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Cinéma

«Mon nom est clitoris»: le film (à voir!) qui brise le tabou et libère la parole

Edit: «Mon nom est clitoris» sera diffusé le 11 mars 2021 sur la RTS1 à 22h50.

Parler de domination masculine sans jamais utiliser ces termes: tel est le pari réussi du documentaire «Mon nom est clitoris». Durant 80 minutes, 12 filles âgées entre 18 et 25 ans évoquent à cœur ouvert et à visage découvert leur sexualité. Un film idéal pour parler du manque d’informations, faire bouger les mentalités et ouvrir les esprits. Interview téléphonique avec ses deux réalisatrices, Daphné Leblond, 28 ans, et Lisa Billuart Monet, 24 ans, qui signent leur premier long-métrage.

Comment est né ce projet? Qu’est-ce qui vous a donné envie de le réaliser?
Lisa Billuart Monet
Daphné et moi nous nous sommes rencontrées dans notre école de cinéma en Belgique et nous sommes devenues amies. Lors d’un voyage, nous avons eu une longue conversation sur la sexualité, notamment sur l’obligation de la pénétration lors des rapports hétérosexuels. On a parlé de nos expériences, il y avait beaucoup de choses qui nous semblaient importantes à traiter. L’idée est née à ce moment-là. Ça nous a fait tellement de bien d’en parler ensemble qu’on s’est dit que cela pouvait également être libérateur pour d’autres filles de notre génération. C’est vraiment ce concept qui nous a poussées à passer à la réalisation, car on a suivi des sections techniques dans notre école. C’est notre premier film!

Vous avez filmé «Mon nom est clitoris» en 2016, pourquoi n'est-il diffusé qu'aujourd'hui?
Daphné Leblond
On a commencé le tournage sans production, on le réalisait en parallèle de nos études. Cela a ralenti le processus. Puis on a attendu un financement durant quasiment un an. Dans ce domaine, on met plusieurs mois à monter un dossier et on patiente ensuite autant de temps pour avoir une réponse. Le film est terminé depuis un an, mais notre première sélection en festival, à Namur, est arrivée relativement tard.

Mon nom est clitoris
© Iota Production

L’auriez-vous tourné différemment aujourd’hui?
Daphné
Oui, clairement. Cela aurait déjà changé les choses si l’on avait été financées pour le tournage. On aurait pu investir dans du meilleur matériel, plus professionnel.
Lisa
Mais avoir commencé sans production nous a tout de même offert une totale liberté. On a tout choisi: le casting, le dispositif, le cadre, les questions, etc. On n’a subi aucune pression extérieure. On a pu explorer toutes nos idées! Et le fait d’être uniquement nous deux dans les chambres des filles qui témoignent nous a aidées. Avec un ingénieur du son en plus par exemple, les participantes ne se seraient probablement pas livrées de la même façon.

Il n’y avait aucune barrière, pas de projecteur: on a tout filmé en lumière naturelle. C’est aussi la force du film.

Daphné Complètement, c’est un projet au départ réalisé «entre copines», avec des bouts de ficelle, mais cela fait partie de son identité.

Lorsque vous dites «entre copines», cela signifie-t-il que les 12 filles qui témoignent sont vos amies?
Daphné
Pas toutes, mais on a commencé avec des filles proches de nous, que l’on connaissait bien, oui. On s’était dit que ça allait être compliqué, qu’on allait essuyer beaucoup de refus. On a donc demandé à des personnes avec qui on avait déjà parlé de ces sujets-là. Ces dernières nous ont ensuite recommandé d’autres filles et nous avons également passé quelques annonces sur les réseaux sociaux.

Comment se sont déroulées les interviews?
Lisa
En général, on prenait une après-midi complète pour cela. On leur transmettait les questions à l’avance, il n’y avait pas de piège. Pendant les interviews, on ne le voit pas dans le film, mais on se livre aussi beaucoup, on n’arrête pas de parler de nos propres expériences. La parole nourrit la parole. C’était davantage une conversation qu’un bête question-réponse. On a le même âge, les mêmes problèmes, les mêmes questionnements. Un effet de miroir s’est naturellement installé.
Daphné
Il y avait une vraie complicité. On voyait très bien de quoi elles voulaient parler, car on traversait les mêmes choses au même moment.

