autres. Deux jours plus tard, j’ai avalé la seconde pilule, qui allait provoquer les contractions et l’expulsion. Je pleurais sans arrêt. La douleur était à la fois physique et mentale. Mais au final, je me sentais quand même soulagée.

C’était fait! Je me suis reposée deux semaines chez Pedro avant de retrouver mon père, avec lequel j’ai fait la paix. Puis ma vie a repris son cours. Avec l’école, mais sans Pedro: entre-temps, je l’avais quitté car il me rappelait trop cette épreuve. C’est seulement trois mois plus tard que j’ai repris contact avec lui, pour qu’il m’aide à faire le deuil du bébé. Sur les berges du lac de Morges, nous avons improvisé une petite cérémonie: nous avons jeté solennellement dans les flots une bouteille, lestée d’un caillou, qui contenait l’échographie.

Changement de perspective

Je pensais la page définitivement tournée, mais j’ai pris la claque en février 2014. Près d’un an après mon avortement, tout m’est revenu de plein fouet. Je me faisais un cinéma pas croyable en imaginant ce bébé. Et c’est avec un sentiment de honte et de culpabilité que je croisais les femmes enceintes et les jeunes couples avec leur poussette... J’ai éprouvé le besoin de me rapprocher de Pedro, mais aussi de Dieu.

La Maisonnée, près de Morges, où des personnes se retrouvent chaque lundi pour lire et comprendre ensemble la Bible, m’a offert son écoute. Dieu, en qui je ne croyais pas spécialement, a soudain comblé un vide. Puisqu’il avait un plan pour chacun, je n’étais donc pas là pour rien... Ce changement de perspective m’a aidée à avancer. Par l’entremise de la Maisonnée, j’ai pris rendez-vous avec l’association S2V et j’ai entrepris avec des thérapeutes un processus de deuil. Pour comprendre, accepter, me pardonner.

Aujourd’hui, je me reconstruis

J’essaie de me rappeler tout ce qui s’est passé. J’en ai besoin, mais c’est flou. Une fois que j’irai mieux, j’aimerais aider d’autres femmes en leur apportant mon témoignage. Pedro et moi renouons avec une vie de couple plus sereine. Il m’aide aussi à retrouver le chemin de ma féminité. Il y a quelque mois encore, j’associais sexualité et bébé, règles et avortement. J’ai demandé à Pedro d’être plus câlin et plus tendre pour passer ce cap. Notre relation évolue dans le bon sens. C’est sûr, il est l’homme de ma vie! Je suis actuellement à la recherche d’un stage, prérequis indispensable pour le Bachelor d’éducatrice que je souhaite entamer en 2015.

Une formation en quatre ans et en emploi, pour avoir un pied dans la vie active. Ce projet, qui me permettra de travailler plus tard avec des ados ou des handicapés, ne suffit pas à me rendre heureuse. Ma souffrance est permanente. Je vis dans la peur d’oublier et cela m’empêche d’avancer dans mon processus de deuil. Pourtant, au fond de moi, j’ai déjà compris que l’on n’oublie jamais. La cicatrice sera toujours visible, mais viendra le moment où elle ne fera plus mal... Un jour, je serai prête à accueillir un enfant. J’écouterai alors mon cœur pour savoir si je peux, ou non, partager avec lui l’histoire de mes 20 ans…

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