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Rencontre avec Salomé Kiner, autrice de «Grande Couronne»

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«Ce besoin d’écrire est né d’un réel complexe d’ubiquité quand j’étais enfant. J’avais l’impression que je n’allais jamais rien vivre, je me sentais pieds et poings liés, j’avais la sensation d’être coincée dans la banlieue quelconque dans laquelle je vivais avec mes parents. Le journalisme m’a permis de vivre une multitude de vies différentes par procuration.» - Salomé Kiner

© Anne-Laure Lechat

Son roman déchaîne les passions dans les médias français, les plus prestigieux en tête de liste. A l’unanimité, tous s’accordent à partager leur coup de cœur pour le livre phare de la rentrée, celui d’une jeune autrice parisienne tombée amoureuse de Vevey, où elle s’est installée en 2015. Pile à l’heure au rendez-vous pris au Buffet de la Gare de Lausanne, Salomé Kiner a le regard qui brille intensément au-dessus de son masque. Ses yeux noirs sont soulignés à l’eye-liner bleu sur la paupière supérieure, souvenir de maquillage de la séance photos pour Femina.

I’m a Spice Girl, la serveuse aux reflets roux qui prépare nos cafés nous vante le slogan de son masque sanitaire. Salomé lui rétorque en riant: «Et alors, vous êtes laquelle?» A l’unisson, nous lui attribuons un «Ginger!» déclencheur de bonne humeur, auquel elle acquiesce fièrement. J’en profite pour demander à l’écrivaine de 35 ans quelle Spice Girl elle était. Sans hésiter, elle me répond: «Scary Spice», soit Mel B et ses tenues sexy sportives en imprimés léopard. Au passage, elle réhabilite Ophélie Winter, ex-idole des ados des années 1990 que les médias s’amusent à moquer aujourd’hui. Elle est comme ça, Salomé Kiner. Pas du genre à se ranger du côté des snobs et capable de citer une étoile filante du hit-parade avant de s’enflammer pour les visions du philosophe Roland Barthes, auteur de Mythologies. L’une n’empêche pas l’autre. Elle fait partie des rares personnalités médiatiques à l’avoir compris et à l’assumer pleinement.

D’ailleurs, en route pour Paris où elle sera l’invitée de Laure Adler dans son émission culte L’heure bleue sur France Inter, Salomé Kiner hésite à choisir Ophélie Winter comme accompagnement musical. Ce sera finalement Alliance Ethnik et Respect, pour son message en faveur du respect des femmes, et en écho direct aux playlists de l’adolescente de son livre, dont le récit se déroule en 1999. Comme la chanson de Prince. Le décor est planté. «Le roman est écrit à la première personne, explique Salomé Kiner. Il raconte deux ans de la vie d’une adolescente, entre ses 13 et 15 ans. Elle habite dans une banlieue pavillonnaire en région parisienne et rêve de s’acheter des fringues de marque pour pouvoir ressembler à ses copines et être invitée aux mêmes boums. En attendant, elle regarde les trains passer en direction de Paris. Comme elle n’a pas assez d’argent de poche, elle va trouver des solutions pour gagner de quoi acheter ces vêtements. C’est comme ça qu’elle sera introduite dans un réseau clandestin du collège, le groupe Magritte…» Elle n’en dévoile pas plus. Pour connaître la suite, il va falloir lire le livre.

Métaphore de l’écriture et clin d’œil au tempérament de combattante de son héroïne, Salomé Kiner pratique la boxe anglaise. «C’est un sport noble, respectueux de l’adversaire, basé sur la persévérance et l’entraînement, dit-elle. Un sport de combat qui se pratique dans les règles de l’art. J’aime quand les contraires s’harmonisent.

Dans Grande couronne, j’ai toujours veillé à opposer l’humour à la violence, à mettre de la lumière dans la détresse.»

Point de vue au féminin

Sans renier les auteurs américains masculins qui font partie intégrante de son éducation littéraire, ce premier roman évoque l’importance de parler du point de vue féminin. «A 20 ans, j’avais une vraie fascination pour Bukowski, Bret Easton Ellis, toute la Beat generation, observe-t-elle. Je ne me rendais absolument pas compte qu’il s’agissait toujours de regards d’hommes, assez durs, sur les prostituées ou certaines femmes aux sexualités surexposées. J’aurais aimé écouter la version de ces femmes dont ils dressent des portraits si terribles.»

Certaines écrivaines l’ont fait et trouvent grâce à ses yeux, à l’instar de Grisélidis Réal en Suisse, Kathy Acker ou Lydia Lunch à New York. Aussi, elle veut réhabiliter celles que la vindicte populaire désigne comme «la salope du bled» au moment de l’adolescence, cette phase de la vie tourmentée où l’on marche sur une crête hyper-aiguisée. «J’entendais les garçons raconter leur première expérience sexuelle, et c’était «on va chez la grande sœur de machin, elle te dépucelle en échange d’un CD». Ces mecs fanfaronnaient, et ces filles avaient mauvaise réputation. Alors qu’elles ressentaient peut-être une certaine fierté à le faire. Pourquoi pas? Elles marquaient la vie d’une personne à tout jamais!»

Mille et une vies par procuration

L’écriture, Salomé Kiner y est venue en lisant les mots des autres. Elle assouvit en partie son immense appétit de vie dans son métier de journaliste, qu’elle adore. «Ce besoin d’écrire est né d’un réel complexe d’ubiquité quand j’étais enfant. J’avais l’impression que je n’allais jamais rien vivre, je me sentais pieds et poings liés, j’avais la sensation d’être coincée dans la banlieue quelconque dans laquelle je vivais avec mes parents. Le journalisme m’a permis de vivre une multitude de vies différentes par procuration. En reportage, le temps d’une journée, tu te plonges dans la vie d’une créatrice de bijoux, d’un cultivateur d’insectes comestibles, d’un ouvrier de chantier, d’une personne trans* à Buenos Aires en train de reprendre ses études.»

Plus intéressée par l’autre que par elle-même, elle n’a que peu d’intérêt pour l’introspection et la connaissance de soi, des préceptes pourtant très à la mode. «Il n’y a rien que je préfère plus qu’une vieille dame qui me parle dans le bus et me raconte sa vie.» Quant à nous, on se languit de lire son tout premier roman.

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