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Reine du crime

Un docu sur la vie secrète de la talentueuse Mrs Highsmith

Un docu sur la vie secrete de la talentueuse mrs highsmith Copyright Ellen Rifkin Hill Courtesy Swiss Social Archives 2

Loving Highsmith raconte le parcours de Patricia Highsmith par le prisme de l’amour. Fan de la romancière américaine? L'adaptation cinématographique d'Eaux Profondes, avec Ben Affleck et Ana de Armas, est disponible sur Amazon Prime Video.

© ELLEN RIFKIN HILL/COURTESY SWISS SOCIAL ARCHIVES

Le talentueux Monsieur Ripley, L’inconnu du Nord Express, Eaux profondes, Le cri du hibou… Que ce soit via ses best-sellers ou les adaptations filmiques et télévisuelles qui ont été faites de ses romans, Patricia Highsmith est aujourd’hui l’une des auteures les plus connues au monde. Enfin quand on dit connue… il convient de relativiser.

Car si l’on sait les grandes lignes de sa vie ou l’importance qu’elle a eu dans le développement du roman à suspense par sa maîtrise absolue de la «psychologie du mal», de nombreuses facettes de sa personnalité sont méconnues du grand public. Et ce sont justement certaines de ces zones d’ombre que met en lumière le remarquable documentaire Loving Highsmith (en salles dès le 13 avril 2022).

Présenté en ouverture des Journées de Soleure 2022, en janvier dernier, ce film partiellement produit par SRF et RSI et réalisé par la Bâloise Eva Vitija offre en effet un éclairage inédit en racontant le parcours de cette grande dame par le prisme de l’amour. Celui qu’elle recherche désespérément dans les yeux de sa mère, quitte à se renier. Celui, charnel, qu’elle trouve dans les bras d’amantes de passage. Celui, aussi, de ses amoureuses qui, souvent, ne peuvent comprendre ou supporter son caractère complexe, ses paradoxes, son alcoolisme et sa dualité - coincée qu'elle est entre sa liberté fondamentale et les conventions d’une société patriarcale et hétéronormée.

Bref, basé non seulement sur ses notes et journaux intimes (récemment publiés) mais aussi sur les témoignages de proches, ce docu offre une plongée vertigineuse dans l’intimité artistique et amoureuse de Patricia Highsmith - sans tabou ni faux-semblants. Survol…

Le rejet maternel

Quand elle naît en janvier 1921, au Texas, sa mère, Mary, vient de divorcer. Et part vivre à New York avec son nouveau conjoint, confiant la petite à sa grand-mère. Celle-ci sait visiblement y faire puisque Patricia déclare: «J’ai d’excellents souvenirs de mes six premières années…» Mais voilà qu’un beau jour, Mary décide de récupérer sa fille et l'emmène à New York. Pour quelle raison? Mystère. Une chose est certaine: elle n’aime pas Patricia. Elle va même jusqu’à lui dire ne pas avoir voulu d’elle et tenté d’avorter en avalant de la térébenthine. Malgré ce rejet, qu’elle ne digérera jamais, «Pat» adore sa mère et écrira même dans son carnet: «Je suis mariée à elle et je n'épouserai jamais personne d’autre…»

Quoi qu’il en soit, elle suit une scolarité normale. Et ses sens s’éveillent. Comprenant qu’elle est attirée par les femmes, elle se désespère, sachant que cela déplaît profondément à Mary qui ne cesse de la houspiller et de lui mettre la pression. Pour faire plaisir à cette mégère, Patricia sort donc avec un garçon - une expérience qui lui fait écrire: «L’embrasser, c'était comme tomber dans un seau plein d’huîtres!» Mais les années passent. En 1942, passionnée par l’écriture, elle sort diplômée de l'université Columbia et, deux ans plus tard, publie une nouvelle, L'Héroïne, dans le magazine Harper's Bazaar - qui lui vaut un prix - avant de s'atteler à son premier roman, L'Inconnu du Nord-Express, qui sort avec succès en 1950 et dont les droits d’adaptation cinématographique sont immédiatement achetés par Alfred Hitchcock. La machine à best-sellers est lancée…

© TIETGENS/COURTESY OF KEITH DE LELLIS

La double vie

Elle est homosexuelle, la cause est entendue. Pourtant, à cause de sa mère et, dans une moindre mesure, de cette société américaine pudibonde qui ne saurait l’accepter et risquerait de compromettre sa carrière, elle essaie de «changer». Suit une psychanalyse. A des relations sexuelles avec des hommes même si, pour elle, cela revient à «se frotter le visage avec de la paille de fer». Rien n’y fait.

