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Rencontre avec Katia Delay, infatigable semeuse de culture

Katia Delay Maison Recit Brigitte Besson

Sa Maison du récit, c’est un peu l’illustration, aujourd’hui, de sa vision de l’art et de la culture, qui doivent avant tout être ce qui relie les gens.

© BRIGITTE BESSON

Katia Delay décrit volontiers sa maison comme «vivante, sans cesse réinventée». Une maison qui ne se la raconte pas, mais qui a pourtant mis le mot «récit» au centre de ses fondations. Des ateliers, des conférences, du théâtre-récit, des master classes… La Fadak, fondée en 2014 à Lausanne, est en effet revenue en période post-Covid sous le nom de Maison du récit, tel un phénix qui renaît non pas de ses cendres, mais plutôt d’une longue période de réflexion.

Scruter les manières avec lesquelles nous entrons en phase créative, mettre en lumière ce qui mobilise notre imagination, une douce obsession pour cette metteuse en scène de formation, qui a passé une quinzaine d’années dans les hautes sphères de plusieurs institutions culturelles romandes, en mode touche-à-tout, plongée dans le théâtre autant que dans les missions d’aide au développement. Est-ce sa petite enfance dans sa Kigali natale, au Rwanda, qui a façonné cette ouverture envers les autres?

«Je ne sais pas, je n’y suis pas restée très longtemps et j’en ai très peu de souvenirs, mais peut-être que la vie là-bas a malgré tout eu une influence sur moi dans un certain sens. Mon berceau était un bac en métal et ma mère recevait de l’eau potable comme cadeau de naissance, ce sont probablement des choses qui marquent une histoire de vie.»

Dire l'invisible

Revenue en Suisse, la jeune Katia ne cesse de voyager, de s’évader. À sa façon. Des livres, elle en «dévore des tonnes». Il y a aussi ces cours de théâtre, de danse ou de piano qui nourrissent cette précoce boulimique de culture. Elle aurait pu devenir concertiste, chorégraphe, mais c’est finalement l’univers des planches qui l’a séduite, au point d’y consacrer un Master au Canada.

«J’aimais ce côté multimodal du théâtre, en lien constant avec plusieurs disciplines et plusieurs dimensions de l’humain. Il y a les mots, certes, mais ils sont incarnés, il y a la voix, le rythme, le travail du corps, tout ce qui dit l’invisible.» Sa Maison du récit, c’est un peu l’illustration, aujourd’hui, de sa vision de l’art et de la culture, qui doivent avant tout être «ce qui relie les gens».

Une offre trop souvent mise en opposition, selon elle, à une certaine conception officielle de la culture «cultivée», qui attire d’abord ceux qui ont les codes. «Bien sûr, une telle hiérarchisation n’a pas lieu d’être.»

Combat de femme

Vision personnelle qui, de son propre aveu, tend malheureusement à lui jouer des tours:

«Ma conception de la culture a fait que je me suis parfois tirée des balles dans le pied, dans le sens où, étant une femme plutôt sensible, qui défend mordicus certaines choses, notamment l’art-thérapie, au risque d’en avoir la voix qui tremble, je peux dégager quelque chose de social, alors que je suis avant tout dans l’univers culturel.

Je me dis souvent qu’être un mâle senior blanc et de droite aiderait beaucoup à ajouter de la crédibilité dans ce genre de situations, par exemple lors de rencontres avec des politiques pour obtenir des subventions», sourit-elle à moitié.

Ces récits qui nous entourent

Mais Katia Delay n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Le présent comme l’avenir sont bien trop passionnants, alors que le récit est désormais partout, en plein milieu de notre champ de vision. Complotisme sur les réseaux sociaux, trumpisme décomplexé, propagande de guerre…

«Notre mission est justement de conscientiser sur la nécessité d’une lecture critique de tous les récits, afin d’en éclairer la motivation rassembleuse, transformatrice ou manipulatrice. Les gens sont toujours friands d’une bonne histoire, or c’est un concept à la fois beau et dangereux. C’est évidemment une tâche passionnante de traiter ces milliers de récits qui nous entourent.» Plus qu’une maison, pour Katia Delay: une véritable vocation.

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