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Récit

Si les héroïnes de l'histoire vivaient en 2021: le regard de Lucy

Si les heroines de lhistoire vivaient en 2021 le regard de lucy

«Nan mais j’hal…lucy…ne! C’est quoi, ce monde? Bon, d’accord, j’ai dormi plus de 30'000 siècles. Mais là, ça dépasse largement tous mes rêves. Enfin, quand je dis mes rêves… mes cauchemars, plutôt. Parce que franchement, c’est terrifiant! À tous points de vue.» - Paroles de Lucy en 2021, selon Saskia Galitch

© Palm Illustrations

Cher Professeur,

Je vous remercie de votre adorable lettre et suis ravie de savoir que vous êtes en pleine forme et que vos recherches sur mes cousins – vos ancêtres – avancent bien. Grand merci, aussi, de m’avoir envoyé le disque des Beatles. Je l’ai écouté avec beaucoup d’attention et vous avoue être très, très flattée de devoir mon prénom à ce merveilleux Lucy in the Sky with Diamonds. Je l’adore… même s’il manque un peu de percus «sauvages» à mon goût!

Au passage, je vous prie par avance de bien vouloir m’excuser: je ne suis pas sûre que le système de traduction australopithèque-homo sapiens que vous m’avez fait parvenir l’autre jour fonctionne vraiment à 100% et, comme je ne suis pas capable de contrôler, il risque d’y avoir des bêtises et des fautes. Nos langues respectives sont tellement différentes! Mais bon, partons du principe que cette «intelligence artificielle» (pfff… quelle notion incompréhensible pour moi!) fait bien le job et transcrit correctement ce que je dis!

Cela étant posé: puisque vous me le demandez, je vais essayer de vous expliquer le plus simplement possible ce que m’inspire votre époque. Pour ce faire, le plus simple, je pense, est de vous faire lire un petit mémo que je me suis écrit à moi-même. Le voici donc:

«Votre mode de vie? L’angoisse!»

«Nan mais j’hal…lucy…ne! C’est quoi, ce monde? Bon, d’accord, j’ai dormi plus de 30 000 siècles. Mais là, ça dépasse largement tous mes rêves. Enfin, quand je dis mes rêves… mes cauchemars, plutôt. Parce que franchement, c’est terrifiant! À tous points de vue.

D’abord, il y a vous. Oui, oui, vous, les homo sapiens, avec vos faciès ovoïdes, vos énormes nez, vos corps de géants sans poils, vos tout petits bras et vos jambes longues comme un jour sans igname.

En plus, non seulement vous vous recouvrez de trucs complètement improbables, y compris sur vos visages, mais vous marchez debout comme des automates, brrrr… ça me fait froid dans le dos! Je ne voudrais pas être désagréable, mais de mon temps, on vous aurait qualifiés de monstres ou d’erreurs de la nature – et je pèse mes mots! Oh, je sais, je sais, on m’a déjà expliqué toutes les théories possibles et imaginables sur l’évolution des espèces, l’adaptation au milieu et blablabli-blablabla. N’empêche que pour moi, vous êtes totalement disproportionnés. Et laids à faire peur. Si, si, carrément.

Et puis il y a votre manière de vivre… L’angoisse absolue! A mon époque, on faisait avec ce qu’on avait sans se prendre la tête (qu’on avait petite… serait-ce pour ça?!) En gros, un bel acacia où s’accrocher, une petite grotte pour s’abriter et pif-pouf, ça le faisait. On y vivait à deux, trois, ou quatre, peu importe, on n’était pas trop regardants quand il s’agissait de lutiner sans barrières…

On avait des plaisirs simples et naturels! Evidemment, il fallait parfois travailler du gourdin pour pouvoir rester heureux auprès de notre arbre et virer les gêneurs, on n’avait pas gaz – et – chauffage à tous les étages, pas de confort, pas de machins et de trucs pour nous faciliter le quotidien, on galérait pour trouver à manger, et le moindre bobo pouvait nous être fatal. Mais au moins on était libres. Vous, non!

Agglutinés dans ces fausses forêts en pierre, en béton et en verre qui poussent de partout et que vous appelez villes ou villages, vous passez votre vie à bosser pour gagner des sous (quelle hérésie, ces concepts!) et êtes complètement aliénés par vos (pseudo-) besoins, vos envies d’avoir plus, toujours plus.

En fait, quand je vous regarde, j’ai l’horrible impression de me trouver au milieu d’une armée de quasimodos aussi excités que des termites qui sentent l’orage.

Le professeur m’a bien entendu raconté dans le détail le pourquoi du comment de tout ce tralala. J’essaie sincèrement de comprendre ce que vous êtes devenus aujourd’hui. Et de voir tous les points positifs de ces évolutions: santé, sciences, technologies, communication… Il a sans doute raison – qui suis-je, moi, pauvre créature de la Préhistoire, pour juger vos sociétés. En attendant, ce que je constate, c’est que tous ces progrès vous ont rendus super-arrogants: vous pensez tout maîtriser, ou presque. Alors que fondamentalement, vous ne contrôlez pas mieux vos instincts primitifs que moi. Et ça, si je me réfère à moi et aux miens… ça n’est pas très rassurant!»

Voilà, cher professeur. Ce n’est peut-être pas jouasse, mais c’est ce que je ressens au plus profond de moi.

Australopithèquement vôtre, Lucy

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