En 1952, bien qu’elle mène maintenant une vie de soirées folles et de relations souvent éphémères, parfois plus durables, sans cesse entre l’Europe et les Etats-Unis, elle n’assume pas publiquement son être. Si bien que cette année-là, tandis qu’elle crée parallèlement son personnage le plus emblématique, Tom Ripley, elle publie ce qui sera son seul roman d’amour lesbien, Le prix du sel. Il fait scandale: il est inimaginable pour l'époque qu'une histoire de relation homosexuelle finisse bien! Elle n'est pas directement touchée: fine mouche, elle a écrit sous pseudonyme - surtout pour éviter le conflit avec Mary. Loupé - celle-ci le découvre par hasard. Le choc est violent et Patricia décide alors de couper tout lien avec sa génitrice. Cela dit, elle attendra 1990, cinq ans avant sa mort, pour ressortir cette œuvre sous son vrai nom - mais avec un nouveau titre, Carol, adapté en 2015 au cinéma. Malgré cela, elle continue à mener une double vie qui lui pèse. Ce dont témoignent d’ailleurs Marijane Maeker, Monique Buffet et Tabea Blumenschein, trois des amantes et amies de Patricia. Mais elle fait avec, transcende son malaise et s’en sert dans ses livres, jouant allègrement sur le trouble et le non-dit.

L’amour avec un grand A

Si Patricia Highsmith papillonne, passe d’une histoire à l’autre avec une certaine désinvolture, elle n’en est pas moins en quête de l’amour avec un grand A. Et elle le trouve. A plusieurs reprises. Notamment avec Marijane Meaker, auteure de lesbian pulp fiction, avec qui elle vit en Pennsylvanie entre 1959 et 1961. Et surtout avec «Caroline», une Anglaise mariée dont la véritable identité n’a jamais été révélée - mais qui reste probablement la femme de sa vie. Dans les années 60, les deux amoureuses s’offrent des escapades secrètes à Paris. Mais pour être plus près d’elle au quotidien, Patricia s’installe en Grande-Bretagne. Le bonheur ne dure pas: petit à petit, l'écrivaine suffoque sous le poids du secret. Elle finit par rompre - et ne s’en remettra jamais complètement. Dans les années 70, de plus en plus mal - «Je suis maintenant cynique, assez riche… seule, déprimée et totalement pessimiste», écrit-elle par exemple dans son journal en janvier 1970 - elle vit en France. Elle y aura des relations passionnelles - comme avec Tabea Blumenschein, artiste berlinoise beaucoup plus jeune qu’elle, et qui témoigne dans Loving Highsmith. Ou avec la traductrice française Monique Buffat, à qui elle dédie Sur les pas de Ripley. Début 80, suite à une traumatisante affaire de fisc, elle quitte le village de Moncourt et débarque au Tessin. C’est là qu’elle meurt en 1995, entourée de ses chats…

© KEYSTONE MAGNUM/REN BURRI

Et encore...

  • La Commission du film du Tessin a annoncé qu’un second documentaire sur Patricia Highsmith est en cours de production et devrait prochainement sortir.

  • Adapté pour la première fois au cinéma par René Clément et Paul Gégauff en 1960, Le talentueux Monsieur Ripley va devenir une série pour Showtime. Un projet porté par le trio Andrew Scott, dans le rôle de Ripley, Johnny Flynn et Dakota Fanning.

  • Une nouvelle adaptation d’Eaux profondes est disponible sur Amazon Prime Video, avec Ben Affleck et Ana de Armas (James Bond 007: Mourir peut attendre).

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