Les participantes ont-elles tout de suite accepté que ce soit à visage découvert?
Daphné
Non, pas toutes. On a eu peu de refus, mais il y en a eu.
Lisa
C’est très courageux ce qu’elles ont fait. C’était notre contrainte de base, on ne voulait pas s’attaquer au tabou entourant le clitoris tout en floutant les visages. Ça nous paraissait contradictoire. Mais incarner cette parole, ce n’est pas quelque chose d’évident, c’est totalement différent que de faire un podcast par exemple.

© Iota Production

Avez-vous essayé d’avoir un casting le plus diversifié possible?
Lisa
On a souhaité mettre en lumière des orientations sexuelles différentes, des physiques différents, des origines différentes, des personnes concernées par des problèmes autres. On a essayé de sortir de nos propres caractéristiques. Mais en tout, on a interviewé uniquement 15 jeunes femmes. On s’est très vite rendu compte que l’on avait énormément de matière, suffisamment pour faire un film. Derrière chaque témoignage, il y a énormément d’histoires à raconter, qui chacune à sa façon dit quelque chose de la domination masculine.

On se rend bien compte qu’il y a des minorités sexuelles et des personnes qui ne sont pas représentées dans le film. Ça nous paraissait difficile d’avoir un spectre total de la sexualité. Et on voulait aussi éviter l’étiquetage: la personne trans, la personne asexuelle, etc.

Dans la continuité de «Mon nom est clitoris», on aimerait réaliser un projet web composé de capsules racontant la sexualité de personnes qui ne sont pas représentées dans le film. On élargirait ainsi le sujet. Ce serait aussi une manière d’intéresser un public plus jeune.

Votre film peut-il être considéré comme un outil pédagogique?
Daphné
Oui, complètement. On aimerait que beaucoup de gens s’en emparent, qu’il puisse être un outil militant et pédagogique pour essayer de combler l’ignorance dont on parle tout au long du documentaire. Donner des informations concrètes était essentiel dans notre démarche.
Lisa
Le planning familial belge a déjà manifesté son intérêt, «Mon nom est clitoris» va être utilisé pour donner des cours d’éducation sexuelle. Pour nous c’est formidable, c’est vraiment un bel accomplissement.

Est-ce que la situation évolue selon vous, connait-on mieux le clitoris aujourd’hui qu'il y a quelques années?
Daphné
Oui et non, car les problèmes de société mettent toujours un temps fou à s’améliorer. Faire bouger les mentalités ne se fait pas du jour au lendemain. Mais dans les livres scolaires en France par exemple, il y a 4 manuels qui ont enfin ajouté le clitoris et l’ont représenté en entier. A ce jour, il y a donc 5 manuels sur 7 qui sont à jour.
Lisa
En Suisse les choses bougent aussi d’ailleurs. Des étudiantes en médecine nous ont confiées que pour la première fois, les futurs docteurs avaient désormais un cours qui portait sur le clitoris. Alors qu’avant, ça semble fou, mais ça n’était pas du tout étudié.

Je pense qu’il y a vraiment un avant et un après #MeToo, ça a bouleversé tout le paysage médiatique.

4 ans après le début du projet, êtes-vous fatiguées de parler de «Mon nom est clitoris»?
Daphné
Beaucoup de réalisateurs sont souvent dans ce cas, car tout prend du temps avec le cinéma. Mais pour nous, absolument pas: c’est un aboutissement. On ne pouvait pas se passer de ce contact avec les publics, on adore assister aux projections. Et le public suisse a été au-delà de nos espérances. C’est le premier pays à distribuer le film en salles, avant même la France et la Belgique. C’est notre rêve depuis le départ, merci la Suisse!
Lisa
Ce film représente également notre militantisme. Ça nous paraît toujours aussi important de parler de cela. Car le problème est loin d’être résolu. Alors plus on en parle, mieux c’est!

«Mon nom est clitoris», diffusé en salles de cinéma dès le 30 octobre 2019 à Genève, Lausanne, Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds, Delémont et Fribourg.

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